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05/05/2008 | FRANCE | N°295242

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 05 mai 2008, 295242


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 juillet et 10 novembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le PRESIDENT DE LA POLYNESIE FRANCAISE, dont le siège est BP 2551, à Papeete (98713) ; le PRESIDENT DE LA POLYNESIE FRANCAISE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 4 mai 2006 par laquelle le magistrat délégué par le président de la cour administrative d'appel de Paris a rejeté pour irrecevabilité manifeste sa requête tendant à l'annulation du jugement du 6 décembre 2005 du tribunal admini

stratif de la Polynésie française ayant annulé, à la demande de MM. Jea...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 juillet et 10 novembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le PRESIDENT DE LA POLYNESIE FRANCAISE, dont le siège est BP 2551, à Papeete (98713) ; le PRESIDENT DE LA POLYNESIE FRANCAISE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 4 mai 2006 par laquelle le magistrat délégué par le président de la cour administrative d'appel de Paris a rejeté pour irrecevabilité manifeste sa requête tendant à l'annulation du jugement du 6 décembre 2005 du tribunal administratif de la Polynésie française ayant annulé, à la demande de MM. Jean A et Teva C, le permis de construire un bâtiment commercial à Papeete, accordé le 17 septembre 2004 par le ministre de l'aménagement et de l'urbanisme de la Polynésie française à M. Michel B pour le compte de M. William B ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Polynésie française du 6 décembre 2005 et de rejeter la demande présentée par MM. A et C ;

3°) de mettre à la charge de MM. A et C la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Fabienne Lambolez, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat du PRESIDENT DE LA POLYNESIE FRANÇAISE,

- les conclusions de Mme Claire Landais, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-4 du code de justice administrative : « A Mayotte, en Polynésie française, dans les îles Wallis-et-Futuna et en Nouvelle-Calédonie, le délai d'appel de deux mois est porté à trois mois » et qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 811-5 du même code : « Les délais supplémentaires de distance prévus aux articles 643 et 644 du nouveau code de procédure civile s'ajoutent aux délais normalement impartis » ; qu'aux termes de l'article 643 du nouveau code de procédure civile : « Lorsque la demande est portée devant une juridiction qui a son siège en France métropolitaine, les délais de comparution, d'appel, d'opposition, de recours en révision et de pourvoi en cassation sont augmentés de:/ 1° Un mois pour les personnes qui demeurent dans un département d'outre-mer ou dans un territoire d'outre-mer (...) » ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le PRESIDENT DE LA POLYNESIE FRANÇAISE bénéficiait du délai de distance d'un mois supplémentaire prévu à l'article 643 du nouveau code de procédure civile, qui s'ajoutait au délai d'appel de droit commun de trois mois prévu par l'article R. 811-4 du code de justice administrative ; que, par suite, en rejetant comme tardive la requête du PRESIDENT DE LA POLYNESIE FRANÇAISE, enregistrée le 27 mars 2006, dirigée contre le jugement du tribunal administratif de la Polynésie française qui lui avait été notifié le 8 décembre 2005, le magistrat délégué par le président de la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit ; que le PRESIDENT DE LA POLYNESIE FRANÇAISE est, par suite, fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

Considérant qu'il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant que le ministre de l'aménagement et de l'urbanisme de la Polynésie française a délivré le 17 septembre 2004 à M. Michel B, pour le compte de M. William B, un permis de construire un bâtiment commercial d'une surface au sol de 440 mètres carrés sur la parcelle cadastrée DW n° 44, qui est desservie par la servitude Porcellano ; que le PRESIDENT DE LA POLYNESIE FRANÇAISE demande l'annulation du jugement du 6 décembre 2005 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française, faisant droit à la demande de MM. A et C, a annulé ce permis ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par le PRESIDENT DE LA POLYNESIE FRANÇAISE ;

Considérant qu'aux termes de l'article UC-b.3 du règlement d'urbanisme annexé au plan général d'aménagement de la commune de Papeete : « UC-b.3.1 Les emprises des voies principales et secondaires sont définies sur le document graphique du plan. En dehors de ces voies, tous les immeubles doivent être correctement desservis, les voies de desserte ne pouvant avoir une emprise inférieure à six mètres. (...) / UC-b.3.2 Le permis de construire peut être refusé pour les terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à l'importance et à la destination de l'immeuble ou de l'ensemble d'immeubles qui y sont édifiés ou doivent y être édifiés, en ce qui concerne la commodité de la circulation et des accès (pompiers, ramassage des ordures ...). » ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées du 1 et du 2 de l'article UC-b.3 que celles du 1 s'appliquent aux voies nouvelles à réaliser, et que seules celles du 2, qui ne contiennent aucune prescription chiffrée s'agissant de la largeur des voies de desserte, s'appliquent aux constructions à édifier ; que par suite, les premiers juges ont entaché leur décision d'erreur de droit en estimant que le permis de construire litigieux méconnaissait ces dispositions au motif que l'emprise de la voie desservant le terrain d'assiette est inférieure à six mètres ; qu'ainsi, le PRESIDENT DE LA POLYNESIE FRANCAISE est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce motif pour annuler le permis ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par MM. A et C devant le tribunal administratif de la Polynésie française ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le PRESIDENT DE LA POLYNESIE FRANCAISE ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard notamment au fait que le permis de construire litigieux prévoyait l'aménagement d'espaces de stationnement de nature à faciliter la desserte du bâtiment commercial envisagé et que la largeur de la servitude Porcellano est d'environ 4 mètres, que la décision d'accorder le permis soit entachée d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions précitées du 2 de l'article UC-b.3 du règlement d'urbanisme annexé au plan général d'aménagement de la commune de Papeete ;

Considérant, en deuxième lieu, que les requérants soutiennent que le permis de construire litigieux méconnaîtrait les règles de l'article UC-b.7 du règlement d'urbanisme précité, relatives à l'implantation par rapport aux limites séparatives, au motif que l'accord des propriétaires voisins n'a pas été obtenu alors que la construction envisagée doit joindre la limite parcellaire ; que, toutefois, il résulte du 3 de cet article que cet accord n'est pas requis lorsque, comme en l'espèce, le bâtiment à édifier est à simple rez-de-chaussée et que sa hauteur ne dépasse pas quatre mètres en limite séparative ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article UC-b.13 du règlement d'urbanisme : « UC-b.13.1 Les parcelles doivent être aménagées de telle façon qu'une superficie représentant 50 % de celle du terrain soit constituée par un sol végétalisé et planté. / Outre les parties de terrain laissées en espace vert, peuvent notamment être considérées comme sols végétalisés : / - une partie d'une construction enterrée ou en élévation recouverte d'une couche suffisante de terre permettant un engazonnement et des plantations florales ou arbustives (...) » ; qu'il ressort des plans annexés au permis de construire que la construction comporte deux terrasses végétalisées d'une surface totale de 315 mètres carrés, soit plus de la moitié de la surface du terrain d'assiette, qui est de 614 mètres carrés ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le permis attaqué méconnaîtrait les dispositions précitées du 1 de l'article UC-b.13 manque en fait ;

Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PRESIDENT DE LA POLYNESIE FRANCAISE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé, à la demande de M. A et de M. C, le permis de construire délivré le 17 septembre 2004 à MM. B ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de MM. B, qui ne sont pas la partie perdante, et de la commune de Papeete, qui n'est pas partie à l'instance, les sommes que demandent M. A et M. C au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de MM. A et C la somme que demande le PRESIDENT DE LA POLYNESIE FRANÇAISE ; qu'en revanche, il y a lieu de mettre à la charge de M. A et de M. C la somme que demandent MM. B ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 4 mai 2006 du magistrat délégué par le président de la cour administrative d'appel de Paris et le jugement 6 décembre 2005 du tribunal administratif de la Polynésie française sont annulés.

Article 2 : La requête de M. A et de M. C devant le tribunal administratif de la Polynésie française est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions du PRESIDENT DE LA POLYNESIE FRANCAISE est rejeté.

Article 4 : M. A et M. C verseront chacun une somme de 838 euros à MM. B.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au PRESIDENT DE LA POLYNESIE FRANCAISE, à M. Jean A, à M. Teva C, à M. Michel B et à M. Willian B. Copie en sera transmise pour information au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 05 mai. 2008, n° 295242
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Fabienne Lambolez
Rapporteur public ?: Mme Landais Claire
Avocat(s) : SCP DE CHAISEMARTIN, COURJON

Origine de la décision
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Date de la décision : 05/05/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 295242
Numéro NOR : CETATEXT000018778488 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2008-05-05;295242 ?
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