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19/03/2008 | FRANCE | N°297954

France | France, Conseil d'État, 2ème sous-section jugeant seule, 19 mars 2008, 297954


Vu le recours, enregistré le 5 octobre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ; le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 9 août 2006 par lequel le magistrat délégué par le président de la cour administrative d'appel de Paris a rejeté la requête du préfet de police tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 7 décembre 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du

tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 27 mai 2004 déci...

Vu le recours, enregistré le 5 octobre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ; le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 9 août 2006 par lequel le magistrat délégué par le président de la cour administrative d'appel de Paris a rejeté la requête du préfet de police tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 7 décembre 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 27 mai 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. Haider A, d'autre part, au rejet de la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Paris ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris et de rejeter la demande de M. A tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 mai 2004 ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le pacte international de New-York relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;

Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades prévus à l'article 7 ;5 du décret du 30 juin 1946 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jérôme Marchand-Arvier, Auditeur,

- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Frédéric Lenica, Commissaire du gouvernement ;



Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi :

Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, alors en vigueur : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire… » ; qu'aux termes de l'article 7 ;5 du décret du 30 juin 1946 modifié, alors en vigueur : « Pour l'application du 11° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée, le préfet délivre la carte de séjour temporaire, au vu de l'avis émis par le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé. A Paris, l'avis est émis par le médecin, chef du service médical de la préfecture de police. / Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'intégration, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur (...) » ; que l'arrêté du 8 juillet 1999 pris pour l'application de ces dispositions impose au médecin-inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales d'émettre un avis, pris sur le fondement d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié dans son pays ;

Considérant que, pour confirmer le jugement du 7 décembre 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 27 mai 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. Haider A, ressortissant bangladais, le magistrat délégué par le président de la cour administrative d'appel de Paris s'est fondé sur ce qu'il incombait au médecin-chef du service médical de la préfecture de police, qui avait émis les 15 juillet et 20 novembre 2002, puis le 20 octobre 2003 des avis concluant à l'impossibilité pour l'intéressé d'une prise en charge médicale appropriée dans son pays d'origine, d'expliquer les raisons pour lesquelles il avait émis un avis contraire le 24 janvier 2004 et que, par suite, la décision du 14 avril 2004 par laquelle le préfet de police avait refusé de renouveler le titre de séjour de M. A, fondement de la décision contestée, était entachée d'illégalité ; qu'en statuant ainsi, alors que, d'une part, l'avis du médecin-chef est motivé par l'indication que, si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, M. A peut néanmoins bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et que, d'autre part, le secret médical interdisait à ce médecin de révéler des informations sur la pathologie de l'intéressé et la nature de ses traitements médicaux, fût-ce en portant une appréciation sur l'état du système de soins dans le pays d'origine, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que, dès lors, le MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821 ;2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il ne ressort pas de pièces du dossier, et notamment des différents certificats médicaux produits par M. A, que l'état de santé de ce dernier pouvait susciter des interrogations sur la capacité de M. A à supporter un voyage ; qu'ainsi, le MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce que l'avis du médecin-chef ne comportant pas d'indication sur ce point, le refus de titre de séjour opposé à M. A était entaché d'illégalité, pour annuler l'arrêté du préfet de police en date du 27 mai 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. A ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le tribunal administratif de Paris ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, en vigueur à la date de l'arrêté litigieux : « Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 14 avril 2004, de la décision du préfet de police lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application des dispositions du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet de police peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté attaqué ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué a été signé, au nom du préfet de police, par M. Jean de Croone, sous directeur de l'administration des étrangers, titulaire d'une délégation de signature accordée par des arrêtés des 2 janvier et 26 mai 2003, régulièrement publiés les 7 janvier et 6 juin 2003 au bulletin municipal officiel de la ville de Paris ; que, dès lors, cet arrêté n'est pas entaché d'incompétence ;

Considérant que l'arrêté du 27 mai 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A comporte les éléments de droit et de fait sur lesquels il se fonde ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que cette décision serait insuffisamment motivée ;

En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté attaqué ;

S'agissant de l'exception d'illégalité du refus du titre de séjour :

Considérant que le moyen tiré de ce que l'avis du médecin-chef de la préfecture de police du 24 janvier 2004 est irrégulier pour défaut de signature manque en fait ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'en mentionnant que l'état de santé du demandeur nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'intéressé peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, le médecin-chef de la préfecture de police a suffisamment motivé son avis, nonobstant la circonstance qu'il avait précédemment émis des avis contraires les 15 juillet et 20 novembre 2002 et le 20 octobre 2003 ;

Considérant que le médecin-chef de la préfecture de police n'est tenu d'indiquer la durée prévisible du traitement que dans le cas où l'intéressé ne peut suivre un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'une telle obligation ne s'imposait, dès lors, pas en l'espèce ;

Considérant que, si M. A fait valoir que les affections dont il souffre, consistant en des dorsos-lombalgies chroniques, un syndrome anxio-dépressif majeur et une pathologie gastrique, ne peuvent faire l'objet d'un traitement satisfaisant au Bangladesh et produit trois certificats médicaux à l'appui de cette affirmation, dont deux postérieurs au refus de titre de séjour qui lui a été opposé, il ne ressort cependant pas des pièces du dossier, au vu notamment de l'avis susvisé du médecin-chef de la préfecture de police du 24 janvier 2004 et de la nature des traitements en cause reposant sur la prise d'anti-inflammatoires, d'antalgiques, d'antidépresseurs, d'anxiolytiques et de séances de kinésithérapie, que l'intéressé ne pourrait pas bénéficier dans son pays d'origine, notamment dans les structures hospitalières de Dacca, d'un suivi médical approprié ; que les difficultés de prise en charge financière et d'éloignement géographique qu'il invoque ne sont, en tout état de cause, pas établies ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police a méconnu les dispositions précitées en lui refusant le titre de séjour qu'il demandait en raison de son état de santé ;

Considérant, enfin, que M. A ne saurait se prévaloir de la circulaire du ministre de l'intérieur du 12 mai 1998, qui est dépourvue de caractère réglementaire ;

S'agissant des autres moyens :

Considérant que, si M. A invoque les stipulations de l'article 12 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en vertu duquel la France s'est engagée à prendre toute mesure permettant à chacun de bénéficier du meilleur état de santé physique et mentale qu'il soit capable d'atteindre, ces dispositions ne produisent pas d'effet direct à l'égard des particuliers ; que, par suite, elles ne peuvent être utilement invoquées par M. A à l'encontre de la décision du préfet de police ordonnant sa reconduite à la frontière ;

Considérant que si, au soutien de sa demande d'annulation de la décision d'éloignement, M. A, entré en France irrégulièrement en juillet 1999, fait valoir que celle-ci méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de M. A, qui est célibataire et sans enfant, ainsi qu'aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, que l'arrêté attaqué ait porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

Considérant que si, pour contester la décision fixant le pays de renvoi à destination duquel la mesure d'éloignement doit être exécutée, M. A, dont les demandes successives d'admission au statut de réfugié ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Commission des recours des réfugiés, soutient qu'il serait exposé à un risque pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine, celui-ci n'apporte pas d'élément établissant ses allégations ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police en date du 27 mai 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. A, et a enjoint à ce préfet de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. A ainsi que de réexaminer la situation de ce dernier dans un délai d'un mois ;

Sur l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. A la somme que celui-ci réclame au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 9 août 2006 du magistrat délégué par le président de la cour administrative d'appel de Paris et le jugement du 7 décembre 2005 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. A présentées devant le Conseil d'Etat tendant à l'application de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU CODEVELOPPEMENT et à M. Haider A.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 19 mar. 2008, n° 297954
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: M. Jean-François Mary
Rapporteur public ?: M. Lenica Frédéric
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN

Origine de la décision
Formation : 2ème sous-section jugeant seule
Date de la décision : 19/03/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 297954
Numéro NOR : CETATEXT000018396793 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2008-03-19;297954 ?
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