La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/02/2008 | FRANCE | N°289389

France | France, Conseil d'État, 10ème sous-section jugeant seule, 29 février 2008, 289389


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 janvier et 22 mai 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Philippe A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 18 octobre 2005 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de la Ligue de karaté de Bourgogne refusant de lui communiquer, sur support informatique, les grands livres journaux des exercices comptables clos au titre des années 2001 à 2004, ainsi que les bal

ances comptables, les bilans et les comptes de résultats des mêmes ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 janvier et 22 mai 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Philippe A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 18 octobre 2005 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de la Ligue de karaté de Bourgogne refusant de lui communiquer, sur support informatique, les grands livres journaux des exercices comptables clos au titre des années 2001 à 2004, ainsi que les balances comptables, les bilans et les comptes de résultats des mêmes exercices ;

2°) de mettre à la charge de la Ligue de karaté de Bourgogne la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 modifiée portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal ;

Vu le décret n° 88-465 du 28 avril 1988 relatif à la procédure d'accès aux documents administratifs ;

Vu le décret n° 2001-493 du 6 juin 2001 pris pour l'application de l'article 4 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;

Vu l'arrêté du Premier ministre du 1er octobre 2001 relatif aux conditions de fixation et de détermination du montant des frais de copie d'un document administratif ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Paule Dayan, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. Philippe A et de la SCP Parmentier, Didier, avocat de la Ligue de karaté de Bourgogne,

- les conclusions de Mlle Célia Verot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. A demande l'annulation du jugement du 18 octobre 2005 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision implicite de la Ligue de karaté de Bourgogne refusant de lui communiquer, sur support informatique, une copie des livres journaux, balances comptables, bilans et comptes de résultats des exercices comptables clos du 31 août 2001 au 31 août 2004 ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant que, pour demander l'annulation du jugement attaqué, M. A soutient que le tribunal administratif de Dijon n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la Ligue de karaté de Bourgogne n'établissait pas que son président était valablement habilité à la représenter en défense ; que le tribunal administratif a rejeté la demande de M. A sans se prononcer sur ce moyen, qui n'était pas inopérant ; que, dès lors, M. A est fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité faute de réponse à ce moyen et à en demander l'annulation pour ce motif ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Sur les conclusions à fin de non-lieu à statuer :

Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 17 juillet 1978, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : « L'accès aux documents administratifs s'exerce : / a) Par consultation gratuite sur place (...) / b) Sous réserve que la reproduction ne nuise pas à la conservation du document, par la délivrance d'une copie facilement intelligible sur un support identique à celui utilisé par l'administration ou sur papier, au choix du demandeur, dans la limite des possibilités techniques de l'administration et aux frais de ce dernier, sans que ces frais puissent excéder le coût de cette reproduction, dans des conditions prévues par décret. » ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 6 juin 2001 susvisé alors en vigueur : « Toute personne demandant copie d'un document administratif dans les conditions prévues à l'article 4 de la loi du 17 juillet 1978 susvisée peut obtenir cette copie : / - soit sur papier ; / - soit sur un support informatique identique à celui utilisé par l'administration ; / - soit par messagerie électronique. / Le demandeur souhaitant obtenir copie d'un document sur support informatique ou par messagerie électronique est avisé du système et du logiciel utilisés par l'administration. » ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que lorsque le demandeur sollicite la délivrance d'une copie d'un document communicable et ne manifeste pas de refus de prendre en charge les frais qui y sont associés, l'autorité compétente, sous réserve notamment de considérations liées à ses possibilités techniques, est tenue de délivrer cette copie à l'intéressé, qui a le choix du mode d'accès au document en cause ;

Considérant que la Ligue de karaté de Bourgogne fait valoir que les documents demandés par M. A ne peuvent être extraits que sur support papier, dès lors que les disquettes informatiques du logiciel qu'elle utilise pour tenir sa comptabilité ne sont pas compatibles avec des programmes extérieurs pour des raisons de sécurité ; que, toutefois, M. A, qui conteste la réalité de l'impossibilité technique ainsi invoquée, demande à obtenir la communication des documents sollicités sous forme d'une copie sur support informatique ; que, par suite, la circonstance que la Ligue de karaté de Bourgogne propose à M. A de lui fournir, sous réserve du paiement préalable des frais de reproduction, des photocopies des pièces demandées, n'a pas pour effet de priver d'objet la requête introduite par celui-ci devant le tribunal administratif ; qu'ainsi, les conclusions à fin de non-lieu présentées par la Ligue défenderesse ne peuvent qu'être écartées ;

Sur la recevabilité de la requête de M. A :

Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret du 28 avril 1988 susvisé, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : « Le silence gardé pendant plus d'un mois par l'autorité compétente, saisie d'une demande de communication de documents en application du titre premier de la loi no 78-753 du 17 juillet 1978, vaut décision de refus. / En cas de refus exprès ou tacite, l'intéressé dispose d'un délai de deux mois à compter de la notification du refus ou de l'expiration du délai fixé au premier alinéa du présent article pour saisir la commission instituée à l'article 5 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978. / La saisine de la commission, dans les conditions prévues au deuxième alinéa du présent article, est obligatoire préalablement à tout recours contentieux. / La commission notifie, dans un délai d'un mois à compter de sa saisine, son avis à l'autorité compétente qui informe la commission, dans le mois qui suit la réception de cet avis, de la suite qu'elle entend donner à la demande. / Le silence gardé par l'autorité compétente pendant plus de deux mois à compter de la saisine de la commission par l'intéressé vaut décision de refus. » ;

Considérant que, suite au refus implicite de la Ligue de karaté de Bourgogne de communiquer à M. A les documents qu'il avait sollicités le 1er octobre 2004, celui-ci a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs le 30 décembre 2004 ; que la commission a rendu le 4 mars 2005 un avis favorable à cette communication ; que la circonstance que M. A ait déposé sa requête le 15 mars 2005, soit avant l'expiration du délai imparti par la commission à la Ligue de karaté de Bourgogne pour communiquer les documents demandés, est sans incidence sur la recevabilité de cette requête, dès lors qu'il résulte des dispositions précitées que le silence gardé par l'autorité compétente pendant plus de deux mois à compter de la saisine de la commission avait fait naître une décision implicite de refus, qui pouvait être contestée devant le tribunal administratif ; qu'ainsi, la fin de non-recevoir opposée par la Ligue défenderesse, régulièrement représentée par son président conformément à l'article 10 de ses statuts, à la requête de M. A, ne saurait être accueillie ;

Sur la légalité du refus de communiquer les documents demandés :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 623-1 du code de justice administrative : « La juridiction peut, soit sur la demande des parties, soit d'office, prescrire une enquête sur les faits dont la constatation lui paraît utile à l'instruction de l'affaire » ; qu'aux termes de l'article R. 623-2 du même code : « La décision qui prescrit l'enquête indique les faits sur lesquels elle doit porter et précise, suivant le cas, si elle aura lieu soit devant une formation de jugement ou d'instruction, soit devant un de ses membres qui, le cas échéant, se transportera sur les lieux. Elle est notifiée aux parties » ;

Considérant que l'état du dossier ne permet pas au Conseil d'Etat de se prononcer en toute connaissance de cause sur la réalité et la portée des contraintes d'ordre technique invoquées par la Ligue de karaté de Bourgogne pour refuser de communiquer une copie des documents sur support informatique ; qu'il y a lieu, par suite, avant de statuer sur la demande de M. A, d'ordonner une enquête, tous droits et conclusions des parties étant expressément réservés, dans toute la mesure où il n'y a pas été statué par la présente décision, jusqu'à l'intervention de la décision définitive du Conseil d'Etat mettant fin à l'instance ; que cette enquête aura pour objet de déterminer si les caractéristiques du système et du logiciel informatiques que la Ligue de karaté de Bourgogne utilise pour la tenue de sa comptabilité, permettent la production d'une copie sur support informatique des documents demandés par le requérant ou si une impossibilité technique fait obstacle à la communication d'une telle copie ; que l'enquête sera menée, contradictoirement avec les parties, par M. Bohuon, auditeur au Conseil d'Etat, assisté en tant que de besoin d'agents du service informatique du Conseil d'Etat ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 18 octobre 2005 est annulé.

Article 2 : Avant de statuer sur les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A devant le tribunal administratif, il sera procédé par M. Bohuon, auditeur au Conseil d'Etat, à une enquête contradictoire en vue de déterminer si les caractéristiques du système et du logiciel informatiques que la Ligue de karaté de Bourgogne utilise pour la tenue de sa comptabilité, permet la production d'une copie sur support informatique des documents demandés par le requérant ou si une impossibilité technique fait obstacle à la communication d'une telle copie.

Article 3 : M. Bohuon se transportera le cas échéant sur les lieux et pourra se faire assister en tant que de besoin par des agents du service informatique du Conseil d'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Philippe A, à la Ligue de karaté de Bourgogne et au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.


Synthèse
Formation : 10ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 289389
Date de la décision : 29/02/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 fév. 2008, n° 289389
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: Mme Paule Dayan
Rapporteur public ?: Mlle Verot Célia
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP DIDIER, PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:289389.20080229
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award