La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/03/2008 | FRANCE | N°271530

France | France, Conseil d'État, 10ème sous-section jugeant seule, 12 mars 2008, 271530


Vu le pourvoi, enregistré le 25 août 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 1er juillet 2004 de la cour administrative d'appel de Nancy en tant qu'il a rejeté son appel incident formé contre les articles 1er et 2 du jugement du 12 novembre 1999 du tribunal administratif de Strasbourg accordant à la Banque Populaire de Lorraine une décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés

auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1990 ...

Vu le pourvoi, enregistré le 25 août 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 1er juillet 2004 de la cour administrative d'appel de Nancy en tant qu'il a rejeté son appel incident formé contre les articles 1er et 2 du jugement du 12 novembre 1999 du tribunal administratif de Strasbourg accordant à la Banque Populaire de Lorraine une décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1990 et 1991 à raison des amortissements pratiqués par le groupement d'intérêt économique (GIE) Cladel Bail 1 ;




Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Matt, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de la Banque populaire de Lorraine et de la Banque Populaire Lorraine Champagne,

- les conclusions de Mlle Célia Verot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un contrat de crédit-bail, le groupement d'intérêt économique (GIE) Cladel Bail 1 mettait des rames du TGV Atlantique à la disposition de la SNCF contre paiement par celle-ci d'un loyer annuel ; que l'administration fiscale a procédé à la vérification de la comptabilité des GIE et remis en cause l'amortissement sur quinze ans des rames de TGV ; qu'à raison de ses participations au GIE, la Banque Populaire de Lorraine a été assujettie à des suppléments d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 1990 et 1991 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : « 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (…) notamment : (…) / 2° (…) les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation et compte tenu des dispositions de l'article 39 A, sous réserve des dispositions de l'article 39 B (…)» ; qu'aux termes de l'article 39 C du même code : « L'amortissement des biens donnés en location ou mis à la disposition sous toute autre forme est réparti sur la durée normale d'utilisation suivant des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat » ; qu'aux termes de l'article 30 de l'annexe II au même code : « Les biens donnés en location sont amortis sur leur durée normale d'utilisation, quelle que soit la durée de la location » ;

Considérant que l'amortissement, depuis l'origine, des rames de TGV sur vingt ans, durée d'ailleurs proche de celle retenue pour l'amortissement de la plupart des rames utilisées par la SNCF, constitue un usage au sens des dispositions précitées du 2° du 1. de l'article 39 du code général des impôts, auquel il convient, en application de ces dispositions, de se référer, malgré les innovations techniques que comportent les rames du TGV Atlantique, qui ne suffisent pas à en faire des biens d'une nature différente des rames des précédents TGV ; que, dès lors, en jugeant que les rames du TGV Atlantique constituent un matériel nouveau pour lequel il n'y a pas d'usage, la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit ; qu'ainsi, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il rejette son appel incident ;

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler dans cette mesure l'affaire au fond ;

Considérant que, d'une part, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les rames de TGV Atlantique ne sont pas des biens d'une nature différente des rames des précédents TGV ; que d'autre part, ni leurs conditions d'exploitation ni les innovations techniques mentionnées ci ;dessus ne constituent des circonstances particulières qui justifieraient de déroger à la durée d'amortissement de vingt ans correspondant à l'usage susmentionné ; qu'ainsi, c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ces conditions d'exploitation et innovations techniques pour accorder la décharge des impositions litigieuses ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par la Banque Populaire de Lorraine ;

Considérant que le courrier en date du 22 mars 1989 par lequel le directeur de la législation fiscale a répondu à une demande du directeur financier de la SNCF sur les durées d'amortissement des rames du TGV Atlantique qui allaient être mises en service ne peut être regardée, compte tenu de ses termes, comme une prise de position formelle par laquelle l'administration aurait admis qu'en application des dispositions précitées du 2° du 1. de l'article 39 du code général des impôts, ces rames pouvaient être amorties sur quinze ans ; qu'ainsi, la Banque Populaire de Lorraine Champagne ne peut, en tout état de cause, invoquer cette lettre sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a accordé la décharge des impositions contestées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la Banque Populaire de Lorraine Champagne demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 1er juillet 2004 est annulé en tant qu'il rejette l'appel incident du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE.
Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés assignées à la Banque Populaire de Lorraine au titre des exercices clos en 1990 et 1991 à raison des amortissements pratiqués par le GIE Cladel Bail 1 sont rétablies.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 12 novembre 1999 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Les conclusions de la Banque Populaire Lorraine Champagne tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et à la Banque Populaire de Lorraine Champagne.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 12 mar. 2008, n° 271530
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Jean-Luc Matt
Rapporteur public ?: Mlle Verot Célia
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN

Origine de la décision
Formation : 10ème sous-section jugeant seule
Date de la décision : 12/03/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 271530
Numéro NOR : CETATEXT000018396521 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2008-03-12;271530 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award