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22/02/2008 | FRANCE | N°252514

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 22 février 2008, 252514


Vu la décision n° 252 514 du 17 novembre 2004 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, sur la requête de la SOCIETE GENERALE D'ARCHIVES a, d'une part, annulé l'article 3 de l'arrêt du 3 octobre 2002 de la cour administrative d'appel de Douai en tant qu'il rejette ses conclusions indemnitaires, ainsi que le jugement du 15 décembre 1998 du tribunal administratif d'Amiens, d'autre part, rejeté les conclusions de la société tendant à la réparation de son préjudice moral et, enfin, ordonné qu'il soit procédé, avant de statuer sur les autres conclusions indemnitaires,

une expertise en vue de déterminer si et dans quelle mesure l...

Vu la décision n° 252 514 du 17 novembre 2004 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, sur la requête de la SOCIETE GENERALE D'ARCHIVES a, d'une part, annulé l'article 3 de l'arrêt du 3 octobre 2002 de la cour administrative d'appel de Douai en tant qu'il rejette ses conclusions indemnitaires, ainsi que le jugement du 15 décembre 1998 du tribunal administratif d'Amiens, d'autre part, rejeté les conclusions de la société tendant à la réparation de son préjudice moral et, enfin, ordonné qu'il soit procédé, avant de statuer sur les autres conclusions indemnitaires, à une expertise en vue de déterminer si et dans quelle mesure les préjudices matériels allégués par la SOCIETE GENERALE D'ARCHIVES ont été provoqués par la décision préfectorale lui enjoignant de procéder à la remise en état du site qu'elle occupait et d'évaluer le montant de la réparation due à ce titre ;

Vu le rapport d'expertise enregistré le 19 septembre 2007 ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 30 janvier 2008, présentée pour la SOCIETE GENERALE D'ARCHIVES ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Aurélie Bretonneau, Auditeur,

- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE D'ARCHIVES,

- les conclusions de M. Yann Aguila, Commissaire du gouvernement ;


Considérant que, sur le fondement de l'article 23 de la loi du 19 juillet 1976, dont les dispositions sont aujourd'hui reprises à l'article L. 514-1 du code de l'environnement, le préfet de l'Aisne a, par un arrêté du 15 avril 1994, mis en demeure la SOCIETE GENERALE D'ARCHIVES de procéder à la régularisation de ses activités au titre de la législation sur les installations classées, à l'élimination des déchets présents sur le site qu'elle occupait et à la remise en état des lieux ; que, par une décision du 17 novembre 2004, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a jugé que le préfet ne pouvait légalement, sur le fondement de l'article 23 de la loi du 19 juillet 1976, imposer à la SOCIETE GENERALE D'ARCHIVES de procéder à l'élimination de déchets issus de l'exploitation antérieure sur le site d'une autre installation classée, au seul motif qu'elle était installée dans les mêmes locaux, et que la société était fondée à soutenir que l'Etat, en lui enjoignant de procéder aux travaux de remise en état du site, avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; qu'après avoir jugé que le préjudice moral allégué n'était pas directement imputable à la décision du préfet, il a estimé que l'état de l'instruction ne permettait pas de déterminer si et dans quelle mesure les autres chefs de préjudice allégués par la SOCIETE GENERALE D'ARCHIVES avaient été provoqués par la décision lui enjoignant de procéder à la remise en état du site et d'évaluer le montant de la réparation due à ce titre et qu'il y avait lieu, avant de statuer sur la demande d'indemnité, d'ordonner une expertise à cette fin ; que l'expert a remis son rapport le 19 septembre 2007 ;

Considérant, en premier lieu, que le ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables ne saurait utilement se prévaloir, pour faire échec à la responsabilité de l'Etat en raison de l'illégalité fautive d'une mesure prise en son nom, de ce que le maire aurait été compétent, en vertu des articles L. 541-1 et suivants du code de l'environnement, pour édicter une mesure de portée équivalente à celle prise par le préfet ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que la SOCIETE GENERALE D'ARCHIVES a versé en 1994 une somme de 139 004 F, soit 21 191,03 euros, à la société SGS Qualitest afin qu'il soit procédé à l'analyse des déchets présents sur le site ; qu'en revanche, les autres versements effectués à cette société correspondent à des frais exposés afin de préparer le dossier de demande d'autorisation au titre de la législation sur les installations classées et ne sont donc pas directement liés à la décision de l'Etat imposant à la société la remise en état du site ; qu'il y a donc lieu de mettre à ce titre à la charge de d'Etat le versement à la SOCIETE GENERALE D'ARCHIVES d'une somme de 21 191,03 euros ;

Considérant, en troisième lieu, que la SOCIETE GENERALE D'ARCHIVES a versé à la société Ducamp, en 1994, une somme de 113 529,9 F, soit 17307,54 euros, afin que celle-ci procède à l'enlèvement et au stockage de déchets présents sur le site ; qu'il y a lieu, par ailleurs, d'accorder à la société une somme de 283 455 F, soit 43 212,43 euros, au titre des frais de retraitement, tels qu'évalués en 1994, ainsi qu'une somme de 42 000 F, soit 6 402,85 euros, s'agissant des frais de stockage supplémentaires liés à ces retraitements ; qu'en revanche, les dépenses de stockage engagées postérieurement à 1994 en raison d'un différend entre la SOCIETE GENERALE D'ARCHIVES et la société Ducamp, qui trouvent leur origine dans le litige opposant les deux sociétés, ne sauraient, par suite, être mises à la charge de l'Etat ; qu'il y a donc lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SOCIETE GENERALE D'ARCHIVES d'une somme de 66 922,82 euros au titre des frais d'enlèvement, de stockage et de retraitement des déchets ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'il n'existe pas de lien de causalité directe entre l'arrêté du 15 avril 1994 mettant la SOCIETE GENERALE D'ARCHIVES en demeure d'éliminer les déchets présents sur le site de Coucy-le-Château et la décision prise par cette dernière, en 1996, de louer provisoirement de nouveaux locaux à Garonor, qui trouve son origine dans la pollution du site et non dans la mesure illégale lui imposant de dépolluer ; qu'il n'existe pas davantage de lien de causalité directe entre cet arrêté et la diminution alléguée du chiffre d'affaires de l'entreprise ;

Considérant, enfin, qu'il y a lieu d'indemniser la SOCIETE GENERALE D'ARCHIVES des frais de gestion qu'elle a dû engager à la suite de l'intervention de l'arrêté préfectoral, à hauteur de la somme de 7 013 euros ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE GENERALE D'ARCHIVES est fondée à demander la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 95 126,85 euros ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

Considérant que la SOCIETE GENERALE D'ARCHIVES a droit aux intérêts de la somme de 95 126,85 euros à compter du 4 mars 1996, date de la réception par le préfet de sa demande de paiement ; que la capitalisation a été demandée le 10 septembre 2002 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à cette date ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat les frais de l'expertise ordonnée par Conseil d'Etat taxés et liquidés à la somme de 13 966,89 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SOCIETE GENERALE D'ARCHIVES d'une somme de 5 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce que soit mis à la charge de la SOCIETE GENERALE D'ARCHIVES, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que demande au même titre le ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables ;




D E C I D E :
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Article 1er : L'Etat est condamné à verser à la SOCIETE GENERALE D'ARCHIVES la somme de 95 126,85 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 mars 1996. Les intérêts échus le 10 septembre 2002 seront capitalisés à cette date et à chaque échéance annuelle.
Article 2 : Les frais de l'expertise ordonnée par le Conseil d'Etat liquidés à la somme de 13 966,89 euros sont mis à la charge de l'Etat.
Article 3 : L'Etat versera à la SOCIETE GENERALE D'ARCHIVES une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la SOCIETE GENERALE D'ARCHIVES et de l'Etat est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE GENERALE D'ARCHIVES et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 252514
Date de la décision : 22/02/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 22 fév. 2008, n° 252514
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Delarue
Rapporteur ?: Mlle Aurélie Bretonneau
Rapporteur public ?: M. Aguila Yann
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:252514.20080222
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