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15/04/2008 | FRANCE | N°314154

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 15 avril 2008, 314154


Vu la requête, enregistrée le 11 mars 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Taoufik A élisant domicile au cabinet de son conseil Me Jean Baptiste de Boyer Montegut, 24 grande rue Nazareth à Toulouse (31000) ; M. Taoufik A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) de suspendre sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative l'exécution de la décision implicite de rejet par laquelle la commission des recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre

la décision par laquelle le consul général de France à Tunis a rejeté...

Vu la requête, enregistrée le 11 mars 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Taoufik A élisant domicile au cabinet de son conseil Me Jean Baptiste de Boyer Montegut, 24 grande rue Nazareth à Toulouse (31000) ; M. Taoufik A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) de suspendre sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative l'exécution de la décision implicite de rejet par laquelle la commission des recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision par laquelle le consul général de France à Tunis a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un visa en qualité de conjoint d'une ressortissante française ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, de procéder au réexamen de sa demande de visa, au vu des motifs de l'ordonnance à intervenir, dans un délai de 96 heures à compter de son prononcé ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


il soutient que sa requête est recevable ; que la condition d'urgence est remplie dès lors qu'il est séparé de son épouse et de ses parents qui résident sur le territoire français ; que son mariage a été célébré il y a plus de quatorze mois ; qu'il n'est retourné en Tunisie que pour se conformer à la législation française ; qu'il ne peut répondre favorablement à une promesse d'embauche dont il bénéficie en France ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; qu'en effet, celle-ci porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale, méconnaissant ainsi l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les autorités consulaires ne peuvent rejeter une demande de visa long séjour à un conjoint de ressortissant français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public ; que contrairement aux allégations du ministre, aucun élément ne permet d'arguer du caractère frauduleux du mariage ; qu'en effet, il n'est retourné en Tunisie que pour se conformer à la législation française ; que son épouse s'est rendue en 2007 en Tunisie afin de lui rendre visite ; qu'ainsi la décision litigieuse est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Vu la décision dont la suspension est demandée ;

Vu la requête à fin d'annulation de la même décision et le recours présenté à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu, enregistré le 7 avril 2008, le mémoire en défense présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire qui conclut au rejet de la requête ; le ministre soutient que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être rejeté dès lors que les déclarations laconiques de M. B au sujet de son épouse, l'absence de vie commune et l'inexistence de relations entre les époux depuis le mariage constituent un faisceau d'indices démontrant le caractère frauduleux du mariage ; que la décision attaquée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'existence d'une communauté de vie n'étant pas établie et le requérant n'établissant pas l'impossibilité pour son épouse de se rendre en Tunisie afin de lui rendre visite ; que la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors qu'aucun élément ne démontre ni la réalité de la relation entre les époux ni l'existence de circonstances particulières ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 10 avril 2008, présenté par M. B, qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;


Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part M. Taoufik B et d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 11avril 2008 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Guillaume Delvolvé, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. B ;

- le représentant du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;


Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;


Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. B, de nationalité tunisienne, a épousé en France, le 16 décembre 2006, Mlle Samia Ferchichi, de nationalité française et résidant à Toulouse ; que le visa sollicité par M. B pour rejoindre en France son épouse a été refusé tacitement par le consul général de France à Tunis ; que la commission des recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté implicitement son recours contre cette décision ; que ce refus est fondé sur la circonstance que le mariage aurait été contracté à des fins étrangères à l'institution du mariage ;


Considérant que le moyen tiré de ce que l'administration n'établit pas que le mariage aurait été contracté dans le seul but de permettre à M. B de s'établir en France, paraît, en l'état de l'instruction, et dès lors que l'administration se borne à alléguer que M. B, qui ne parle pas français, se serait montré laconique lorsqu'il a été interrogé par les autorités consulaires sur les circonstances de sa rencontre avec sa future épouse et sur sa relation avec elle, alors que le requérant apporte la démonstration que son épouse lui a rendu visite en Tunisie et que cette dernière produit une attestation indiquant qu'elle met à sa disposition son salaire afin qu'il puisse subvenir à ses besoins, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du refus opposé à M. B ; qu'il en est de même du moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;


Considérant qu'eu égard aux délais écoulés, d'une part de quatorze mois depuis le mariage, d'autre part de onze mois depuis la demande de visa, la condition d'urgence exigée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative est satisfaite ;


Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B est fondé à demander la suspension de l'exécution de la décision lui refusant un visa ; qu'il y a lieu d'enjoindre à l'administration de procéder à un nouvel examen de la demande de visa dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance ; qu'en revanche il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;


Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;


O R D O N N E :
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Article 1er : L'exécution de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, rejetant le recours de M. B, est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance, au regard de ses motifs, la demande de visa de M. B.

Article 3 : L'Etat versera 1 500 euros à M. B au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 15 avr. 2008, n° 314154
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Chantepy
Rapporteur ?: M. Christophe Chantepy
Avocat(s) : SCP DELVOLVE, DELVOLVE

Origine de la décision
Formation : Juge des référés
Date de la décision : 15/04/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 314154
Numéro NOR : CETATEXT000018983512 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2008-04-15;314154 ?
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