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26/03/2008 | FRANCE | N°295801

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 26 mars 2008, 295801


Vu, 1°), sous le n° 295801, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 24 juillet et 23 novembre 2006 présentés pour M. Pierre A demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret du 23 mai 2006 par lequel le Président de la République l'a suspendu pour une durée de quatre ans des droits et prérogatives attachés à sa qualité de légionnaire et privé du droit de porter les insignes de toute distinction française ou étrangère ressortissant à la grande chancelle

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2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 eu...

Vu, 1°), sous le n° 295801, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 24 juillet et 23 novembre 2006 présentés pour M. Pierre A demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret du 23 mai 2006 par lequel le Président de la République l'a suspendu pour une durée de quatre ans des droits et prérogatives attachés à sa qualité de légionnaire et privé du droit de porter les insignes de toute distinction française ou étrangère ressortissant à la grande chancellerie ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu, 2°), sous le n° 295802, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 24 juillet et 23 novembre 2006, présentés pour M. Pierre A demeurant 63, rue de Carouge à Genève (Suisse) ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret du 23 mai 2006 par lequel le Président de la République l'a suspendu pendant une durée de quatre ans des droits et prérogatives attachés à sa qualité de membre de l'ordre national du mérite ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de la légion d'honneur et de la médaille militaire, notamment ses articles R. 103 à R. 106 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le décret n° 63-1196 du 3 décembre 1963 portant création d'un ordre national du mérite, notamment son article 34 ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Agnès Daussun, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Boullez, avocat de M. A,

- les conclusions de M. François Séners, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant d'une part qu'aux termes de l'article R. 103 du code de la légion d'honneur et de la médaille militaire : L'intéressé est averti par le grand chancelier de l'ouverture d'une action disciplinaire à son encontre. Il lui est donné connaissance des pièces de son dossier./ Il est invité, à cette occasion, à produire, dans un délai qui ne peut être inférieur à un mois, ses explications et sa défense au moyen d'un mémoire établi par lui ou par son avocat. A l'expiration de ce délai, et avant que le conseil de l'ordre soit appelé à se prononcer, un délai supplémentaire peut être éventuellement accordé à l'intéressé sur demande justifiée de sa part./ Il peut être autorisé exceptionnellement par le grand chancelier à présenter lui-même sa défense ou à se faire assister par un avocat. ; que l'article R. 104 du même code dispose : Le conseil de l'ordre émet son avis sur les mesures disciplinaires à prendre contre l'intéressé./ Il ne peut être passé outre à cet avis qu'en faveur du légionnaire… ; qu'aux termes de son article R. 106 : L'exclusion et la suspension sont prononcées par décret du Président de la République./ La censure est prononcée par arrêté du grand chancelier. ; qu'en vertu de l'article 34 du décret du 3 décembre 1963 portant création d'un ordre national du mérite, les sanctions et la procédure disciplinaires prévues pour la légion d'honneur sont applicables aux membres de l'ordre national du mérite. ;

Considérant d'autre part que la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations dispose dans son article 24 : Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix… /Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : / 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; / 2° Lorsque leur mise en oeuvre serait de nature à compromettre l'ordre public ou la conduite des relations internationales ; / 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière… ;

Considérant que, par lettre du 8 juin 2005, le grand chancelier de l'ordre de la légion d'honneur a informé M. A qu'une double action disciplinaire était engagée à son encontre en ses qualités de légionnaire et de membre de l'ordre national du mérite, lui a communiqué les motifs de cette action et l'a invité à présenter sa défense dans un délai de trois mois ; que cette lettre, à laquelle étaient annexés les rapports de transmission des jugements des tribunaux suisses à l'origine de la procédure disciplinaire, précisait à l'intéressé que son dossier ne comporterait, outre ces pièces, que sa défense et les courriers échangés entre lui et la grande chancellerie relatifs à cette procédure ; qu'il résulte des pièces des dossiers et n'est pas contesté que M. A a pu constater, par l'intermédiaire de l'avocat qu'il avait désigné, qu'à l'issue de l'instruction, son dossier ne comportait effectivement que les pièces énoncées ci-dessus dont il avait eu connaissance avant de préparer sa défense; que, dans ces conditions, M. A n'est pas fondé à soutenir que les modalités selon lesquelles il a eu accès à son dossier ne lui auraient pas permis de préparer utilement sa défense ou auraient méconnu les dispositions précitées du code de la légion d'honneur et de la médaille militaire et du décret du 3 décembre 1963 ;

Considérant que M. A soutient par ailleurs que les décisions attaquées sont intervenues à l'issue d'une procédure irrégulière au regard des dispositions précitées de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, le grand chancelier ayant refusé qu'il soit entendu par les conseils des deux ordres ; que, cependant, ces dispositions n'imposent pas que la personne vis-à-vis de laquelle il est envisagé de prendre une sanction soit entendue par l'autorité investie du pouvoir de décision elle-même, mais imposent seulement que cette personne soit mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, orales qui seront portées à la connaissance de cette autorité avant que cette dernière se prononce ; qu'il ressort des pièces des dossiers que le grand chancelier, qui préside les conseils des deux ordres et est chargé de la conduite de la procédure disciplinaire, a proposé de recevoir M. A qui n'a pas accepté cette invitation ; que, par suite, et alors même que le requérant n'a pas été autorisé à présenter ses observations devant les conseils de discipline des deux ordres, M. A n'est pas fondé à soutenir que les décisions attaquées ont été prises en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

Considérant enfin qu'il ressort des pièces des dossiers et notamment de l'avis des conseils des deux ordres des 19 janvier et 8 mars 2006 et des visas du décret attaqué que ni les conseils des deux ordres ni le Président de la République ne se sont sentis liés par l'appréciation faite par les tribunaux suisses des faits à l'origine de la procédure disciplinaire diligentée contre M. A ; qu'en estimant que ces faits étaient établis les conseils des ordres et, à leur suite, le Président de la République, n'ont pas commis d'erreur d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation des décrets attaqués ;




D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de M. A sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Pierre A et au grand chancelier de la légion d'honneur.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 295801
Date de la décision : 26/03/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 mar. 2008, n° 295801
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Agnès Daussun
Rapporteur public ?: M. Séners François
Avocat(s) : SCP BOULLEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:295801.20080326
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