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18/04/2008 | FRANCE | N°313963

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 18 avril 2008, 313963


Vu la requête, enregistrée le 6 mars 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Elisabeth B épouse A demeurant à ... ; Mme A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision implicite par laquelle le consul général de France à Yaoundé (Cameroun) a refusé de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de conjoint de ressortissant français ;

2°) d'enjoindre au consul général de Franc

e à Yaoundé de lui délivrer le visa sollicité ou, à titre subsidiaire, de réexaminer...

Vu la requête, enregistrée le 6 mars 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Elisabeth B épouse A demeurant à ... ; Mme A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision implicite par laquelle le consul général de France à Yaoundé (Cameroun) a refusé de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de conjoint de ressortissant français ;

2°) d'enjoindre au consul général de France à Yaoundé de lui délivrer le visa sollicité ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;


elle soutient qu'elle a épousé à Vence le 1er septembre 2007, M. Gilles Avril, de nationalité française ; que l'urgence résulte de ce que la décision contestée lui impose de vivre séparée de son époux, qui ne peut effectuer de voyages réguliers au Cameroun en raison de la modicité de ses ressources et de ses responsabilités professionnelles ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; qu'en effet, le refus de visa méconnaît son droit à mener une vie privée et familiale normale ; qu'il méconnaît en outre les dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans la mesure où son mariage est réel et sincère ainsi que le prouvent les nombreuses pièces produites attestant d'une vie commune ;


Vu la requête à fin d'annulation de la même décision et le recours présenté à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2008, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire qui conclut au rejet de la requête ; le ministre soutient que la requête est irrecevable dès lors que la requérante n'est pas titulaire d'une décision implicite de refus de visa ; que les autorités consulaires, doutant de l'authenticité des actes d'état civil produits à l'appui de la demande de visa, ont notifié à la requérante leur intention de procéder à la vérification de ces actes ; que cette décision de sursis doit être maintenue, sur le fondement des articles L. 111-6 et R. 211-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que lorsque les autorités consulaires sursoient à statuer sur une demande de visa afin d'authentifier un acte d'état civil, une décision implicite de rejet ne peut naître au plus tôt que quatre mois après l'introduction de la demande ou au plus tard huit mois après ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait porté une atteinte manifestement illégale au droit de la requérante de mener une vie privée et familiale normale ; qu'enfin la requérante ne démontre pas l'urgence ;

Vu le mémoire en réplique et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 et 11 avril 2008, présentés pour Mme Elisabeth B épouse A qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ; elle soutient en outre que le délai à l'expiration duquel aurait pu naître une décision implicite de rejet de la demande de visa est de quatre mois et non de huit comme le soutient l'administration ; que, faute de notification de ce délai dérogatoire, c'est le délai de droit commun de deux mois qui est applicable de sorte que la requête, dirigée contre une décision implicite de rejet, est recevable ; que l'absence de signature du déclarant sur l'acte de naissance de Mme A ne permet pas à elle seule de douter de l'authenticité de l'acte ; qu'à la date à laquelle cet acte a été établi, les services de l'état-civil de Dimako ne demandaient pas systématiquement cette signature ; que la date de naissance de la requérante n'a jamais été contestée et figure dans tous les documents qui la concernent ; que les pièces produites établissent la réalité et les dates des voyages de Mme A ;

Vu le nouveau mémoire enregistré le 11 avril 2008 et les pièces complémentaires enregistrées le 17 avril 2008, présentés pour Mme A qui reprend à nouveau les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme Elisabeth A, et d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du vendredi 14 avril 2008 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Guillaume Delvolvé, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme Elisabeth B épouse A ;
- M. Gilles A ;
- le représentant du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Sur la recevabilité des conclusions à fin de suspension :

Considérant que l'article R. 211-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que, pour effectuer les vérifications d'état civil requises par les demandes de visa et par dérogation aux dispositions de l'article 21 de la loi du 12 avril 2000, « les autorités diplomatiques et consulaires sursoient à statuer sur la demande de visa présentée par la personne qui se prévaut de l'acte d'état civil litigieux pendant une période maximale de quatre mois./ Lorsque, malgré les diligences accomplies, ces vérifications n'ont pas abouti, la suspension peut être prorogée pour une durée strictement nécessaire et qui ne peut excéder quatre mois » ; qu'il résulte de ces dispositions que les autorités diplomatiques et consulaires qui envisagent de procéder à la vérification d'actes d'état civil produits à l'appui d'une demande de visa ne peuvent notifier d'emblée au demandeur que le délai d'instruction de la demande sera de huit mois et qu'une décision implicite de rejet ne naitra qu'à l'issue de ce délai ; que, toutefois, l'indication de ce délai erroné a pour effet de permettre que naisse une décision implicite de rejet, non à l'issue du délai de doit commun de deux mois, mais à l'issue du délai spécial de quatre mois prévu par l'article R. 211-4 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'à la suite de la demande de visa en qualité de conjoint de Français, présentée le 26 octobre 2007 par Mme A, celle-ci s'est vu remettre le même jour par le consulat général de France à Yaoundé qui souhaitait vérifier l'acte de naissance produit par elle, une décision, d'ailleurs fondée par erreur sur l'article 22-1 de la loi du 12 avril 2000 qui ne s'applique qu'aux vérifications des actes d'état-civil autres que celles qui sont requises par l'instruction des demandes de visa, selon laquelle « en l'absence de réponse dans un délai de huit mois, [la] demande de visa [devrait] être considérée comme ayant été refusée » ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que, du fait de l'indication de ce délai erroné, une décision implicite de rejet doit être regardée comme née à l'issue d'un délai de quatre mois, soit le 26 février 2008, et les conclusions à fin de suspension présentées par Mme A comme dirigées contre cette décision ; que la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'immigration doit, dès lors, être écartée ;

Au fond :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

Considérant que Mme Elisabeth B, de nationalité camerounaise, s'est mariée le 1er septembre 2007 avec M. Gilles Avril, de nationalité française ; qu'en l'absence de toute contestation par l'administration de la validité du mariage, au vu des nombreux éléments établissant les relations des époux Avril, et alors que le refus de visa fait obstacle au déroulement normal de leur vie privée et familiale, la condition d'urgence doit être regardée en l'espèce comme remplie ;

Considérant que la seule circonstance que l'acte de naissance de Mme A ne comporte pas la signature de sa mère qui l'a déclarée ne permet pas de douter sérieusement de l'authenticité de cet acte et donc de l'identité de l'intéressée ; qu'en l'état de l'instruction, le moyen tiré de ce que la décision lui refusant le visa d'entrée qu'elle sollicite méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité du refus de visa ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'en ordonner la suspension et d'enjoindre aux autorités consulaires françaises au Cameroun de procéder à un nouvel examen de la demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;



O R D O N N E :
------------------
Article 1er : La décision implicite de rejet de la demande de visa d'entrée en France présentée par Mme Elisabeth B épouse A est suspendue.
Article 2 : Il est enjoint aux autorités consulaires françaises au Cameroun de réexaminer la demande de visa de Mme Elisabeth B épouse A dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée Mme Elisabeth B épouse A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 313963
Date de la décision : 18/04/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 avr. 2008, n° 313963
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Aubin
Rapporteur ?: Mme Marie-Eve Aubin
Avocat(s) : SCP DELVOLVE, DELVOLVE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:313963.20080418
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