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11/04/2008 | FRANCE | N°284274

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 11 avril 2008, 284274


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 août et 16 décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE GUY DAUPHIN ENVIRONNEMENT, dont le siège est La Guerre Roquancourt à Bourguebus (14540) ; la SOCIETE GUY DAUPHIN ENVIRONNEMENT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 25 mai 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à la réformation du jugement du 5 juillet 2001 du tribunal administratif de Caen en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à la

réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 août et 16 décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE GUY DAUPHIN ENVIRONNEMENT, dont le siège est La Guerre Roquancourt à Bourguebus (14540) ; la SOCIETE GUY DAUPHIN ENVIRONNEMENT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 25 mai 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à la réformation du jugement du 5 juillet 2001 du tribunal administratif de Caen en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1996 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de réformer le jugement du 5 juillet 2001 du tribunal administratif de Caen et de prononcer la décharge des impositions contestées ainsi que des intérêts de retard, d'ordonner le remboursement des différents frais de caution et d'assortir des intérêts moratoires légaux les sommes remboursées ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Fabienne Lambolez, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la SOCIETE GUY DAUPHIN ENVIRONNEMENT,

- les conclusions de Mlle Célia Verot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que l'administration fiscale a réintégré aux résultats de l'exercice clos le 30 septembre 1996 de la SOCIETE GUY DAUPHIN ENVIRONNEMENT une somme comptabilisée comme charge exceptionnelle, correspondant à une subvention de 5 777 720 francs accordée le 28 mars 1996 à sa filiale à 99, 98 %, la société Guy Dauphin Environnement Atlantique (GDEA), au motif qu'il s'agissait d'un acte anormal de gestion ; que, par un jugement du 5 juillet 2001, le tribunal administratif de Caen, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu à statuer sur le dégrèvement prononcé par l'administration en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de la SOCIETE GUY DAUPHIN ENVIRONNEMENT tendant à la décharge des cotisations litigieuses ; que cette solution a été confirmée par l'arrêt attaqué de la cour administrative d'appel de Nantes ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'une société ne peut déduire de ses résultats imposables une aide consentie à une filiale que si cet avantage a une contrepartie répondant à un intérêt propre de nature à conférer à cet acte de gestion un caractère normal, lequel s'apprécie à la date à laquelle cet acte est intervenu ; que, pour apprécier si l'aide accordée par la SOCIETE GUY DAUPHIN ENVIRONNEMENT à sa filiale Guy Dauphin Environnement Atlantique relevait d'un acte normal de gestion, la cour administrative d'appel de Nantes s'est placée au 30 septembre 1996, date de clôture de l'exercice de la SOCIETE GUY DAUPHIN ENVIRONNEMENT et de celui de sa filiale, et non pas au 28 mars 1996, date à laquelle la subvention en cause a été accordée ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué est entaché d'erreur de droit et la SOCIETE GUY DAUPHIN ENVIRONNEMENT est fondée à en demander l'annulation ;

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la date à laquelle la SOCIETE GUY DAUPHIN ENVIRONNEMENT a accordé la subvention litigieuse à sa filiale, cette dernière se trouvait dans une situation financière difficile ; que la société GDEA, qui avait alors la forme d'une société de personnes et relevait des dispositions de l'article 8 du code général des impôts pour l'exercice 1994-1995, avait subi une perte d'environ 5,7 millions de francs ; qu'elle avait opté pour l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 1995-1996 ; que les résultats partiels de cet exercice au 28 mars 1996 faisaient apparaître une nouvelle perte d'environ 5,6 millions de francs ; que, dans ces conditions, la SOCIETE GUY DAUPHIN ENVIRONNEMENT a pu estimer à juste titre qu'il était conforme à ses propres intérêts d'assainir la situation financière de sa filiale, notamment pour sauvegarder son renom auprès des établissements bancaires auprès desquels elle s'était portée caution pour le compte de sa filiale et pour réaliser dans les meilleures conditions une opération de restructuration consistant à fusionner la société GDEA et une autre de ses filiales ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, elle a agi dans le cadre d'une gestion normale en accordant la subvention litigieuse ; qu'il n'est par ailleurs pas contesté que le montant de la subvention accordée n'a pas eu pour effet d'augmenter la valeur de la participation de la SOCIETE GUY DAUPHIN ENVIRONNEMENT dans sa filiale GDEA ; que, par suite, la SOCIETE GUY DAUPHIN ENVIRONNEMENT est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a qualifié d'acte anormal de gestion l'octroi par la société requérante d'une subvention exceptionnelle à sa filiale GDEA ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés devant le tribunal administratif de Caen ;

Considérant que l'administration avait également fondé le redressement contesté, à titre subsidiaire, sur le motif que la SOCIETE GUY DAUPHIN ENVIRONNEMENT imputait sur ses résultats de l'exercice 1995-1996 l'aide financière accordée à sa filiale après avoir imputé sur ses résultats de l'exercice 1994-1995, en application de l'article 218 bis du code général des impôts, la quote-part du déficit imposable de sa filiale dont elle s'était alors abstenue de combler les pertes ; que la circonstance que la SOCIETE GUY DAUPHIN ENVIRONNEMENT ait déduit de son résultat imposable la perte de sa filiale, par application du régime fiscal des sociétés de personnes, est sans incidence sur son droit à déduire le montant de l'aide qu'elle a, afin de sauvegarder pour l'avenir ses intérêts financiers, ultérieurement accordée à sa filiale ; qu'ainsi ces opérations, comptablement distinctes et relatives à des situations différentes, n'ont pas eu pour conséquence de permettre à la société de procéder à une double déduction ; que dès lors, l'administration n'est pas fondée à remettre en cause la déduction, des résultats de l'exercice 1995-1996 de la SOCIETE GUY DAUPHIN ENVIRONNEMENT, de la subvention exceptionnelle accordée à sa filiale GDEA ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE GUY DAUPHIN ENVIRONNEMENT est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 5 juillet 2001, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % ainsi que des intérêts de retard, mis à sa charge au titre de l'année 1996 ;

Sur les conclusions tendant au remboursement de frais de caution et au versement d'intérêts moratoires :

Considérant que les conclusions tendant au remboursement des frais exposés pour constituer des garanties et celles tendant au paiement d'intérêts moratoires sont irrecevables, en l'absence d'un litige né et actuel, et doivent par suite être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la SOCIETE GUY DAUPHIN ENVIRONNEMENT et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 25 mai 2005 et l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Caen en date du 5 juillet 2001 sont annulés.

Article 2 : La SOCIETE GUY DAUPHIN ENVIRONNEMENT est déchargée du supplément d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % ainsi que des intérêts de retard correspondants, auxquels elle reste assujettie au titre de l'année 1996.

Article 3 : L'Etat versera à la SOCIETE GUY DAUPHIN ENVIRONNEMENT une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la SOCIETE GUY DAUPHIN ENVIRONNEMENT est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE GUY DAUPHIN ENVIRONNEMENT et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 284274
Date de la décision : 11/04/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE NET - ACTE ANORMAL DE GESTION - APPRÉCIATION DU CARACTÈRE NORMAL - DATE - DATE À LAQUELLE L'ACTE EST INTERVENU.

19-04-02-01-04-082 Une société ne peut déduire de ses résultats imposables une aide consentie à une filiale que si cet avantage a une contrepartie répondant à un intérêt propre de nature à conférer à cet acte de gestion un caractère normal, lequel s'apprécie à la date à laquelle cet acte est intervenu. Commet une erreur de droit la cour qui, pour apprécier si l'aide accordée par la société mère à sa filiale relevait d'un acte normal de gestion, s'est placée à la date de clôture de l'exercice de la société mère et de celui de sa filiale et non pas à la date à laquelle la subvention en cause a été accordée.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE NET - RELATIONS ENTRE SOCIÉTÉS D'UN MÊME GROUPE - SUBVENTION CONSENTIE PAR LA SOCIÉTÉ MÈRE À UNE FILIALE - A) APPRÉCIATION DU CARACTÈRE NORMAL - DATE - DATE À LAQUELLE LA SUBVENTION EST INTERVENUE - B) DÉDUCTION DES PERTES RÉALISÉES PAR LA FILIALE SUIVIE - AU COURS DE L'EXERCICE SUIVANT - DE LA DÉDUCTION DE LA SUBVENTION - DOUBLE DÉDUCTION - ABSENCE.

19-04-02-01-04-083 a) Une société ne peut déduire de ses résultats imposables une aide consentie à une filiale que si cet avantage a une contrepartie répondant à un intérêt propre de nature à conférer à cet acte de gestion un caractère normal, lequel s'apprécie à la date à laquelle cet acte est intervenu. Commet une erreur de droit la cour qui, pour apprécier si l'aide accordée par la société mère à sa filiale relevait d'un acte normal de gestion, s'est placée à la date de clôture de l'exercice de la société mère et de celui de sa filiale et non pas à la date à laquelle la subvention en cause a été accordée.,,b) La circonstance que la société mère ait déduit de son résultat imposable la perte de sa filiale, par application du régime fiscal des sociétés de personnes, est sans incidence sur son droit à déduire le montant de l'aide qu'elle a, afin de sauvegarder pour l'avenir ses intérêts financiers, ultérieurement accordée à sa filiale. Ainsi ces opérations, comptablement distinctes et relatives à des situations différentes, n'ont pas eu pour conséquence de permettre à la société de procéder à une double déduction. Dès lors, l'administration n'est pas fondée à remettre en cause la déduction de la subvention exceptionnelle accordée à sa filiale par la société mère.


Publications
Proposition de citation : CE, 11 avr. 2008, n° 284274
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Fabienne Lambolez
Rapporteur public ?: Mlle Verot Célia
Avocat(s) : SCP DE CHAISEMARTIN, COURJON

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:284274.20080411
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