Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 janvier et 6 février 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION INTERCO CFDT ; la FEDERATION INTERCO CFDT demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 8 novembre 2006 relatif à l'attribution d'une prime de sujétions spéciales à certains personnels des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 82-452 du 28 mai 1982 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Aurélie Bretonneau, Auditeur,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de la FÉDÉRATION INTERCO CFDT,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la FEDERATION INTERCO CFDT demande l'annulation du décret du 8 novembre 2006 relatif à l'attribution d'une prime de sujétions spéciales à certains personnels de l'administration pénitentiaire ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 du décret du 28 mai 1982 relatif aux comités techniques paritaires : « Les comités techniques paritaires connaissent (…) des questions et des projets de textes relatifs : 1° Aux problèmes généraux d'organisation des administrations, établissements ou services ; 2° Aux conditions générales de fonctionnement des administrations et services ; (…) 7° Aux critères de répartition des primes de rendement » ; que l'attribution de la prime de sujétions spéciales ne constitue pas un problème général d'organisation des administrations et des services ; qu'elle n'intéresse pas davantage les conditions générales de leur fonctionnement ; qu'eu égard à ses conditions d'attribution, la prime de sujétions spéciales ne peut être regardée comme une prime de rendement ; que, par suite, la FEDERATION INTERCO CFDT n'est pas fondée à soutenir que le décret attaqué aurait dû être préalablement soumis au comité paritaire ministériel en vertu des 1°, 2° et 7° de l'article 12 du décret du 28 mai 1982 et à en demander pour ce motif l'annulation ;
Considérant que l'accès aux formations théorique et pratique de l'Ecole nationale d'administration pénitentiaire n'est de nature à conférer aux personnels élèves et stagiaires aucun droit à bénéficier de la prime de sujétions spéciales ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que les dispositions attaquées, en écartant les agents en formation du bénéfice de la prime, porterait atteinte à des situations juridiquement constituées, ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;
Considérant, en revanche, que le décret attaqué a prévu en son article 6 que ses dispositions prendraient effet le 1er janvier 2006 ; qu'aucune disposition législative n'autorisait le gouvernement à donner à ce décret un effet rétroactif ; que la FEDERATION INTERCO CFDT est par suite fondée à soutenir qu'il est entaché d'excès de pouvoir en tant qu'il comporte une date d'effet antérieure à celle de son entrée en vigueur résultant de sa publication au Journal officiel du 9 novembre 2006 ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à la FEDERATION INTERCO CFDT de la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le décret du 8 novembre 2006 est annulé en tant qu'il prévoit que ses dispositions prennent effet le 1er janvier 2006.
Article 2 : L'Etat versera à la FEDERATION INTERCO CFDT la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la FEDERATION INTERCO CFDT est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION INTERCO CFDT et au garde des sceaux, ministre de la justice.