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22/02/2008 | FRANCE | N°288949

France | France, Conseil d'État, 2ème sous-section jugeant seule, 22 février 2008, 288949


Vu la requête, enregistrée le 11 janvier 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mohammed A et Mme Noufissa B, épouse A demeurant ... et M. Khalid B, demeurant ... ; M. A et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite, née le 14 novembre 2005, par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours dirigé contre la décision du 8 août 2005 par laquelle le consul général de France à Casablanca a refusé le visa d'entrée et de court séjour en France s

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Vu la requête, enregistrée le 11 janvier 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mohammed A et Mme Noufissa B, épouse A demeurant ... et M. Khalid B, demeurant ... ; M. A et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite, née le 14 novembre 2005, par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours dirigé contre la décision du 8 août 2005 par laquelle le consul général de France à Casablanca a refusé le visa d'entrée et de court séjour en France sollicité pour les trois enfants mineurs Badr, Hamza et Soufiane A et réduit la durée de validité du visa de court séjour pour visite familiale sollicité par M. et Mme A à 10 jours au lieu des 30 jours demandés ;

2°) d'enjoindre au consul de délivrer les visas de court séjour sollicités par les membres de la famille A ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement aux intéressés d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'ils ont subi du fait de la décision attaquée et en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée à Schengen le 19 juin 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le décret n° 94-211 du 11 mars 1994 ;

Vu le décret n° 2000-1093 du 10 novembre 2000, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Meyer-Lereculeur, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Frédéric Lenica, Commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre des affaires étrangères :

Considérant que la requête de M. A, de Mme B, épouse A, et de M. B doit, dans le dernier état de leurs écritures, être regardée comme tendant à l'annulation de la décision en date du 27 avril 2006 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours dirigé contre la décision du 8 août 2005 par laquelle le consul général de France à Casablanca a refusé un visa d'entrée et de court séjour en France aux trois enfants mineurs Badr, Hamza et Soufiane A et réduit de trente à dix jours la durée de validité du visa de court séjour sollicité par M. et Mme A, à ce qu'il soit enjoint au consul général de France à Casablanca de délivrer les visas de court séjour demandés et à ce que l'Etat soit condamné à leur payer la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice que leur ont causé ces refus de visa et en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le ministre des affaires étrangères, la requête ne tend pas uniquement à ce qu'il soit enjoint au consul général de France à Casablanca de délivrer les visas demandés ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le ministre, tirée de ce que de telles conclusions seraient irrecevables, doit être écartée ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant que, pour rejeter le recours formé par M. A et autres contre la décision du consul général de France à Casablanca en date du 8 août 2005, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, en application de l'article 5 de la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990, sur ce que M. et Mme A, de nationalité marocaine, ne disposaient pas des ressources financières pour faire face aux frais d'un voyage et d'un séjour de trente jours en France pour cinq personnes et sur ce que M. B, de nationalité française, frère de Mme A, qui s'était engagé à les héberger en France où il réside, n'avait pas justifié des ressources financières lui permettant de subvenir aux besoins du voyage et du séjour en France des cinq membres de la famille de sa soeur ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, à titre de pièces justificatives produites à l'appui de l'attestation d'accueil en France accompagnant la demande de visas de sa soeur et de sa famille, M. B avait justifié de ses ressources en produisant l'avis d'imposition sur le revenu de son foyer fiscal pour les années 2003, 2004 et 2005, ainsi que ses propres fiches de paie pour les mois de janvier et de février 2005 ; qu'il résulte de ces documents que, pour une famille de trois personnes, les revenus du foyer fiscal déclarés par M. B, au titre de l'année 2003 s'élevaient à environ 72 000 euros, M. B, employé comme cadre dans une entreprise du bâtiment, percevant lui-même des revenus salariaux d'environ 4 000 euros par mois et son épouse des revenus salariaux d'environ 2 000 euros par mois au titre de cette année ; que M. B justifie, en outre, de salaires mensuels nets d'environ 3 000 euros par mois au titre de l'année 2005 ; qu'en signant en mairie, le 6 juillet 2005, l'attestation d'accueil demandée par les services consulaires, M. B s'était engagé à héberger sa soeur et sa famille à son domicile, dont il est propriétaire, et à prendre en charge les frais de séjour (...) pour le cas où eux-mêmes n'y pourvoiraient pas ; que, dans ces circonstances, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions de l'article 5 de la convention d'application de l'accord de Schengen en se fondant sur l'insuffisance des ressources de la famille A pour faire face aux besoins de son voyage et de son séjour en France ; que, par suite, M. A et autres sont fondés à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision implicite du 14 novembre 2005 et de la décision du 27 avril 2006 par lesquelles la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a, respectivement, réduit la durée de validité des visas accordés à M. et Mme A à dix jours au lieu des trente jours sollicités et refusé aux trois enfants A un visa d'entrée et de court séjour en France ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que, eu égard aux motifs de la présente décision, l'exécution de celle-ci implique normalement la délivrance d'un visa de court séjour à M. et Mme A et à leurs trois enfants ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la situation des requérants ait été modifiée, en fait ou en droit, depuis l'intervention de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, dans des conditions telles que les demandes de visa seraient devenues sans objet, ou que des circonstances postérieures à la date de cette décision permettraient désormais de fonder légalement de nouvelles décisions de rejet ; que, dès lors, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de prescrire à l'autorité compétente de délivrer à M. et Mme A et à leurs trois enfants, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, un visa d'entrée et de court séjour en France ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours contre une décision (...) ;

Considérant que les conclusions indemnitaires de M. et Mme A et autres n'ont pas fait l'objet d'une demande préalable auprès de l'administration française et sont, dès lors, irrecevables ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A et autres et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 27 avril 2006 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement de délivrer des visas d'entrée et de court séjour en France à M. et Mme A ainsi qu'à leurs trois enfants, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à M. A et autres en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Mohammed A, à M. Khalid B et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.


Synthèse
Formation : 2ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 288949
Date de la décision : 22/02/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 fév. 2008, n° 288949
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: Mme Catherine Meyer-Lereculeur
Rapporteur public ?: M. Lenica Frédéric

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:288949.20080222
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