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30/05/2008 | FRANCE | N°301574

France | France, Conseil d'État, 5ème sous-section jugeant seule, 30 mai 2008, 301574


Vu le pourvoi, enregistré le 13 février 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ; le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 21 décembre 2006 par lequel le tribunal administratif de Melun a annulé la décision du préfet du Val-de-Marne rejetant la réclamation préalable de la société immobilière 3F SA d'HLM relative au concours de la force publique pour procéder à l'expulsion des occupants d'un immeuble à

Thiais et a condamné l'Etat à verser à la société une indemnit...

Vu le pourvoi, enregistré le 13 février 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ; le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 21 décembre 2006 par lequel le tribunal administratif de Melun a annulé la décision du préfet du Val-de-Marne rejetant la réclamation préalable de la société immobilière 3F SA d'HLM relative au concours de la force publique pour procéder à l'expulsion des occupants d'un immeuble à Thiais et a condamné l'Etat à verser à la société une indemnité de 16 907,02 euros ;




Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Rousselle, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la société immobilière 3F SA D'HLM,

- les conclusions de Mme Catherine de Salins, Commissaire du gouvernement ;


Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par un jugement exécutoire du 13 mai 2003, le tribunal d'instance d'Ivry-sur-Seine a constaté la résiliation du contrat par lequel la société immobilière 3F SA d'HLM a donné à bail à Mme A un logement situé 8 rue des Grands Champs à Thiais et a ordonné en conséquence l'expulsion de Mme A ; que la société immobilière 3F SA d'HLM a demandé le 7 janvier 2004 au préfet du Val-de-Marne le concours de la force publique pour l'exécution de ce jugement ; que, par un accord signé le 17 novembre 2004 entre Mme A, la société immobilière 3F SA d'HLM et le préfet du Val-de-Marne, la société immobilière 3F SA d'HLM a accepté de suspendre les poursuites contre Mme A en contrepartie notamment de la reprise du paiement des loyers, de la mise en place d'un plan d'apurement de la dette locative, le préfet s'engageant pour sa part au rétablissement des allocations de logement ; que cet accord a été dénoncé le 14 avril 2005 par la société immobilière 3F SA d'HLM, du fait du non respect par Mme A des engagements qu'il comporte ;

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat sur la période allant du 16 mars 2004 au 16 novembre 2004 :

Considérant qu'aux termes de l'article 21 de la loi du 31 mai 1990 alors applicable, désormais codifié à l'article L. 613-3 du code de la construction et de l'habitation, « ...il doit être sursis à toute mesure d'expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu'au 15 mars de l'année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l'unité et les besoins de la famille » ; que si ces dispositions exigent des autorités de police qu'elles sursoient, au cours de cette période, à prêter le concours de la force publique en vue de l'expulsion d'un occupant sans titre ordonnée par l'autorité judiciaire, elles ne font pas obstacle à ce que l'administration soit valablement saisie pendant cette même période d'une demande de concours de la force publique dont le rejet est susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat ; que dès lors en jugeant que la société immobilière 3F SA d'HLM a valablement saisi le 7 janvier 2004 le préfet du Val-de-Marne d'une demande de concours de la force publique, et que la responsabilité de ce dernier se trouvait engagée à compter du 16 mars 2004, le tribunal administratif de Melun n'a pas commis d'erreur de droit ;

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat sur la période allant du 14 avril 2005 au 31 juillet 2006 :

Considérant qu'en concluant un protocole d'accord de prévention de l'expulsion comportant les engagements réciproques des parties, l'organisme bailleur manifeste sa volonté de renoncer à faire procéder à l'expulsion de l'occupant du logement ; qu'il s'ensuit qu'à compter de la conclusion du protocole, l'Etat n'a plus à prêter son concours à l'exécution de l'ordonnance d'expulsion, et ne peut voir sa responsabilité engagée à raison de son refus de prêter ce concours ; que si l'organisme bailleur retrouve le droit de poursuivre l'exécution de l'ordonnance une fois constatée la défaillance de l'occupant du logement à remplir ses engagements financiers, il appartient alors à l'organisme de requérir expressément le concours de la force publique pour cette exécution ; que le défaut de réponse à cette réquisition que peut prendre la forme de la renonciation au protocole -dans un délai de deux mois- équivaut à un refus, qui est de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que, dès lors, le tribunal administratif de Melun a commis une erreur de droit en estimant que la responsabilité de l'Etat s'est trouvée de nouveau engagée dès le 14 avril 2005, date à laquelle la société immobilière 3F SA d'HLM a dénoncé le protocole d'accord de prévention de l'expulsion de Mme A et requis de nouveau le concours de la force publique et a fixé le montant de l'indemnité due en y intégrant les pertes de loyers et charges correspondant à la période comprise entre le 28 février et le 28 avril 2005 ; que, par suite, le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES est fondé à demander l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut « régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie » ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que la responsabilité de l'Etat à raison de son refus d'accorder le concours de la force publique à l'exécution de l'ordonnance d'expulsion engagée pour la période allant du 16 mars au 16 novembre 2004, ne pouvait l'être à nouveau que le 14 juin 2005 au plus tôt, soit au terme d'un délai de deux mois à compter de la date du courrier constatant la défaillance de Mme A valant dénonciation du protocole ;

Sur le préjudice :

En ce qui concerne les pertes de loyers et charges :

Considérant que la société requérante est fondée à demander le paiement d'une indemnité pour les seuls dommages survenus pendant la période de responsabilité de l'Etat, soit du 16 mars 2004 au 16 novembre 2004 puis du 14 juin 2005 au 31 juillet 2006 ; qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de condamner l'Etat à verser à la société requérante, en ce qui concerne les pertes de loyers et charges, la somme de 15 361, 97 euros ;

En ce qui concerne les troubles de gestion :

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des troubles résultant de ce que la société n'a pu disposer librement de son bien en les fixant à la somme de 300 euros, tous intérêts compris à la date de la présente décision ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société immobilière 3F SA d'HLM au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;




D E C I D E :
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Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Melun en date du 21 décembre 2006 est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la société immobilière 3F SA une somme de 15 661, 97 euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la société immobilière 3F SA d'HLM tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES et à la société immobilière 3F SA d'HLM.


Synthèse
Formation : 5ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 301574
Date de la décision : 30/05/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 30 mai. 2008, n° 301574
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hubac
Rapporteur ?: M. Olivier Rousselle
Avocat(s) : SCP PEIGNOT, GARREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:301574.20080530
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