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28/03/2008 | FRANCE | N°282416

France | France, Conseil d'État, 5ème sous-section jugeant seule, 28 mars 2008, 282416


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 juillet et 14 novembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER D'AIX-EN-PROVENCE, dont le siège est Avenue des Tamaris à Aix-en-Provence (13613) ; le CENTRE HOSPITALIER D'AIX-EN-PROVENCE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 12 mai 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 5 novembre 2002 par lequel le tribunal administratif de Marseille l'a condamné à verser

M. A, la somme de 20 000 euros et à Mlles Nadine A, Joanne A et Dani...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 juillet et 14 novembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER D'AIX-EN-PROVENCE, dont le siège est Avenue des Tamaris à Aix-en-Provence (13613) ; le CENTRE HOSPITALIER D'AIX-EN-PROVENCE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 12 mai 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 5 novembre 2002 par lequel le tribunal administratif de Marseille l'a condamné à verser à M. A, la somme de 20 000 euros et à Mlles Nadine A, Joanne A et Danièle A, la somme de 9 000 euros chacune, en réparation de leur préjudice résultant du décès de Mme C et de son enfant ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande présentée par les consorts A devant le tribunal administratif d'Aix-en-Provence ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Nicole Guedj, Conseiller d'Etat,

- les observations Me Le Prado, avocat du CENTRE HOSPITALIER D'AIX-EN-PROVENCE et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat des consorts A,

- les conclusions de M. Terry Olson, Commissaire du gouvernement ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements et les établissements publics, alors applicable aux créances détenues sur les établissements publics hospitaliers en matière de responsabilité médicale : « Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public » ; qu'aux termes de l'article 2 de la même loi : « La prescription est interrompue par (...) / Tout recours formé devant une juridiction relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance. / Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumises aux juges du fond que, l'épouse de M. A et l'enfant qu'elle portait sont tous deux décédés le 20 décembre 1992 au CENTRE HOSPITALIER D'AIX-EN-PROVENCE où Mme A avait été admise pour accoucher ; que M. A a déposé une plainte contre X le 26 mai 1993 auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence ; que dans le cadre de la procédure d'information sur la recherche des causes de la mort ouverte à la suite de cette plainte un expert a été commis et a remis son rapport en mars 1995 ; qu'en estimant que M. A et ses enfants devaient être regardés comme ayant été dans l'ignorance de la créance qu'ils détenaient sur le CENTRE HOSPITALIER D'AIX-EN-PROVENCE jusqu'à la date du dépôt de ce rapport, alors que la connaissance de leur créance était acquise dès la survenance du décès de la mère et de l'enfant au centre hospitalier, la cour a dénaturé les faits de l'espèce ;

Considérant cependant qu'en vertu de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 une plainte contre X interrompt le cours de la prescription quadriennale dès lors qu'elle porte sur le fait générateur, l'existence, le montant ou le paiement d'une créance sur une collectivité publique ; que la plainte contre X déposée par M. A et ses enfants afin de rechercher les causes de la mort de Mme A et de son enfant au CENTRE HOSPITALIER D'AIX-EN-PROVENCE doit être regardée comme relative à la créance qu'ils détenaient sur cet établissement ; que cette plainte a eu pour effet d'interrompre le cours de la prescription quadriennale à l'encontre de l'hôpital jusqu'à la date de son classement sans suite en octobre 1995 ; qu'ainsi la créance des consorts A n'était pas prescrite lorsqu'ils ont, le 28 avril 1999, déposé devant le tribunal administratif d'Aix-en-Provence leur demande tendant à voir le centre hospitalier déclaré responsable de leur préjudice ; que ce motif, qui répond à un moyen invoqué devant le juge du fond et ne comporte l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif juridiquement erroné retenu par l'arrêt attaqué dont il justifie légalement le dispositif ;

Considérant, en deuxième lieu, que la cour, en jugeant que la circonstance que le centre hospitalier n'ait pas été partie à l'instance au cours de laquelle le Tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a ordonné une expertise ne faisait pas obstacle à ce que le rapport de l'expert soit retenu à titre d'information et que l'établissement hospitalier, auquel avait été communiqué le rapport dans le cadre de l'instruction contradictoire de la demande des consorts A devant le tribunal administratif, avait eu la possibilité d'émettre des critiques sur cette expertise mais n'avait apporté aucun élément de littérature médicale de nature à justifier qu'une contre expertise soit ordonnée, n'a entaché son arrêt ni d'erreur de droit ni de dénaturation ;

Considérant, en troisième lieu, que la cour, a par une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation estimé que le décès de l'enfant trouvait sa cause dans l'existence d'un diabète gestationnel dont souffrait la mère qui s'était manifesté par l'hydramnios aigu apparu le 24 octobre 1992 lors d'une consultation à l'hôpital et par une glycémie post-prandiale au dessus de la norme, qui n'avait pas reçu de traitement approprié ; qu'elle a pu en déduire, sans erreur de qualification juridique et par une motivation suffisante, qu'une faute dans la surveillance de la grossesse engageant la responsabilité du centre hospitalier avait été commise ;

Considérant, en quatrième lieu, que l'arrêt attaqué ne se prononce pas sur les causes de la mort de Mme A, le centre hospitalier n'ayant pas, dans son appel, critiqué les motifs du jugement du tribunal administratif sur ce point ; que par suite l'établissement requérant ne saurait utilement soutenir que la cour aurait dénaturé le rapport d'expertise en jugeant que la mort de Mme A était la conséquence de fautes qui lui étaient imputables ;

Considérant enfin que la cour a écarté par une motivation suffisante le moyen tiré de ce que le fait que Mme A s'était présentée à l'hôpital onze heures après les premières contractions pouvait avoir contribué à la mort de l'enfant ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les consorts A ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Piwnica et Molinié, avocat des consorts A renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge du CENTRE HOSPITALIER D'AIX-EN-PROVENCE le paiement de la somme de 2 500 euros à la SCP Piwnica et Molinié ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du CENTRE HOSPITALIER D'AIX-EN-PROVENCE est rejetée.

Article 2 : Le CENTRE HOSPITALIER D'AIX-EN-PROVENCE versera en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2.500 euros à la SCP Piwnica et Molinié sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au CENTRE HOSPITALIER D'AIX-EN-PROVENCE, aux consorts A et à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.

Copie pour information en sera adressée au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 28 mar. 2008, n° 282416
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : Mme Hubac
Rapporteur ?: Mme Nicole Guedj
Rapporteur public ?: M. Olson Terry
Avocat(s) : LE PRADO ; SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Formation : 5ème sous-section jugeant seule
Date de la décision : 28/03/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 282416
Numéro NOR : CETATEXT000018503393 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2008-03-28;282416 ?
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