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18/06/2008 | FRANCE | N°278663

France | France, Conseil d'État, 10ème sous-section jugeant seule, 18 juin 2008, 278663


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 juillet 2004 et 25 mars 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Rachid A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 20 janvier 2005 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé la décision du consul général de France à Annaba refusant la délivrance de visas de long séjour à ses trois soeurs et frère Meryem, Sabah et Abdelouahab A ;

2°) d'en

joindre au consul général de France à Annaba de délivrer les visas demandés sous ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 juillet 2004 et 25 mars 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Rachid A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 20 janvier 2005 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé la décision du consul général de France à Annaba refusant la délivrance de visas de long séjour à ses trois soeurs et frère Meryem, Sabah et Abdelouahab A ;

2°) d'enjoindre au consul général de France à Annaba de délivrer les visas demandés sous astreinte ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde et des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers en France ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;

Vu le décret n° 2000-1093 du 10 novembre 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Matt, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mlle Célia Verot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. A, de nationalité française, s'est vu confier par acte dit de kafala du 31 mars 2001, dressé par jugement du tribunal de N'Gaous (Algérie), l'autorité parentale sur ses trois soeurs et frère Meryem, Sabah et Abdelouahab A ; que ce jugement a été rendu exécutoire par une décision du tribunal de grande instance de Montpellier du 26 février 2004 ; que M. A a déposé une demande de visa de long séjour pour les trois enfants auprès du consul général de France à Annaba, qui a rejeté sa demande le 11 juillet 2004 ; que cette décision a fait l'objet d'un recours devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, qui a confirmé le rejet par décision du 20 janvier 2005 aux motifs que la délégation d'autorité parentale n'ouvrait pas droit à la délivrance d'un visa, qu'il n'était manifestement pas dans l'intérêt supérieur des enfants de quitter leurs parents chez lesquels ils résident en Algérie et que M. A n'établissait pas pouvoir assumer l'entretien permanent de trois personnes supplémentaires à son foyer ; que M. A demande l'annulation de cette décision ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

Considérant que, sous réserve d'éventuels motifs d'ordre public, l'intérêt supérieur de l'enfant est en principe de rejoindre son tuteur légal qui se trouve en France dès lors qu'il y a eu délégation de l'autorité parentale par jugement définitif d'une juridiction étrangère soumis à une mesure d'exequatur dans l'ordre juridique français ; que, par décision du 26 février 2004, le tribunal de grande instance de Montpellier a rendu exécutoire le jugement du tribunal de N'Gaous du 31 mars 2001 accordant la délégation de l'autorité parentale des trois enfants Meryem, Sabah et Abdelouahab à leur frère aîné, M. A ; qu'ainsi, en estimant qu'il était au contraire dans l'intérêt supérieur des enfants de rester auprès de leur famille en Algérie sans invoquer aucun motif d'ordre public qui soit de nature à justifier le refus de visa de long séjour qui a été opposé aux intéressés, la commission de recours contre les décisions de refus de visas d'entrée en France a commis une erreur de droit ;

Considérant il est vrai que, pour établir que la décision attaquée était légale, le ministre des affaires étrangères invoque, dans son mémoire en défense communiqué à M. A, un autre motif, tiré du risque de détournement de l'objet du visa en ce qui concerne Meryem et Sabah A, compte tenu de leur âge ;

Mais considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la commission des recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France aurait pris la même décision si elle avait entendu se fonder initialement sur ce motif ; qu'il n'y a, dès lors, pas lieu de procéder à la substitution demandée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est fondé à demander l'annulation de la décision du 20 janvier 2005 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; que si la présente décision n'implique pas nécessairement que le ministre des affaires étrangères et européennes délivre un visa aux trois soeurs et frère de M. A, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de lui enjoindre de réexaminer la situation des intéressés et de statuer sur leur demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision ; qu'il n'y a en revanche pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 20 janvier 2005 de la commission de recours contre les décisions de refus de visas d'entrée en France est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au ministre des affaires étrangères et européennes de réexaminer la situation de Meryem, Sabah et Abdelouahab A dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Rachid A, aux enfants Meryem, Sabah et Abdelouahab A, au ministre des affaires étrangères et européennes et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : 10ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 278663
Date de la décision : 18/06/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 jui. 2008, n° 278663
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Jean-Luc Matt

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:278663.20080618
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