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14/05/2008 | FRANCE | N°290046

France | France, Conseil d'État, 3ème sous-section jugeant seule, 14 mai 2008, 290046


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 février et 6 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Marie-France A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 8 décembre 2005 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 6 décembre 2001 du maire d'Orange rejetant son recours gracieux tendant au retrait d'une décision du 27 septembre 2001 par laquelle il lui avait retiré son affectation en

qualité de directrice du conservatoire de musique d'Orange et lui ava...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 février et 6 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Marie-France A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 8 décembre 2005 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 6 décembre 2001 du maire d'Orange rejetant son recours gracieux tendant au retrait d'une décision du 27 septembre 2001 par laquelle il lui avait retiré son affectation en qualité de directrice du conservatoire de musique d'Orange et lui avait demandé de reprendre ses fonctions de professeur de piano ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler ces décisions et d'enjoindre au maire d'Orange de l'affecter de nouveau sur le poste de directrice du conservatoire de musique d'Orange sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Orange la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 91-859 du 2 septembre 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Xavier Domino, Auditeur,

- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de Mme A,

- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;

Considérant Mme Marie-France A, qui a été intégrée, à compter du 4 septembre 1991, dans le cadre d'emplois des assistants territoriaux spécialisés d'enseignement artistique, a été nommée, à compter du 1er septembre 1996, professeur chargée de la direction du conservatoire de musique d'Orange ; qu'elle demande l'annulation du jugement du 8 décembre 2005 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté comme étant irrecevable sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 6 décembre 2001 du maire d'Orange rejetant son recours gracieux tendant au retrait d'une décision du 27 septembre 2001 par laquelle il lui avait retiré son affectation en qualité de directrice du conservatoire de musique d'Orange et lui avait demandé de reprendre ses fonctions d'origine de professeur de piano ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant que, pour caractériser une mesure d'ordre intérieur, le juge doit rechercher si la mesure en cause ne porte atteinte ni aux prérogatives qu'un fonctionnaire tient de son statut ni à sa situation pécuniaire ; qu'en l'espèce, si le tribunal administratif s'est effectivement prononcé sur l'atteinte portée par la décision litigieuse aux prérogatives statutaires de Mme A, il ne pouvait, sans commettre d'erreur de droit, juger que cette décision constituait une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours, sans rechercher, si elle portait atteinte à la situation pécuniaire de l'intéressée, alors que cette dernière soutenait que cette décision avait eu pour objet et pour effet de diminuer ses responsabilités et son traitement ;

Considérant au surplus que le tribunal administratif, en jugeant que la décision du maire était une mesure d'ordre intérieur au seul motif qu'elle ne portait pas atteinte aux prérogatives que l'intéressée tenait de son statut, et en ne recherchant pas si cette décision avait été prise, comme le soutenait la requérante, en considération de sa personne, a commis une autre erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à demander l'annulation du jugement du 8 décembre 2005 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 6 décembre 2001 du maire d'Orange rejetant son recours gracieux tendant au retrait d'une décision du 27 septembre 2001 par laquelle il lui avait retiré son affectation en qualité de directrice du conservatoire de musique d'Orange et lui avait demandé de reprendre ses fonctions d'origine de professeur de piano ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant d'une part que la demande de Mme A a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Marseille le 12 février 2002, soit dans le délai de recours ; que par suite, la fin de non-recevoir tirée de sa tardiveté ne peut qu'être écartée ;

Considérant d'autre part qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des courriers du maire de la commune d'Orange, que le changement d'affectation dont a été l'objet Mme A est intervenu à raison de faits qui lui étaient reprochés dans l'exercice de ses fonctions, liés, notamment, à un manque de neutralité et de réserve dont elle aurait fait preuve dans le traitement du dossier de la sécurité de l'établissement, ainsi qu'à ses prises de position sur certains sujets et à l'affichage d'un courrier interne dans lequel elle alertait la municipalité sur les problèmes de sécurité ; qu'il a en outre eu pour effet de la priver de ses missions opérationnelles et de sa qualité de directrice du Conservatoire de musique ; que la décision du 27 septembre 2001 du maire d'Orange lui retirant son affectation en qualité de directrice du conservatoire de musique d'Orange constitue ainsi une sanction disciplinaire ; que par suite, Mme A est recevable et fondée à demander l'annulation de cette décision qui lui fait grief et qui est illégale pour ne pas avoir été précédée d'une procédure disciplinaire, ainsi que de la décision du 6 décembre 2001 rejetant son recours gracieux ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;

Considérant que l'annulation de la décision déchargeant Mme A de ses fonctions implique nécessairement qu'elle soit réaffectée dans cet emploi ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'enjoindre à la commune d'Orange de la réintégrer dans ses fonctions de directrice du Conservatoire de musique, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision sous peine d'une astreinte de 150 euros par jour de retard ;


Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Orange le versement de la somme de 3 000 euros que Mme A demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que la commune d'Orange demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;




D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du 8 décembre 2005 du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : La décision du maire de la commune d'Orange du 6 décembre 2001, ensemble sa décision du 27 septembre 2001, sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint à la commune d'Orange de réintégrer Mme A dans les fonctions de directrice du Conservatoire de musique dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision sous peine d'une astreinte de 150 euros par jour.
Article 4 : La commune d'Orange versera à Mme Marie-France A une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions présentées par la commune d'Orange au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme Marie-France A et à la commune d'Orange.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 14 mai. 2008, n° 290046
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Ménéménis
Rapporteur ?: M. Xavier Domino
Rapporteur public ?: M. Glaser Emmanuel
Avocat(s) : SCP LAUGIER, CASTON ; SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN

Origine de la décision
Formation : 3ème sous-section jugeant seule
Date de la décision : 14/05/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 290046
Numéro NOR : CETATEXT000018802776 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2008-05-14;290046 ?
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