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21/03/2008 | FRANCE | N°286007

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 21 mars 2008, 286007


Vu, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 10 octobre 2005 et 19 janvier 2006, la requête sommaire et le mémoire complémentaire présentés pour Mme Josépha A demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 9 août 2005 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant qu'après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur sa demande à hauteur d'un dégrèvement prononcé en cours d'instance, il a, par son article 2, rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémen

taires d'impôt sur le revenu et de taxe sur la valeur ajoutée mises à sa c...

Vu, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 10 octobre 2005 et 19 janvier 2006, la requête sommaire et le mémoire complémentaire présentés pour Mme Josépha A demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 9 août 2005 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant qu'après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur sa demande à hauteur d'un dégrèvement prononcé en cours d'instance, il a, par son article 2, rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de taxe sur la valeur ajoutée mises à sa charge au titre de l'année 1994 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 800 euros en application des dispositions de l‘article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Paquita Morellet-Steiner, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Choucroy, Gadiou, Chevallier, avocat de Mme A,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A exploitait une activité consistant en l'exploitation d'appareils de jeux automatiques ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1994, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour un montant de 324 685 F au titre des années 1992 à 1994 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu pour un montant de 2 003 231 F au titre des années 1993 et 1994 lui ont été réclamés ; que Mme A demande l'annulation de l'arrêt du 9 août 2005 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant qu'après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer à hauteur de deux dégrèvements portant sur les années 1992 et 1993 intervenus en cours d'instance, il a, par son article 2 , rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu pour un montant de 1 821 175 F et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour un montant de 281 369 F mis à sa charge au titre de 1994, seule année restant en litige ;

En ce qui concerne les redressements d'impôt sur le revenu :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des pièces du dossier soumis au juge du fond que le redressement notifié à Mme A en matière d'impôt sur le revenu résultait d'une procédure de taxation d'office ; que, par suite, les moyens dirigés contre l'arrêt de la cour en tant qu'il aurait omis de sanctionner l'irrégularité de procédure résultant de l'absence de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires sont inopérants ;

Considérant, en deuxième lieu, que le moyen de la requérante tiré de ce qu'en refusant de sanctionner l'irrégularité de la procédure d'imposition résultant de ce que le rejet de sa comptabilité ne s'appuyait que sur une analyse de son train de vie personnel, ce qui selon elle, d'une part, constituait un examen de situation fiscale d'ensemble déguisé et, d'autre part, ne permettait pas de démontrer le caractère intrinsèquement non probant de la comptabilité, la cour aurait entaché son arrêt d'erreur de droit est, en tout état de cause, inopérant s'agissant des redressements d'impôt sur le revenu relatifs à l'année en litige, dont il ressort du dossier soumis aux juges du fond qu'ils n'ont pas résulté de la vérification de comptabilité menée au titre des années 1992 et 1993 mais ont été calculés sur la base des recettes reconstituées par l'administration dans le cadre d'une imposition d'office, faute de dépôt par Mme A de ses déclarations de résultats et de revenu global pour l'année 1994 ;

Considérant, enfin, que la cour n'a pas inversé la charge de la preuve en retenant que la contribuable, dont les revenus avaient été établis d'office, n'établissait pas que les sommes retenues ne correspondaient pas à des recettes effectivement encaissées au 31 décembre 1994 ; qu'elle n'a, en conséquence, pas entaché son arrêt d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur les redressements d'impôt sur le revenu ;

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens concernant la taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...). Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit également être motivée ; qu'aux termes de l'article L. 59 de ce livre, dans sa rédaction applicable au litige : Lorsque le désaccord persiste sur les redressements notifiés, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 59-1 du même livre : Le contribuable dispose d'un délai de trente jours à compter de la réception de la réponse de l'administration à ses observations pour présenter la demande prévue au premier alinéa de l'article L. 59 ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que des redressements en matière, notamment, de taxe sur la valeur ajoutée, établis en ce qui concerne l'année en litige selon la procédure contradictoire, ont été notifiés à Mme A le 24 novembre 1995 ; que ces redressements lui ont été confirmés par une réponse aux observations du contribuable reçue le 15 mars 1996 ; que le délai de trente jours qui lui était imparti, par les dispositions précitées de l'article R. 59-1 du livre des procédure fiscales, pour présenter sa demande de saisine de la commission départementale des impôts devant être regardé comme un délai franc, expirait, dès lors, le 16 avril 1996 ; que, devant la cour, n'étaient contestés ni le fait qu'une telle demande ait bien été formée par Mme A le 13 avril 1996, ni le fait qu'elle ait été reçue par l'administration qui y avait d'ailleurs répondu sans invoquer sa tardiveté ; que, dès lors, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit en jugeant que cette demande était tardive alors que, les dispositions de l'article L. 286 du livre des procédures fiscales n'étant pas applicables au moment des faits, elle avait été formée en temps utile, ayant été adressée à l'administration trois jours avant l'expiration dudit délai, pour lui parvenir avant l'expiration de ce délai ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 9 août 2005, en tant qu'il statue sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée établis au titre de l'année 1994 ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond dans cette mesure seulement ;

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 59-A du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au litige : La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient : / 1° Lorsque le désaccord porte soit sur le montant du bénéfice industriel et commercial, du bénéfice non commercial, du bénéfice agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition, soit sur la valeur vénale des immeubles, des fonds de commerce, des parts d'intérêts, des actions ou des parts de sociétés immobilières servant de base à la taxe sur la valeur ajoutée, en application de l'article 257 (6° et 7°-1) du code général des impôts ; / 2° Lorsqu'il s'agit de différends portant sur l'application des articles 39-1 (1°) et 111 (d) du code général des impôts relatifs aux rémunérations non déductibles pour la détermination du bénéfice des entreprises industrielles ou commerciales, ou de l'article 39-5 du même code relatif aux dépenses que ces mêmes entreprises doivent mentionner sur le relevé prévu à l'article 54 quater du code précité ; que, si Mme A soutient que la procédure d'imposition suivie à son égard l'aurait indûment privée de l'examen du différend qui l'opposait à l'administration par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, il résulte toutefois de l'instruction que ce différend portait, pour l'année en litige, non sur l'un ou l'autre des éléments limitativement énumérés par l'article L. 59-A, précité, du livre des procédures fiscales mais uniquement sur le point de savoir si le seul fait que les pièces comptables nécessaires au dépôt avaient été saisies par l'autorité judiciaire suffisait à constituer un cas de force majeure de nature à l'exempter des conséquences de l'absence de dépôt de ses déclarations de résultats et de revenus pour 1994 ; qu'une telle question de droit ne relevait pas de la compétence de la commission départementale ; qu'ainsi le moyen invoqué par Mme A est, pour les impositions restant en litige, inopérant ;

Considérant, d'autre part, que Mme A n'est pas fondée à invoquer la situation de force majeure dans laquelle elle se serait trouvée, en faisant valoir la seule circonstance que ses documents comptables auraient été saisis par la gendarmerie à son domicile, pour contester la procédure de taxation d'office mise en oeuvre par l'administration, faute du dépôt de ses déclarations de résultats et de revenu global pour l'année 1994, ainsi que pour contester la reconstitution des recettes sur la base desquelles ont été calculés les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ;

Considérant, enfin, que le moyen tiré de ce que l'administration aurait suivi une procédure irrégulière en se fondant, pour rejeter la comptabilité de la requérante, sur une analyse de son train de vie personnel, ce qui, selon cette dernière, constituait un examen de situation fiscale d'ensemble déguisé et ne pouvait en tout état de cause justifier le caractère intrinsèquement non probant de la comptabilité, est inopérant s'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée établis au titre de l'année 1994 qui n'ont pas résulté de la vérification de comptabilité menée au titre des années 1992 et 1993 ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions litigieuses :

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que le service, pour procéder à la reconstitution des recettes de l'exercice litigieux dont la comptabilisation s'arrêtait au 17 novembre 1994, a reintégré, comme recettes correspondant à la période restant à courir jusqu'au 31 décembre, un montant, déterminé par application d'un prorata temporis des 44/57èmes du total des recettes inscrites sur un bordereau portant sur la période allant du 17 novembre 1994 au 14 janvier 1995 saisi au domicile de la contribuable dans le cadre d'une procédure judiciaire ouverte à son encontre ; que Mme A, qui ne conteste pas l'authenticité des documents comptables sur lesquels s'est fondée cette reconstitution et ne fournit aucun élément démontrant que cette méthode, qui a abouti à des recettes d'un montant nettement plus élevé que celles déclarées au titre des années précédentes, ne correspondait pas à la réalité observée dans l'entreprise, n'établit pas le caractère exagéré des bases à partir desquelles l'administration a calculé le montant des rappels litigieux ;

Considérant, d'autre part, que Mme A n'est pas fondée à soutenir que la méthode retenue pour déterminer le montant des recettes correspondant à la période non comptabilisée de l'exercice méconnaît, eu égard à l'activité de la requérante dont les recettes sont, par nature, immédiatement encaissées, les règles d'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée applicables, en vertu de l'article 126 A de l'annexe IV au code général des impôts, aux recettes tirées de l'exploitation d'appareils de jeux automatiques ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Pau du 17 mai 2001 en tant qu'il a rejeté sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée établis au titre de l'année 1994 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme A de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé en tant qu'il statue sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée établis au titre de l'année 1994.

Article 2 : La requête présentée par Mme A devant la cour administrative d'appel de Bordeaux est rejetée en ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée établis au titre de 1994.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme A devant le Conseil d'Etat et devant la cour administrative d'appel de Bordeaux est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Josépha A et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 286007
Date de la décision : 21/03/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-02-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES. GÉNÉRALITÉS. RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT. REDRESSEMENT. COMMISSION DÉPARTEMENTALE. - DÉLAI DE SAISINE PAR LE CONTRIBUABLE (ART. R - . 59-1 DU LPF) - DÉLAI FRANC [RJ1].

19-01-03-02-03 Le délai de trente jours imparti au contribuable par l'article R*. 59-1 du livre des procédures fiscales pour demander à l'administration de soumettre le litige à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires est un délai franc.


Références :

[RJ1]

Rappr. 27 juillet 1984, Parrot, n° 38879, p. 549 ;

2 octobre 2002, Mlle Delarue, n° 228436, p. 325, RJF 2002 n° 1348 ;

TA de Toulouse, 14 mars 2005, SARL Elijean, n° 00-1055, RJF 2005 n° 1071.


Publications
Proposition de citation : CE, 21 mar. 2008, n° 286007
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: Mme Paquita Morellet-Steiner
Rapporteur public ?: Mme Escaut Nathalie
Avocat(s) : SCP CHOUCROY, GADIOU, CHEVALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:286007.20080321
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