Vu la requête, enregistrée le 14 mars 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Saloum A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le décret du 28 décembre 1992 portant déchéance de la nationalité française qu'il avait acquise par réintégration ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la nationalité française ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée ;
Vu la loi n° 98-170 du 16 mars 1998 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Catherine Meyer-Lereculeur, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Frédéric Lenica, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la lettre du ministre des affaires étrangères en date du 26 novembre 2003 ne constitue qu'un acte de notification du décret attaqué et n'est, par suite, pas susceptible de recours ;
Considérant qu'aux termes de l'article 98 du code de la nationalité française, en vigueur à la date du décret attaqué : « L'individu qui a acquis la qualité de Français peut, par décret pris après avis conforme du Conseil d'Etat, être déchu de la nationalité française :/... 5° S'il a été condamné en France ou à l'étranger pour un acte qualifié de crime par la loi française et ayant entraîné une condamnation à une peine d'au moins cinq années d'emprisonnement » ; que l'article 99 du même code dispose : « La déchéance n'est encourue que si les faits reprochés à l'intéressé et visés à l'article 98 se sont produits dans le délai de dix ans à compter de la date de l'acquisition de la nationalité française... » ;
Considérant qu'après avoir cité les dispositions précitées, le décret attaqué relève, dans ses motifs, que M. A a été condamné le 22 juin 1990 par la cour d'assises de la Seine-Saint-Denis à une peine de cinq années d'emprisonnement avec sursis pour complicité de coups et violences volontaires ayant entraîné la mutilation de sa fille naturelle Kadidia Soumare, âgée de moins de quinze ans ; qu'il a, ce faisant, suffisamment précisé les éléments de droit et de fait qui constituaient le fondement de la décision et, par suite, satisfait aux exigences de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations avec le public ;
Considérant que l'excision pratiquée sur la fille naturelle de M. A constitue un fait d'une exceptionnelle gravité dont M. A, qui est entré en France en 1973 et qui, de par sa profession de chauffeur de taxi, se trouvait en contact direct avec la population française, ne pouvait ignorer le caractère criminel même si, par ailleurs, cette mutilation est coutumière dans certains pays ; que, dans ces conditions, le gouvernement, qui a par ailleurs procédé à un examen préalable de la situation personnelle et familiale de M. A, n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en estimant que la déchéance de la nationalité française était encourue par l'intéressé ; que la circonstance que les règles de déchéance de nationalité aient été postérieurement modifiées par la loi du 16 mars 1998 relative à la nationalité est sans incidence sur la légalité du décret attaqué ;
Considérant que M. A continue à séjourner en France et à y exercer sa profession ; que le décret attaqué, eu égard à la gravité des faits commis, n'est pas entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation du décret du 28 décembre 1992 par lequel il a été déchu de la nationalité française ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. A la somme qu'il demande pour les frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Saloum A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.