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07/05/2008 | FRANCE | N°294213

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 07 mai 2008, 294213


Vu la requête, enregistrée le 9 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE AIR FRANCE, dont le siège est 45 rue de Paris, à Roissy Charles-de-Gaulle Cedex (95747) ; la SOCIETE AIR FRANCE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision de la chambre de commerce et d'industrie de Marseille-Provence fixant les tarifs des redevances aéronautiques applicables au 1er juin 2006 sur l'aéroport de Marseille-Provence, en tant qu'elle comprend la redevance passager de l'aérogare MP2, ainsi que la décision du ministre des tra

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Vu la requête, enregistrée le 9 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE AIR FRANCE, dont le siège est 45 rue de Paris, à Roissy Charles-de-Gaulle Cedex (95747) ; la SOCIETE AIR FRANCE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision de la chambre de commerce et d'industrie de Marseille-Provence fixant les tarifs des redevances aéronautiques applicables au 1er juin 2006 sur l'aéroport de Marseille-Provence, en tant qu'elle comprend la redevance passager de l'aérogare MP2, ainsi que la décision du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer et du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie portant homologation de cette décision ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la chambre de commerce et d'industrie de Marseille-Provence la somme de 5 000 euros chacun en application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 10 avril 2008, présentée pour la chambre de commerce et d'industrie de Marseille-Provence ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'aviation civile ;

Vu le décret n° 2005-827 du 20 juillet 2005, notamment son article 5 ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-François Mary, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la Chambre de commerce et d'industrie de Marseille-Provence et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;



Considérant que la SOCIETE AIR FRANCE doit être regardée comme demandant l'annulation des décisions par lesquelles la chambre de commerce et d'industrie de Marseille-Provence a fixé le tarif de la redevance « passager » applicable à l'aérogare MP2 de l'aéroport de Marseille-Provence à compter du 1er juin 2006 puis du 1er janvier 2007, ainsi que des décisions par lesquelles le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer et le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ont homologué ces tarifs ;

Sur la compétence du Conseil d'Etat :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 311 ;1 du code de justice administrative : « Le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort ... 2° Des recours dirigés contre les actes réglementaires des ministres ... » ; que les décisions ministérielles d'homologation d'une redevance applicable à une aérogare exploitée par une chambre de commerce et d'industrie, telle que celle de MP2, ont le caractère d'actes réglementaires dont le contentieux relève, en premier et dernier ressort, de la compétence du Conseil d'Etat ; qu'ainsi, le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort des conclusions de la société requérante tendant à l'annulation des décisions par lesquelles le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer et le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ont homologué le tarif de la redevance « passager » applicable à l'aérogare MP2 à compter du 1er juin 2006, puis du 1er janvier 2007 ; qu'eu égard à la connexité existant entre ces conclusions et celles dirigées contre les décisions de la chambre de commerce et d'industrie fixant les tarifs de cette redevance, le Conseil d'Etat est également compétent, en application de l'article R. 341 ;1 du code de justice administrative, pour connaître en premier et dernier ressort de l'ensemble de ces dernières conclusions ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 224 ;2 du code de l'aviation civile : « I. - Les services publics aéroportuaires donnent lieu à la perception de redevances pour services rendus fixées conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 410 ;2 du code de commerce./ Le montant des redevances tient compte de la rémunération des capitaux investis. Il peut tenir compte des dépenses, y compris futures, liées à la construction d'infrastructures ou d'installations nouvelles avant leur mise en service./ Il peut faire l'objet, pour des motifs d'intérêt général, de modulations limitées tendant à réduire ou compenser les atteintes à l'environnement, améliorer l'utilisation des infrastructures, favoriser la création de nouvelles liaisons ou répondre à des impératifs de continuité et d'aménagement du territoire./ Le produit global de ces redevances ne peut excéder le coût des services rendus sur l'aéroport…. » ; qu'aux termes de l'article R. 224 ;2 du même code : « Les dispositions suivantes s'appliquent sur les aérodromes dont le trafic annuel moyen des trois dernières années a dépassé 100 000 passagers :/ 1º Les redevances comprennent notamment/ … - la redevance par passager, correspondant à l'usage des installations aménagées pour la réception des passagers et du public, ainsi que, le cas échéant, aux services complémentaires, tels que la mise à disposition de comptoirs d'enregistrement et d'embarquement, ainsi que des installations de tri des bagages. L'assiette de cette redevance est le nombre de passagers embarqués. Sur un même aérodrome, le tarif applicable à une même catégorie de passagers est identique pour toutes les aérogares. Toutefois, pour les aérogares mises en service après le 1er août 2005, des tarifs différenciés pourront être fixés en fonction des coûts d'investissement et d'exploitation afférents à ces aérogares et de la qualité de service… » ; qu'aux termes de l'article R. 224 ;4 ;1 du même code : « I. - En l'absence de contrat, l'exploitant notifie, par lettre recommandée avec avis de réception, et quatre mois au moins avant le début de chaque période annuelle, les tarifs des redevances mentionnées à l'article R. 224 ;2 hormis celles mentionnées au troisième alinéa du 2º, et, le cas échéant, leurs modulations, pour homologation par les ministres chargés de l'aviation civile et de l'économie. Cette notification est accompagnée des éléments mentionnés à l'article R. 224 ;3 ;1 et au IV de l'article R. 224 ;3 ainsi que de l'avis de la commission consultative économique de l'aérodrome. Les tarifs des redevances et, le cas échéant, leurs modulations sont réputés homologués et deviennent exécutoires dans les conditions fixées au V de l'article R. 224 ;3 à moins que les ministres chargés de l'aviation civile et de l'économie n'y fassent conjointement opposition dans un délai d'un mois suivant la réception de la notification… » ;

Considérant que la SOCIETE AIR FRANCE fait valoir que les tarifs de la redevance passager décidés pour l'aérogare MP2 au titre des années 2006 et 2007 par la chambre de commerce et d'industrie de Marseille-Provence ont été fixés à un niveau trop bas par rapport à ceux de l'aérogare principale de Marseille-Provence et ne sont pas proportionnels aux coûts afférents à l'aérogare et à la qualité du service ; qu'un transfert de charges a été ainsi illégalement opéré en défaveur de l'autre terminal de l'aéroport ;

Considérant que la chambre de commerce et d'industrie de Marseille-Provence a fixé à 1,23 euro à compter du 1er juin 2006, la redevance passager de l'aérogare MP2 pour les liaisons européennes et nationales, et à 1,28 euro à compter du 1er janvier 2007 la redevance « passager » pour les liaisons internationales ; qu'il ressort des pièces du dossier que la méthode de calcul employée en premier lieu a consisté à diviser le prix de revient des « installations pour passager » de l'aérogare MP2 sur une période de 15 ans par le nombre de passagers estimé au départ durant la même période ; que cette estimation a été en cours de procédure modifiée, en deuxième lieu, pour tenir compte d'une baisse du nombre de passagers prévus, mais sans que soit pris en considération le fait que les prévisions de trafic au départ de la nouvelle aérogare ont été fortement revues à la baisse entre octobre 2004, date de présentation des premiers calculs à la commission consultative économique de l'aéroport, et juin 2006, date de l'entrée en vigueur des tarifs, pour tenir compte des évolutions constatées dans l'activité des compagnies à bas coûts ; qu'enfin et en troisième lieu, la chambre de commerce a établi ces tarifs en fonction d'un taux de rentabilité interne fixé a priori ; que si les défendeurs arguent dans le dernier état de leurs écritures de la circonstance que la fixation à un bas niveau de la redevance a été rendue possible par la contribution des recettes commerciales prévisibles aux coûts d'exploitation de l'aérogare, ils n'indiquent pas de quelle manière ces recettes avaient été prises en compte précédemment, et ne justifient pas davantage de la fiabilité des éléments comptables utilisés dans les différents calculs ; qu'ainsi, en n'établissant pas en quoi ces tarifs, propres à l'aérogare MP2 et nettement inférieurs à ceux de l'aérogare principale, étaient fonction du coût d'investissement et d'exploitation de l'aérogare MP2 ainsi que de la qualité du service rendu, comme l'exige l'article R. 224 ;2 du code de l'aviation civile, ni en quoi cette modulation pouvait être regardée comme limitée par rapport aux tarifs de la même redevance sur l'aérogare principal, ainsi que l'exige l'article L. 224 ;2 du même code, la chambre de commerce et d'industrie et les ministres concernés doivent être regardés comme n'ayant pas fait application dans l'établissement de la méthode de calcul des critères prévus par ces mêmes articles du code de l'aviation civile ; que dès lors, les décisions attaquées sont entachées d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SOCIETE AIR FRANCE est fondée à demander l'annulation des décisions fixant et homologuant les tarifs de la redevance « passager » applicable à l'aérogare MP2 de l'aéroport de Marseille-Provence à compter du 1er juin 2006 et du 1er janvier 2007 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge de la SOCIETE AIR FRANCE, qui n'est pas la partie perdante, les sommes que demandent l'Etat et la chambre de commerce et d'industrie de Marseille-Provence au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat et de la chambre de commerce et d'industrie de Marseille-Provence une somme de 2 500 euros chacun au titre des frais exposés par cette société et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les tarifs homologués de la redevance « passager » applicables sur l'aérogare MP2 de l'aéroport de Marseille Provence à compter du 1er juin 2006 puis du 1er janvier 2007, sont annulés.
Article 2 : L'Etat et la chambre de commerce et d'industrie de Marseille-Provence verseront chacun à la SOCIETE AIR FRANCE une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de l'Etat et de la chambre de commerce et d'industrie de Marseille-Provence tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE AIR FRANCE, à la chambre de commerce et d'industrie de Marseille-Provence, au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire et au ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 294213
Date de la décision : 07/05/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 mai. 2008, n° 294213
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Delarue
Rapporteur ?: M. Jean-François Mary
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave Emmanuelle
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET ; SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:294213.20080507
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