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17/04/2008 | FRANCE | N°294359

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 17 avril 2008, 294359


Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, enregistré le 14 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 11 avril 2006 de la cour administrative d'appel de Douai, réformant le jugement du 6 novembre 2003 par lequel le tribunal administratif de Rouen a réduit la taxe professionnelle à laquelle le groupement d'intérêt économique des Mutuelles accidents élèves (GIE des MAE) a été assujetti au titre des années 1994 et 1998 dans les rôl

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Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, enregistré le 14 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 11 avril 2006 de la cour administrative d'appel de Douai, réformant le jugement du 6 novembre 2003 par lequel le tribunal administratif de Rouen a réduit la taxe professionnelle à laquelle le groupement d'intérêt économique des Mutuelles accidents élèves (GIE des MAE) a été assujetti au titre des années 1994 et 1998 dans les rôles de la ville de Rouen, en tant que la cour a déchargé le GIE des MAE de la taxe professionnelle à laquelle il demeurait assujetti au titre de l'année 1994 et rejeté le surplus de ses conclusions tendant à ce que le GIE des MAE soit rétabli au rôle de la taxe professionnelle au titre de l'année 1994 à concurrence des réductions prononcées par le tribunal administratif de Rouen ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Claire Legras, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Laurent Vallée, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1647 B sexies du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition du litige : I. Sur demande du redevable, la cotisation de taxe professionnelle de chaque entreprise est plafonnée à 3,5 p. 100 de la valeur ajoutée produite au cours de l'année au titre de laquelle l'imposition est établie ou au cours du dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile. La valeur ajoutée est définie selon les modalités prévues au II (...)/ II.1. La valeur ajoutée mentionnée au I est égale à l'excédent hors taxe de la production sur les consommations de biens et services en provenance de tiers constaté pour la période définie au I. /2 Pour la généralité des entreprises, la production de l'exercice est égale à la différence entre : / d'une part, les ventes, les travaux, les prestations de services ou les recettes ; les produits accessoires ; les subventions d'exploitation ; les ristournes, rabais et remises obtenus ; les travaux faits par l'entreprise elle-même ; les stocks à la fin de l'exercice ; / et, d'autre part, les achats de matières et marchandises, droits de douanes compris ; les réductions sur ventes ; les stocks au début de l'exercice. / Les consommations de biens et services en provenance de tiers comprennent : les travaux, fournitures et services extérieurs, à l'exception des loyers afférents aux biens pris en crédit-bail, les frais de transport et déplacements, les frais divers de gestion (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel de Douai que le groupement d'intérêt économique des Mutuelles accidents élèves (GIE des MAE), qui gère un parc de matériels informatiques mis à la disposition de ses membres, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au terme de laquelle l'administration fiscale a estimé qu'eu égard à la nature de son activité, il était redevable de la taxe professionnelle, notamment pour l'année 1994, seule en litige ; que, saisi par le GIE des MAE d'une demande tendant à la décharge de cette cotisation, le tribunal administratif de Rouen a, par jugement du 6 novembre 2003, réduit cette cotisation en tant que la base d'imposition incluait la valeur locative des matériels informatiques mis à la disposition des membres du groupement ; que, statuant sur l'appel du ministre relatif à cette imposition ainsi que sur l'appel incident présenté par le GIE des MAE, la cour administrative d'appel de Douai a, par l'article 1er de son arrêt en date du 11 avril 2006, déchargé, en application de l'article 1647 B sexies précité, le groupement de la taxe professionnelle à laquelle il demeurait assujetti au titre de l'année 1994, par l'article 3, réformé le jugement du tribunal administratif en ce qu'il avait de contraire et, par l'article 4, rejeté l'appel du ministre en tant qu'il portait sur l'année 1994 ; que, et dans cette mesure, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

Considérant que les dispositions précitées de l'article 1647 B sexies du code général des impôts fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée en fonction de laquelle sont plafonnées les cotisations de taxe professionnelle ; que, pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces catégories, il y a lieu de se reporter aux dispositions du plan comptable général, dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée ;

Considérant que la cour s'est fondée sur la circonstance que la rémunération tirée par le groupement de la mise à la disposition de ses membres de matériels informatiques, enregistrée dans ses écritures comptables à un compte transfert de charges, ne pouvait être rattachée à aucune des rubriques énumérées à l'article 1647 B sexies du code général des impôts ; qu'elle en a déduit que la valeur ajoutée produite par le groupement en 1994 était de ce fait négative, de sorte que le GIE des MAE était fondé à demander la décharge de la taxe professionnelle relative à l'année 1994 à laquelle il demeurait assujetti ; qu'en se fondant sur cette seule circonstance, sans rechercher si les sommes enregistrées à ce compte constituaient un produit en vertu des dispositions du plan comptable général en vigueur en 1994 et si, par suite, elles devaient être regardées comme ayant concouru à la détermination de la production de l'exercice au sens et pour l'application de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de son pourvoi, que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à demander, que, dans la mesure précitée, l'arrêt attaqué soit annulé ;

Considérant qu'en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu, dans cette même mesure, de régler l'affaire au fond et de statuer tant sur l'appel principal de l'administration que sur l'appel incident du groupement ;

Sur le principe de l'assujettissement à la taxe professionnelle :

Considérant qu'aux termes de l'article 1447 du code général des impôts dans sa rédaction applicable en 1994 : La taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée ;

Considérant, d'une part, que, pour soutenir que son activité a un tel caractère, le GIE des MAE fait valoir que les membres qui le constituent sont principalement des organismes à but non lucratif relevant du 5 de l'article 206 du code général des impôts ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que le GIE des MAE a pour objet de mettre son parc informatique, pour les besoins de leur activité, à la disposition de ses membres, à savoir la société anonyme Mutuelle Assurances Elèves Rouennaise (MAER), l'Union des Mutuelles Accidents Elèves (UMAE), une centaine de Mutuelles Assurances Elèves (MAE) départementales ainsi que des associations départementales pour l'assurance des élèves des établissements de l'enseignement public (AEP) ; que le groupement d'intérêt économique fournit ainsi aux organismes qui le constituent des prestations qui leur donnent la possibilité de réduire les charges inhérentes à leur exploitation ; que, par suite, ce groupement ne peut être regardé comme exerçant une activité sans but lucratif placée hors du champ d'application des dispositions précitées de l'article 1447 du code général des impôts ;

Considérant, d'autre part, que le GIE des MAE ne peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la lettre en date du 4 octobre 1983 du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE à M. Béranger, sénateur, dès lors qu'il n'entre pas dans les prévisions de cette lettre relative à un groupement d'intérêt économique constitué entre caisses de retraites complémentaires ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le GIE des MAE n'est pas fondé à demander, par la voie de l'appel incident, la décharge pour ce motif de la taxe professionnelle à laquelle il demeure assujetti au titre de l'année 1994 ;

Sur les bases d'imposition à la taxe professionnelle :

Considérant qu'aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : La taxe professionnelle a pour base : / 1° (...) / a. la valeur locative (...) des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle (...) ; que le 3° de l'article 1469 du même code, applicable aux équipements et biens mobiliers, dispose : (...) les biens donnés en location sont imposés au nom du propriétaire lorsque la période de location est inférieure à six mois ; il en est de même si le locataire n'est pas passible de la taxe professionnelle ou n'a pas la disposition exclusive des biens loués (...) ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la mise à la disposition de ses membres par le GIE des MAE de matériels informatiques revêt, en raison de la participation de ses utilisateurs aux charges qui en résultent pour le groupement, un caractère onéreux et caractérise ainsi une location au sens des dispositions précitées du 3° de l'article 1469 du code général des impôts ; qu'en outre, il est constant qu'au cours de l'année en litige, les membres du GIE se partagent l'utilisation de ces matériels et ne peuvent ainsi être regardés comme ayant la disposition exclusive de ce dernier ; que, par suite et en vertu de l'article 1467 précité du code général des impôts, leur valeur locative devait être incluse dans la base d'imposition à cette taxe du groupement, propriétaire de ces matériels ; que, dès lors, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 6 novembre 2003, le tribunal administratif de Rouen s'est fondé, pour réduire la cotisation de taxe professionnelle à laquelle le GIE des MAE a été assujetti au titre de l'année 1994, sur ce que ces matériels étaient placés sous le contrôle des membres du groupement ;

Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen présenté par le GIE des MAE tant devant le tribunal administratif que devant le juge d'appel ;

Considérant qu'il résulte des énonciations du paragraphe 8 de la documentation administrative de base 6E-2211 que la valeur locative d'un même bien mobilier ou immobilier ne peut être retenue dans les bases d'imposition de deux redevables différents ; que, si le GIE des MAE, qui s'est abstenu de déposer une déclaration de taxe professionnelle dès lors qu'il estimait qu'il présentait un caractère non lucratif et ne relevait ainsi pas du champ d'application de cette taxe, fait valoir que les matériels litigieux ont déjà été inclus dans les bases d'imposition à la taxe professionnelle de la société anonyme Mutuelle Assurances Elèves Rouennaise (MAER), il n'a pas fait application de ces dispositions et il ne peut, par suite, invoquer, sur le fondement du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, cette interprétation de la loi fiscale ;

Considérant que, dès lors, le GIE des MAE n'est pas fondé à contester les bases d'imposition à la taxe professionnelle établies sur le fondement des dispositions précitées du code général des impôts et à demander, à ce titre, la décharge de la cotisation de taxe professionnelle en litige ;

Sur le plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les sommes, correspondant à des refacturations de charges aux membres du groupement dans le cadre de l'activité de mise à leur disposition de matériels informatiques, entrent dans la catégorie des produits des activités annexes en vertu des dispositions du plan comptable général en vigueur en 1994 ; que ces sommes doivent, par conséquent, être regardées comme ayant concouru à la détermination de la production de l'exercice au sens et pour l'application de l'article 1647 B sexies du code général des impôts ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est ainsi fondé à soutenir que la circonstance que ces sommes avaient été enregistrées dans les écritures du GIE des MAE au compte transfert de charges ne faisait pas obstacle à ce qu'elles fussent prises en compte pour le calcul de la valeur ajoutée du groupement en application de l'article 1647 B sexies du code général des impôts ; que, dès lors, les conclusions incidentes du GIE des MAE tendant, par application du mécanisme du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée, à la décharge totale des cotisations de taxe professionnelle auxquelles il demeure soumis au titre de l'année 1994 doivent être rejetées ;

Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que la valeur ajoutée produite par le GIE des MAE au cours de l'année 1994, calculée conformément aux dispositions précitées de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, s'élève à la somme non contestée de 1 674 566 F ; qu'ainsi, il y a lieu de fixer la cotisation de taxe professionnelle dont le groupement est redevable pour l'année 1994 à 3,5 % de cette valeur ajoutée, soit en droits à une somme de 58 609 F (8 935 euros) majorée des intérêts de retard correspondants et, dans cette mesure, de réformer le jugement du tribunal administratif de Rouen du 6 novembre 2003 en ce qu'il a de contraire ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 11 avril 2006 est annulé en tant qu'il a déchargé le groupement d'intérêt économique des Mutuelles accidents élèves des cotisations de taxe professionnelle auxquelles il demeurait assujetti au titre de l'année 1994, qu'il a réformé en ce qu'il avait de contraire le jugement du tribunal administratif de Rouen du 6 novembre 2003 et qu'il a rejeté l'appel du ministre en ce qui concerne l'année 1994.

Article 2 : La cotisation de taxe professionnelle mise à la charge du groupement d'intérêt économique des Mutuelles accidents élèves au titre de l'année 1994 est fixée en droits à 58 609 F (8 935 euros), majorée des intérêts de retard correspondants.

Article 3 : La cotisation de taxe professionnelle établie au titre de l'année 1994 est remise à la charge du groupement d'intérêt économique des Mutuelles accidents élèves dans la limite du montant dont il est redevable en vertu de l'article 2.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 6 novembre 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 5 : Le surplus des conclusions de l'appel du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et de l'appel incident du groupement d'intérêt économique des Mutuelles accidents élèves est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et au groupement d'intérêt économique des Mutuelles accidents élèves.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 294359
Date de la décision : 17/04/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 17 avr. 2008, n° 294359
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Claire Legras
Rapporteur public ?: M. Vallée Laurent

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:294359.20080417
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