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11/04/2008 | FRANCE | N°293754

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 11 avril 2008, 293754


Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 24 mai, 18 et 21 septembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société anonyme ERMI, dont le siège est zone industrielle, La Bergerie à La Seguinière (49280) ; la société anonyme ERMI demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 13 mars 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 25 mai 2004 du tribunal administratif de Nantes rejetant sa demande en décharge des supplé

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Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 24 mai, 18 et 21 septembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société anonyme ERMI, dont le siège est zone industrielle, La Bergerie à La Seguinière (49280) ; la société anonyme ERMI demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 13 mars 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 25 mai 2004 du tribunal administratif de Nantes rejetant sa demande en décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1995, 1996 et 1997 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de lui accorder la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les sommes de 7 500 euros, au titre de l'instance de cassation, et de 10 000 euros, au titre des instances devant les juges du fond, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yves Salesse, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Balat, avocat de la société anonyme ERMI,

- les conclusions de Mlle Célia Verot, Commissaire du gouvernement ;


Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société anonyme Etude Réalisation Moules Industriels (SA ERMI) a été créée le 21 juillet 1994 pour exercer une activité de fabrication de moules industriels notamment par trois associés détenteurs chacun de 31,67 % du capital social ; que ces mêmes trois associés ont créé, le 27 septembre suivant, la SCI ERMI dont ils détenaient, par fractions égales, la totalité des parts et qui sous-louait à la première société des locaux pris en crédit-bail ; qu'ils ont ensuite créé, le 25 mars 1996, la SARL IPC dont ils détenaient aussi la totalité des parts ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la société anonyme ERMI portant sur les exercices clos en 1995, 1996 et 1997, l'administration a remis en cause le bénéfice du régime prévu par l'article 44 sexies du code général des impôts en faveur des entreprises nouvelles, sous lequel la société vérifiée s'était placée, au motif qu'elle ne satisfaisait plus à la condition prévue au II dudit article tenant à l'absence de détention du capital de la nouvelle société par une autre société ;

Considérant qu'aux termes de l'article 44 sexies du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : « I. Les entreprises créées à compter du 1er octobre 1988 (…) qui exercent une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens de l'article 34 sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés jusqu'au terme du vingt-troisième mois suivant celui de leur création (…) Les bénéfices ne sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés que pour le quart, la moitié ou les trois quarts de leur montant selon qu'ils sont réalisés respectivement au cours de la première, de la seconde ou de la troisième période de douze mois suivant cette période d'exonération (…) / II. Le capital des sociétés nouvelles ne doit pas être détenu, directement ou indirectement, pour plus de 50 % par d'autres sociétés. / Pour l'application du premier alinéa, le capital d'une société nouvelle est détenu indirectement par une autre société lorsque l'une au moins des conditions suivantes est remplie : / (…) Un associé détient avec les membres de son foyer fiscal 25 % au moins des droits sociaux dans une autre entreprise (…) » ;

Considérant que, devant la cour administrative d'appel, la société anonyme ERMI s'était prévalue, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la mesure de tempérament énoncée dans l'instruction 4 A-5-89 du 25 avril 1989 selon laquelle la condition relative à l'absence de détention indirecte n'est pas opposable « lorsqu'une personne physique détient 25 % des droits sociaux d'une société civile dont l'objet exclusif est la gestion immobilière » ; qu'en jugeant que la société civile immobilière ERMI ne pouvait être regardée comme ayant pour objet exclusif la gestion immobilière au motif que les revenus qu'elle tirait de la sous-location des locaux à la société anonyme ERMI n'étaient pas imposés dans la catégorie des revenus fonciers, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que, dès lors et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la société anonyme ERMI est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant que la société requérante ne conteste pas avoir eu plusieurs entretiens avec le vérificateur pendant la vérification de comptabilité ; que le vérificateur n'était pas tenu de lui donner, avant la notification de redressements, une information sur les redressements qu'il pouvait envisager ; que la circonstance alléguée que les redressements notifiés, qui étaient suffisamment motivés, ne seraient pas conformes aux indications données par le vérificateur à l'issue du contrôle n'est pas de nature à établir que le vérificateur ne se serait pas prêté au débat oral et contradictoire auquel il était tenu ; que la société anonyme ERMI ne peut utilement invoquer ni la violation de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui n'est pas applicable aux procédures fiscales, ni celle du secret professionnel qu'aurait commis le vérificateur en transmettant des informations à l'URSSAF ;

Considérant que, si la société requérante soutient que le litige soumis à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires aurait porté sur des questions de fait, de sorte que la commission se serait déclarée à tort incompétente, une telle erreur, à la supposer établie, n'a d'effet que sur la dévolution de la charge de la preuve et reste sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ;

Considérant que la société anonyme ERMI, qui prétend que l'administration ne lui aurait pas communiqué la totalité des pièces versées dans son dossier fiscal, ne peut utilement invoquer la méconnaissance de la loi du 17 juillet 1978 qui a pour objet de faciliter, de manière générale, l'accès des personnes aux documents administratifs et non de modifier les règles particulières qui régissent la procédure d'imposition ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 44 sexies du code général des impôts que la condition prévue au II de cet article doit être remplie à tout moment de l'existence de l'entreprise nouvelle ; que la détention du capital d'une entreprise nouvelle par une société constituée postérieurement à la création de cette entreprise est de nature à priver cette dernière du bénéfice de l'avantage fiscal prévu au I de l'article 44 sexies, nonobstant la circonstance que la société créée postérieurement serait issue d'une restructuration de la première ;

Considérant, d'une part, que la société requérante, qui ne conteste pas que la création de la société civile immobilière ERMI dans les conditions indiquées ci-dessus était de nature à la priver du régime de faveur sur le terrain de la loi, s'est prévalue, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la mesure de tempérament énoncée dans l'instruction 4 A-5-89 du 25 avril 1989 et concernant les sociétés civiles dont l'objet exclusif est la gestion immobilière ; qu'il est constant que l'activité de la SCI ERMI se bornait à sous-louer à la société anonyme ERMI les locaux nus pris en vertu d'un contrat de crédit-bail ; qu'une telle activité de sous-location relève de la gestion immobilière, quand bien même les revenus que la société civile immobilière en retirait étaient imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux et non dans celle des revenus fonciers ; que, dès lors, la société anonyme ERMI est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif lui a refusé le bénéfice de l'interprétation administrative invoquée ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que les associés de la société anonyme ERMI, qui détenaient chacun 31,67 % de ses actions, ont créé le 25 mars 1996 la société à responsabilité limitée IPC dont ils détenaient chacun 33,33 % des parts sociales ; qu'ainsi, la société anonyme ERMI devait être regardée comme contrôlée indirectement par la SARL IPC à la date de création de cette dernière, sans que puissent être utilement invoquées ni la circonstance que la SARL IPC procèderait d'une restructuration de la S.A. ERMI ni la condition d'activité similaire ou complémentaire introduite par la loi de finances pour 2000 et applicable seulement à partir du 1er janvier 2000 ; qu'elle ne peut non plus utilement invoquer les dispositions de l'article 355-1 de la loi du 24 janvier 1966 relative aux sociétés commerciales, définissant les cas dans lesquels une société est regardée comme en contrôlant une autre, qui ne peuvent faire échec à celles du II de l'article 44 sexies du code général des impôts ; qu'elle ne pouvait donc plus bénéficier de l'exonération pendant les six derniers mois de l'exercice clos le 31 août 1996 et l'exercice clos en 1997 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société anonyme ERMI est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande en décharge du supplément d'impôt sur les sociétés et de la contribution additionnelle de 10 % mis à sa charge au titre de l'exercice clos en 1995 et de la moitié pour celui clos en 1996 ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des frais exposés par la société anonyme ERMI et non compris dans les dépens ;



D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 13 mars 2006 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : La société anonyme ERMI est déchargée du supplément d'impôt sur les sociétés et de la contribution additionnelle de 10 % mis à sa charge au titre de 1995 pour son montant total et au titre de 1996 pour 50 % de son montant.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 25 mai 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 4 000 euros à la société anonyme ERMI au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la société anonyme ERMI est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme ERMI et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 293754
Date de la décision : 11/04/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 11 avr. 2008, n° 293754
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Yves Salesse
Rapporteur public ?: Mlle Verot Célia
Avocat(s) : BALAT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:293754.20080411
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