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06/06/2008 | FRANCE | N°299279

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 06 juin 2008, 299279


Vu le pourvoi du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, enregistré le 4 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'article 3 de l'arrêt du 19 octobre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, sur appel formé par la SA Solamat-Merex contre le jugement du 23 septembre 2002 du tribunal administratif de Marseille, a déchargé cette société des compléments de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes au titre de la pé

riode du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1995 ;

Vu les aut...

Vu le pourvoi du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, enregistré le 4 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'article 3 de l'arrêt du 19 octobre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, sur appel formé par la SA Solamat-Merex contre le jugement du 23 septembre 2002 du tribunal administratif de Marseille, a déchargé cette société des compléments de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes au titre de la période du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1995 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Anton, Auditeur,

- les observations de la SCP Choucroy, Gadiou, Chevallier, avocat de la SA Solamat-Merex,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en exécution d'une convention conclue avec sa société mère, la SA Solamat-Merex s'est engagée à verser à sa co-contractante une redevance forfaitaire en rémunération d'un ensemble de prestations d'assistance administrative, financière, technique et commerciale ; que l'administration n'a pas admis la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée à ce titre pendant la période du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1995, au motif que le montant de cette redevance n'était pas justifié par la réalité des diverses prestations d'assistance qu'elle avait pour vocation de rémunérer ; qu'après avoir été assujettie, à ce titre, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à l'issue de vérifications de comptabilité, la SA Solamat-Merex, après en avoir demandé le dégrèvement à l'administration, a saisi le tribunal administratif de Marseille qui n'a que partiellement fait droit à sa demande ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE se pourvoit en cassation contre l'article 3 de l'arrêt du 19 octobre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a accordé à cette société la décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes au titre de cette période ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts et de l'article 230 de l'annexe II à ce code, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services ; que dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ; que si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération ;

Considérant que la cour administrative d'appel de Marseille, en exigeant que l'administration établisse le caractère fictif des prestations reçues en contrepartie de la redevance versée sans rechercher si elle n'apportait pas des indices suffisants de leur inexistence, et, dans cette hypothèse, si la société apportait la preuve contraire, a méconnu les règles gouvernant la charge de la preuve et commis une erreur de droit ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est dès lors fondé à demander l'annulation de l'article 3 de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Sur le bien-fondé des compléments de taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SA Solamat-Merex a payé les factures correspondant à la redevance forfaitaire due à sa société mère et acquitté la taxe sur la valeur ajoutée pour les montants correspondants ; que l'administration a présenté des arguments tirés de ce que la société avait les moyens de réaliser elle-même les prestations supposées rendues en contrepartie des redevances versées, disposant notamment de son propre personnel en nombre suffisant et correctement rémunéré, et avait recours, pour certaines de ces prestations, à des sociétés extérieures au groupe ; que la circonstance que la redevance annuelle était destinée à rémunérer globalement un ensemble de services procurés par la société mère ne dispensait pas la SA Solamat-Merex de son obligation de justifier, le cas échéant, la réalité et l'ampleur des différentes prestations que cette redevance était censée rémunérer ; que si la société produit un rapport établi pour les besoins de la cause par un expert qu'elle a choisi, elle ne produit à l'appui de ce rapport aucun document propre à établir la nature, la consistance et l'importance des prestations de services d'assistance en matière administrative, financière, technique et commerciale dont la redevance était censée être la contrepartie ; que, dans ces conditions, la SA Solamat-Merex ne peut être regardée comme justifiant de la réalité des services d'assistance en matière administrative, financière, technique et commerciale fournis par la société mère ; que, toutefois, elle soutient, sans être contredite, avoir utilisé un logiciel informatique qui lui a été facturé, au prorata des filiales de sa société mère en ayant bénéficié, pour des montants de 539 000 F en 1993, 1 200 000 F en 1994 et 1 088 000 F en 1995 ; qu'elle doit ainsi être regardée comme ayant établi la réalité de ces prestations à hauteur de ces seuls montants ; que, par suite, elle est seulement en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont elle est redevable la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a acquittée pour le paiement des prestations au titre du bénéfice de ce logiciel informatique ; qu'ainsi, elle est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à la remise en cause de cette déduction ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à la SA Solamat-Merex au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 19 octobre 2006 est annulé.

Article 2 : La SA Solamat-Merex est déchargée des compléments de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondant à la taxe grevant des factures relatives à la mise à disposition d'un logiciel informatique, à hauteur de prestations s'élevant à 539 000 F du 1er janvier au 31 décembre 1993, 1 200 000 F du 1er janvier au 31 décembre 1994 et 1 088 000 F du 1er janvier au 31 décembre 1995.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 23 septembre 2002 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par la SA Solamat-Merex devant la cour administrative d'appel de Marseille est rejeté.

Article 5 : L'Etat versera à la SA Solamat-Merex la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et à la SA Solamat-Merex.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 06 jui. 2008, n° 299279
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Anton
Rapporteur public ?: M. Olléon Laurent
Avocat(s) : SCP CHOUCROY, GADIOU, CHEVALLIER

Origine de la décision
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Date de la décision : 06/06/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 299279
Numéro NOR : CETATEXT000018935356 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2008-06-06;299279 ?
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