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19/03/2008 | FRANCE | N°294924

France | France, Conseil d'État, 2ème sous-section jugeant seule, 19 mars 2008, 294924


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 juillet et 6 novembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour LA POSTE, dont le siège est 44, boulevard de Vaugirard à Paris Cedex 15 (75757) ; LA POSTE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 4 mai 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, sur la requête de Mme Annie-Claude A, a annulé, d'une part, le jugement du 19 février 2004 du tribunal administratif de Versailles en tant qu'il rejette les conclusions de Mme A tendant à l'

annulation des décisions du 6 novembre 1998 et du 10 mai 1999 du dir...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 juillet et 6 novembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour LA POSTE, dont le siège est 44, boulevard de Vaugirard à Paris Cedex 15 (75757) ; LA POSTE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 4 mai 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, sur la requête de Mme Annie-Claude A, a annulé, d'une part, le jugement du 19 février 2004 du tribunal administratif de Versailles en tant qu'il rejette les conclusions de Mme A tendant à l'annulation des décisions du 6 novembre 1998 et du 10 mai 1999 du directeur des ressources humaines de la délégation d'Ile-de-France de LA POSTE informant l'intéressée que son refus de rejoindre le poste sur lequel elle avait été affectée constitue un refus de la titularisation qui lui avait été proposée et, d'autre part, les décisions du 6 novembre 1998 et du 10 mai 1999 ;

2°) de mettre à la charge de Mme A le versement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 83 ;634 du 13 juillet 1983, modifiée ;

Vu la loi n° 84 ;16 du 11 janvier 1984, modifiée ;

Vu la loi n° 90 ;568 du 2 juillet 1990, modifiée ;

Vu le décret n° 85 ;1158 du 30 octobre 1985 ;
Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Chadelat, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Haas, avocat de LA POSTE,

- les conclusions de M. Frédéric Lenica, Commissaire du gouvernement ;



Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour annuler, d'une part, le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 19 février 2004 en tant qu'il rejette les demandes de Mme A tendant à l'annulation des décisions du directeur des ressources humaines de la délégation Ile-de-France de LA POSTE en date du 6 novembre 1998 affectant Mme A sur un poste à Orsay en qualité de fonctionnaire titulaire à compter du 3 mai 1999 et en date du 10 mai 1999 constatant son absence à la prise de fonctions à Orsay le 3 mai 1999 et l'assimilant à un refus définitif de la titularisation qui lui était proposée et, d'autre part, les décisions de LA POSTE du 6 novembre 1998 et du 10 mai 1999, la cour administrative d'appel de Versailles a fait droit à l'exception d'illégalité soulevée par Mme A à l'encontre de la note de service n° 179 en date du 25 juillet 1997 du directeur des ressources humaines de la direction générale de LA POSTE, dont elle a estimé que les décisions du 6 novembre 1998 et du 10 mai 1999 attaquées font application, au motif qu'en subordonnant la titularisation des agents non titulaires à l'acceptation d'une nomination sur un poste en Ile-de-France, cette note de service ajoute une condition supplémentaire tenant à l'obligation d'accepter un emploi en Ile-de-France à celles prévues par les dispositions des articles 73 et suivants de la loi du 11 janvier 1984, modifiée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat et des articles 1er, 2 et 4 du décret du 30 octobre 1985 fixant les conditions exceptionnelles d'intégration de personnels du ministère des Postes et Télécommunications dans des corps de fonctionnaires de catégorie D ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 12 de la loi du 13 juillet 1983, modifiée, portant droits et obligations des fonctionnaires : « Le grade est distinct de l'emploi. / Le grade est le titre qui confère à son titulaire vocation à occuper l'un des emplois qui lui correspondent. / Toute nomination (…) dans un grade qui n'intervient pas exclusivement en vue de pourvoir à un emploi vacant et de permettre à son bénéficiaire d'exercer les fonctions correspondantes est nulle (…) » ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 73 de la loi du 11 janvier 1984, modifiée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : « Les agents non titulaires qui occupent un emploi présentant les caractéristiques définies à l'article 3 du titre Ier du statut général ont vocation à être titularisés, sur leur demande, dans des emplois de même nature qui sont vacants ou qui seront créés par les lois de finances, sous réserve : / 1°) Soit d'être en fonctions à la date de publication de la loi du 11 juin 1983, soit de bénéficier à cette date d'un congé en application du décret n° 80 ;552 du 15 juillet 1980 relatif à la protection sociale des agents non titulaires de l'Etat, (…) ; / 2°) D'avoir accompli, à la date du dépôt de leur candidature, des services effectifs d'une durée équivalente à deux ans au moins de services à temps complet dans un des emplois susindiqués ; / 3°) De remplir les conditions énumérées à l'article 5 du titre Ier du statut général. » ; qu'aux termes de l'article 83 de la même loi : « La commission administrative paritaire compétente est saisie des propositions d'affectation et des demandes de mutation des agents titularisés en vertu du présent chapitre. / Dans l'intérêt du service, des agents peuvent être titularisés sur place. » ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 1er du décret du 30 octobre 1985 précédemment mentionné : « Les auxiliaires du ministère des PTT qui occupent un emploi présentant les caractéristiques définies à l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée et qui remplissent les conditions énumérées à l'article 73 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ont vocation à être titularisés, sur leur demande, dans un corps de fonctionnaires de catégorie D déterminé en application de l'article 80 de la loi du 11 janvier 1984 précitée, dans les conditions fixées par le tableau de correspondance annexé au présent décret » ;

Considérant que les dispositions précitées de la loi du 11 janvier 1984 prévoient que la titularisation dans des corps de fonctionnaires de certains agents non titulaires s'effectue sur des postes vacants ou créés en lois de finances, mais ne créent pas au bénéfice des intéressés un droit à être titularisé sur place, c'est-à-dire dans le poste qu'ils occupaient en qualité d'agents non titulaires, et que celles de la loi du 13 juillet 1983 prévoient que toute nomination dans un grade doit pourvoir à un emploi vacant ; que, dès lors, LA POSTE a pu légalement, par la note de service du 25 juillet 1997, prendre en compte les nécessités du service pour définir les emplois vacants à pourvoir prioritairement par l'affectation des agents susceptibles de bénéficier d'une titularisation à compter de sa date de parution et informer les agents concernés de ce que les postes vacants pouvant leur être offerts dans l'intérêt du service se situaient en Ile-de-France ; que, par suite, LA POSTE est fondée à soutenir que la cour administrative d'appel de Versailles a fait une inexacte application des dispositions combinées des articles 73 et 83 de la loi du 11 janvier 1984 pour conclure à l'illégalité de la note de service du 25 juillet 1997 et à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêt du 4 mai 2006 ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821 ;2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Sur la régularité du jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 19 février 2004 :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort du jugement attaqué que les premiers juges ont analysé et expressément écarté tous les moyens que Mme A avait soulevés devant eux ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement critiqué serait entaché d'une insuffisance de motivation et d'une omission à statuer ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en second lieu, qu'il ressort des mentions du jugement, qui font foi jusqu'à preuve contraire, que les conclusions du commissaire du gouvernement ont été lues à l'audience publique ; que le rapport du rapporteur et les conclusions du commissaire du gouvernement n'avaient pas à être communiquées à l'intéressée préalablement à l'audience ; qu'ainsi, la procédure suivie devant le tribunal n'a pas méconnu les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par LA POSTE ;

Considérant que Mme A demande, d'une part, l'annulation de la décision du 3 juillet 1998, confirmée par la décision du 30 juillet 1998, la nommant fonctionnaire titulaire à compter du 1er septembre 1998 en tant qu'elle l'affecte à compter de cette même date sur un poste en Ile-de-France, d'autre part, l'annulation de la décision du 27 août 1998 qui a reporté son affectation dans l'Essonne au 6 novembre 1998, ainsi que l'annulation de la décision du 6 novembre 1998, et de la décision du 10 mai 1999 prenant acte du refus de l'intéressée de prendre ses fonctions le 3 mai 1999 à Orsay et assimilant ce refus à un refus définitif de la titularisation proposée ;

Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, Mme A, qui, en sa qualité d'agent non titulaire employée par LA POSTE, remplit les conditions prévues par l'article 73 précité de la loi du 11 janvier 1984 pour prétendre à la titularisation, ne peut se prévaloir d'un droit à être titularisée sur place ; que, dans ces conditions, LA POSTE a pu légalement, dans l'intérêt du service, prononcer sa titularisation dans un corps de fonctionnaires en l'affectant sur un poste vacant, supposant pour l'intéressée un changement d'affectation ; que, par suite, pour contester la légalité des décisions attaquées par lesquelles le directeur des ressources humaines de la délégation Ile-de-France de LA POSTE l'a affectée en qualité de fonctionnaire titulaire sur un poste vacant en Ile-de-France, Mme A n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la note de service de LA POSTE n° 179 du 25 juillet 1997 sur laquelle la décision critiquée se fonde, au motif que cette note de service méconnaît les dispositions de l'article 73 de la loi du 11 janvier 1984 en conditionnant la titularisation des agents entrant dans le champ d'application des dispositions de cet article 73 à l'acceptation d'une affectation nouvelle ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 susmentionnée : « L'autorité compétente procède aux mouvements des fonctionnaires après avis des commissions administratives paritaires. / (…) Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, les affectations prononcées doivent tenir compte des demandes formulées par les intéressés et de leur situation de famille. Priorité est donnée aux fonctionnaires séparés de leur conjoint pour des raisons professionnelles, (…) aux fonctionnaires handicapés ( …) » ;

Considérant, d'une part, que l'affectation sur un emploi vacant en Ile-de-France à compter du 1er septembre 1998, puis au 6 novembre 1998, puis du 3 mai 1999, dont la décision du 3 juillet 1998, puis la décision du 27 août 1998, puis la décision du 6 novembre 1998 accompagnent la titularisation, à effet, respectivement, de la même date, de Mme A dans un corps de fonctionnaires, a pour objet de permettre à l'intéressée de prendre ses fonctions en qualité de fonctionnaire titulaire ; que, dès lors, cette affectation, qui ne peut pas avoir une portée rétroactive, ne peut pas être regardée comme une mutation, laquelle ne concerne que les changements d'affectation des fonctionnaires titulaires ; que, d'autre part, l'intéressée n'établit pas en quoi l'intérêt du service implique qu'elle soit titularisée sur le poste qu'elle occupe en qualité d'agent non titulaire, ni en quoi la nouvelle affectation sur un poste en Ile-de-France qui lui est proposée en qualité de fonctionnaire titulaire méconnaîtrait l'intérêt du service et constituerait en réalité une sanction prise à son encontre ; que, par suite, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Considérant, en troisième lieu, que Mme A demande que la circulaire de LA POSTE du 2 août 1985 lui soit appliquée au même titre qu'aux agents titularisés en 1985, qui ont pu bénéficier d'une titularisation sur place ; que, toutefois, l'intéressée n'est, en tout état de cause, pas fondée à se prévaloir d'une circulaire qui n'est plus en vigueur à la date des décisions attaquées ;

Considérant, enfin, que si Mme A invoque les difficultés résultant d'une affectation éloignée de son domicile, au regard de sa situation familiale, ces considérations, étrangères à l'intérêt du service, ne sauraient lui ouvrir droit à une titularisation sur place ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions contestées de LA POSTE ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A la somme que LA POSTE demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, les dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient accueillies les conclusions de Mme A tendant à ce que de tels frais soient mis à la charge de LA POSTE ;



D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles en date du 4 mai 2006 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par Mme A devant la cour administrative d'appel de Versailles ainsi que ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de LA POSTE est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à LA POSTE, à Mme Annie-Claude A et au ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.


Synthèse
Formation : 2ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 294924
Date de la décision : 19/03/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 mar. 2008, n° 294924
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: Mme Catherine Chadelat
Avocat(s) : HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:294924.20080319
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