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05/05/2008 | FRANCE | N°304350

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 05 mai 2008, 304350


Vu 1°), sous le n° 304350, la requête, enregistrée le 2 avril 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSEMBLEE PERMANENTE DES CHAMBRES DE METIERS, dont le siège est 12, avenue Marceau à Paris (75008), représentée par son président en exercice ; l'ASSEMBLEE PERMANENTE DES CHAMBRES DE METIERS demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir les articles 5, 6, 7 et 8 du décret n° 2007-153 du 5 février 2007 pris en application de l'article L. 626-6 du code de commerce ;


Vu 2°), sous le n° 304458, la requête, enr

egistrée le 5 avril 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, p...

Vu 1°), sous le n° 304350, la requête, enregistrée le 2 avril 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSEMBLEE PERMANENTE DES CHAMBRES DE METIERS, dont le siège est 12, avenue Marceau à Paris (75008), représentée par son président en exercice ; l'ASSEMBLEE PERMANENTE DES CHAMBRES DE METIERS demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir les articles 5, 6, 7 et 8 du décret n° 2007-153 du 5 février 2007 pris en application de l'article L. 626-6 du code de commerce ;


Vu 2°), sous le n° 304458, la requête, enregistrée le 5 avril 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la CHAMBRE DE METIERS ET DE L'ARTISANAT DE LA COTE-D'OR, dont le siège est 65-69, rue Daubenton à Dijon (21000), la CHAMBRE DE METIERS ET DE L'ARTISANAT DU PAS-DE-CALAIS, dont le siège est 14 bis rue des Rosati BP 361 à Arras (62027), la CHAMBRE DES METIERS ET DE L'ARTISANAT DE LA DROME, dont le siège est Clos les tanneurs avenue A. Figuet BP 153 à Romans (26104), la CHAMBRE DE METIERS ET DE L'ARTISANAT DU TERRITOIRE DE BELFORT, dont le siège est BP 217 à Belfort (90004), la CHAMBRE DE METIERS ET DE L'ARTISANAT DE L'AUBE, dont le siège est 6 rue Jeanne d'Arc BP 4104 à Troyes Cedex (10014), la CHAMBRE DE METIERS ET DE L'ARTISANAT DE LA SAONE-ET-LOIRE, dont le siège est 185 avenue Boucicaut BP 52 à Chalon-sur-Saône Cedex (71103), la CHAMBRE DE METIERS ET DE L'ARTISANAT DE LA GIRONDE, dont le siège est 46 avenue du général de Larminat à Bordeaux Cedex (33074) ; ces CHAMBRES DE METIERS ET DE L'ARTISANAT demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir les articles 5, 6, 7 et 8 du décret n° 2007-153 du 5 février 2007 pris en application de l'article L. 626-6 du code de commerce ;


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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Constitution ;

Vu le code de commerce ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Karin Ciavaldini, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que l'ASSEMBLEE PERMANENTE DES CHAMBRES DE METIERS d'une part, les CHAMBRES DE METIERS ET DE L'ARTISANAT DE LA COTE-D'OR, DU PAS-DE-CALAIS, DE LA DROME, DU TERRITOIRE DE BELFORT, DE L'AUBE, DE LA SAONE-ET-LOIRE et DE LA GIRONDE d'autre part, demandent l'annulation pour excès de pouvoir des articles 5, 6, 7 et 8 du décret n° 2007-153 du 5 février 2007 pris en application de l'article L. 626-6 du code de commerce, aujourd'hui codifiés aux articles R. 626-13 à R. 626-16 du code de commerce ; que ce décret fixe les conditions dans lesquelles les administrations financières, les organismes de sécurité sociale, les institutions gérant le régime d'assurance chômage prévu par les articles L. 351-3 et suivants du code du travail, les institutions régies par le livre IX du code de la sécurité sociale et les institutions régies par le livre VII du code rural, peuvent consentir des remises de dettes en cas de procédures de sauvegarde, de conciliation ou de redressement judiciaire ; que ces requêtes présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la légalité externe du décret attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution : Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l'exécution du décret attaqué ne comporte pas nécessairement de mesures réglementaires ou individuelles que le garde des sceaux, ministre de la justice, le ministre chargé de l'outre-mer ou le ministre chargé des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales aient à signer ou à contresigner ; qu'en outre, le fait que le décret attaqué ait vocation à s'appliquer outre-mer ne rend pas pour autant nécessaire le contreseing du ministre de l'outre-mer ; qu'ainsi, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le décret attaqué aurait dû être contresigné par ces ministres ;

Sur la légalité interne du décret attaqué :

En ce qui concerne l'article 5 :

Considérant que cet article a prévu, dans le cas d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, que la demande de remise de dettes devait être formulée dans un délai de deux mois à compter de la date d'ouverture de la procédure, et accompagnée : 1° De l'état actif et passif des sûretés ainsi que de celui des engagements hors bilan ; / 2° Des comptes annuels et des tableaux de financement des trois derniers exercices, si ces documents ont été établis, ainsi que de la situation de l'actif réalisable et disponible et du passif exigible ; que les requérantes n'établissent pas que ces documents, qui sont d'ailleurs très proches de ceux qui doivent, en application des articles R. 621-1 et R. 631-1 du code de commerce, accompagner les demandes d'ouverture des procédures de sauvegarde ou de redressement judiciaire, ne pourraient être fournis dans le délai prévu ; que l'article 5 du décret n'a en revanche pas prévu de délai pour la production, par le débiteur, des autres documents requis ; qu'en application de l'article 6 du décret attaqué, le délai de dix semaines au-delà duquel naît une décision implicite de rejet de la demande de remise de dettes court à partir de la date de réception de l'ensemble des éléments demandés ; qu'ainsi, l'article 5 du décret attaqué ne prive aucunement de leur portée les dispositions législatives pour l'application desquelles il a été pris ;

En ce qui concerne l'article 6 :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er du décret attaqué : Les remises de dettes consenties, pour l'application de l'article L. 626-6 du code de commerce, par les administrations financières, les organismes de sécurité sociale, les institutions gérant le régime d'assurance chômage prévu par les articles L. 351-3 et suivants du code du travail, les institutions régies par le livre IX du code de la sécurité sociale et par les institutions régies par le livre VII du code rural, sont opérées dans les conditions et selon les modalités définies par le présent décret. ; que la commission réunissant les chefs des services financiers et les représentants des organismes et institutions intéressés, instituée par l'article 6 de ce décret, a pour rôle d'examiner les demandes de remise de dettes ; que son président recueille les décisions des administrations, organismes et institutions représentés et en assure la notification ; qu'aux termes de ce même article 6 : (…) Le défaut de réponse dans un délai de dix semaines (…) vaut décision de rejet ; que ces dispositions n'ont pas pour effet de confier à la commission le pouvoir de décision en matière de remise de dettes, qui reste détenu, y compris en cas de rejet de la demande, par chacun des créanciers publics concernés, en vertu de l'article 1er précité du décret attaqué ; qu'ainsi, l'article 6 du décret attaqué ne procède pas, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, à un transfert illégal de compétence ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 21 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : Sauf dans les cas où un régime de décision implicite d'acceptation est institué dans les conditions prévues à l'article 22, le silence gardé pendant plus de deux mois par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet. / Lorsque la complexité ou l'urgence de la procédure le justifie, des décrets en Conseil d'Etat prévoient un délai différent. ; qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, le décret attaqué a prévu un délai de dix semaines au-delà duquel l'absence de décision de la part des administrations, organismes et institutions cités à l'article 1er du décret vaut rejet de la demande ; qu'eu égard aux vérifications et aux calculs nécessaires pour déterminer les possibilités de remise de dettes, l'examen de ces demandes est au nombre des procédures dont la complexité justifie qu'il soit dérogé au délai de deux mois fixé par l'article 21 précité de la loi du 12 avril 2000 ;

En ce qui concerne les articles 7 et 8 :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 626-6 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises : Les administrations financières, les organismes de sécurité sociale, les institutions gérant le régime d'assurance chômage prévu par les articles L. 351-3 et suivants du code du travail et les institutions régies par le livre IX du code de la sécurité sociale peuvent accepter, concomitamment à l'effort consenti par d'autres créanciers, de remettre tout ou partie de ses dettes au débiteur dans des conditions similaires à celles que lui octroierait, dans des conditions normales de marché, un opérateur économique privé placé dans la même situation ; qu'il ressort de ces dispositions, éclairées par leurs travaux préparatoires, que l'effort consenti par d'autres créanciers vise la remise effective de dettes par certains au moins des créanciers privés ; qu'ainsi l'article 7 du décret attaqué, qui prévoit que les remises de dettes consenties par les créanciers publics sont conditionnées à un abandon concomitant des dettes privées, n'a pas ajouté à la loi une condition non prévue par celle-ci ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'article L. 626-6 du code de commerce prévoit que les conditions de la remise de la dette sont fixées par décret en Conseil d'Etat ; qu'afin de garantir le respect du principe défini à l'article L. 626-6 et tenant à l'octroi des remises de dettes au débiteur dans des conditions similaires à celles que lui octroierait, dans des conditions normales de marché, un opérateur économique privé placé dans la même situation, le pouvoir réglementaire pouvait légalement exclure certaines dettes privées, eu égard notamment à la spécificité des créanciers concernés ou à leurs liens particuliers avec le débiteur, des dettes prises en compte pour apprécier les possibilités de remise de dettes par les créanciers publics susmentionnés ; qu'ainsi, l'article 8 du décret attaqué, qui prévoit de telles exclusions, n'a pas méconnu l'article L. 626-6 du code de commerce ;

Considérant, en troisième lieu, que si les requérantes soutiennent que le décret attaqué fait obstacle à la remise de dettes par les créanciers publics dans le cas où le débiteur n'a pas de créancier privé ou a exclusivement ou principalement des créanciers privés appartenant à sa famille proche, ces conditions découlent, ainsi qu'il a été dit plus haut, des dispositions elles-mêmes de l'article L. 626-6 du code de commerce ; qu'au surplus, les artisans et les petites entreprises bénéficient, comme les autres entreprises, du crédit bancaire ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le décret attaqué porterait atteinte au principe d'égalité de traitement entre entreprises, et notamment entre les entreprises artisanales et les autres entreprises, doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation pour excès de pouvoir des articles 5, 6, 7 et 8 du décret du 5 février 2007 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente affaire, la partie perdante, verse aux chambres de métiers et de l'artisanat requérantes la somme qu'elles demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;


D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de l'ASSEMBLEE PERMANENTE DES CHAMBRES DE METIERS d'une part, et des CHAMBRES DE METIERS ET DE L'ARTISANAT DE LA COTE-D'OR, DU PAS-DE-CALAIS, DE LA DROME, DU TERRITOIRE DE BELFORT, DE L'AUBE, DE LA SAONE-ET-LOIRE et DE LA GIRONDE d'autre part, sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'ASSEMBLEE PERMANENTE DES CHAMBRES DE METIERS, aux CHAMBRES DE METIERS ET DE L'ARTISANAT DE LA COTE-D'OR, DU PAS-DE-CALAIS, DE LA DROME, DU TERRITOIRE DE BELFORT, DE L'AUBE, DE LA SAONE-ET-LOIRE et DE LA GIRONDE, au Premier ministre et au ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Une copie sera transmise pour information au ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 05 mai. 2008, n° 304350
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Karin Ciavaldini
Rapporteur public ?: M. Collin Pierre

Origine de la décision
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Date de la décision : 05/05/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 304350
Numéro NOR : CETATEXT000018778504 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2008-05-05;304350 ?
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