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18/06/2008 | FRANCE | N°280271

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 18 juin 2008, 280271


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés les 6 mai et 6 septembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat présentés par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE ; le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 28 février 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a annulé, à la demande de l'EARL Freyermuth, d'une part, le jugement du 18 février 2003 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de la déc

ision du 2 octobre 1998 du préfet de la Marne lui refusant le bénéfi...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés les 6 mai et 6 septembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat présentés par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE ; le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 28 février 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a annulé, à la demande de l'EARL Freyermuth, d'une part, le jugement du 18 février 2003 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 octobre 1998 du préfet de la Marne lui refusant le bénéfice des aides compensatoires portant sur les surfaces cultivées en protéagineux, ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours gracieux, d'autre part, lesdites décisions ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de l'EARL Freyermuth ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement CEE n° 1765/92 du 30 juin 1992 ;

Vu le règlement CEE n° 3508/92 du 27 novembre 1992 ;

Vu le règlement CEE n° 3887/92 du 23 décembre 1992 modifié ;

Vu le décret n° 92-604 du 1er juillet 1992 ;

Vu le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Xavier Domino, Auditeur,

- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la société Earl Freyermuth,

- les conclusions de M. François Séners, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte des pièces soumises aux juges du fond que l'EARL Freyermuth a déposé une demande d'aide compensatoire à la surface pour l'année 1998 pour une superficie de 19,76 hectares constituée de plusieurs parcelles de terres situées sur l'îlot n° 7 de la carte cadastrale de la commune de Moivre ; que le contrôle effectué par les services de l'ONIC le 7 septembre 1998 a fait apparaître que seuls 2,01 hectares de cet îlot faisaient l'objet de cultures de protéagineux ; qu'après avoir constaté que la superficie ainsi déterminée faisait apparaître un écart de plus de 20 % par rapport à la surface déclarée, le préfet de la Marne a, en application de l'article 9 du règlement CEE du 23 décembre 1992, par une décision du 2 octobre 1998 confirmée après rejet du recours gracieux présenté au ministre, privé l'exploitant de toute aide « surface » au titre de l'année en cause ; que le ministre de l'agriculture et de la pêche se pourvoit contre l'arrêt en date du 28 février 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a annulé ces décisions ;

Considérant qu'aux termes de l'article 2 du règlement (CEE) n° 1765/92 du Conseil, en date du 30 juin 1992, instituant un régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables : « 1- Les producteurs communautaires de cultures arables peuvent revendiquer un paiement compensatoire (...)/ 2- (...)/ Le paiement compensatoire est accordé pour la superficie consacrée aux cultures arables ou au gel des terres (...) » ; qu'aux termes de l'article 6 du règlement (CEE) n° 3508/92 du Conseil, du 27 novembre 1992, établissant un système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aide communautaire : « 1- Pour être admis au bénéfice d'un ou plusieurs régimes communautaires soumis aux dispositions du présent règlement, chaque exploitant présente, pour chaque année, une demande d'aides ‘surfaces' (...) » ; qu'aux termes de l'article 8 du même règlement : « 1- L'Etat membre procède à un contrôle administratif des demandes d'aides (...) » ; qu'aux termes du paragraphe 2 de l'article 4 du règlement (CEE) 3887/92 de la Commission des communautés européennes du 23 décembre 1992 modifié portant modalités d'application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aide communautaire, applicable à la date de la décision litigieuse : « Après la date limite pour son introduction, la demande d'aides surfaces peut être modifiée à condition que l'autorité compétente reçoive les modifications au plus tard à la date prévue d'ensemencement (...) et que les conditions suivantes soient remplies : 1) en ce qui concerne les parcelles agricoles, les modifications ne peuvent être apportées que dans des cas particuliers dument justifiés comme, notamment, (...) l'achat ou la vente, ou la conclusion d'un contrat de location (...) » ; qu'aux termes du paragraphe 2 de l'article 9 du même règlement : « Lorsqu'il est constaté que la superficie déclarée dans une demande d'aides surfaces dépasse la superficie déterminée, le montant de l'aide est calculé sur la base de la superficie effectivement déterminée lors du contrôle. Toutefois, sauf cas de force majeure, la superficie effectivement déterminée est diminuée : / - de deux fois l'excédent constaté lorsque celui-ci est supérieur à 3 % ou à 2 hectares et égal à 10 % au maximum de la superficie déterminée ; / - de 30 % lorsque l'excédent constaté est supérieur à 10 % et égal à 20 % au maximum de la superficie déterminée./ Au cas où l'excédent constaté est supérieur à 20 % de la superficie déterminée, aucune aide liée à la superficie n'est octroyée. / Les diminutions susvisées ne sont pas appliquées si, pour la détermination de la superficie, l'exploitant prouve qu'il s'est correctement basé sur des informations reconnues par l'autorité compétente » ; qu'aux termes du paragraphe 4 de l'article 9 du même règlement, dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions litigieuses : « le calcul de la superficie maximale donnant droit aux paiements à la surface pour les producteurs de cultures arables est effectué sur la base de la superficie gelée effectivement déterminée et au prorata des différentes cultures » ;

Considérant que la cour administrative d'appel s'est fondée sur le fait que les cultures en protéagineux manquantes se trouvaient réparties sur les parcelles A 51, A 40, A 29 et A 41 en cours d'attribution à l'EARL dans le cadre d'une opération d'échange de terres avec un autre exploitant et que la réalité de cet échange était attestée par les pièces versées au dossier ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier qui lui était soumis que les actes notariés attestant de cet échange de parcelles n'étaient pas intervenus à la date de la décision attaquée ; qu'en se fondant ainsi sur un projet d'échange de parcelles qui n'avait pas encore abouti, la cour administrative d'appel a dénaturé les faits qui lui étaient soumis ; que le ministre est par suite fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative de régler l'affaire au fond ;

Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée a été prise en application de l'article 9 du règlement CEE n° 3887/92 du 23 décembre 1992 ; que l'article 8 de ce texte prévoit que « 3- Chaque Etat membre désigne l'autorité chargée d'assurer la coordination des contrôles prévus par le présent règlement » ; que l'article 4 du décret du 1er juillet 1992 portant charte de la déconcentration prévoit que « la circonscription départementale est l'échelon territorial de mise en oeuvre des politiques nationales et communautaires » ; qu'en vertu de l'article 15 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et les départements : « Le préfet prend les décisions dans les matières relevant des attributions des services déconcentrés de l'Etat dans la région ou dans le département » ; qu'il résulte de ces dispositions combinées que, contrairement à ce que soutient l'EARL Freyermuth, le préfet de la Marne était compétent pour prendre la décision contestée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions du règlement n° 3887/92/CE précité que, dans le cadre du contrôle qu'elle effectue, l'administration doit déterminer la superficie ouvrant droit aux aides, en ne prenant en compte que les parcelles déclarées et exactement désignées et vérifier si ces seules parcelles ont effectivement été consacrées aux cultures arables ou au gel des terres, conformément à la déclaration de l'exploitant ; que lorsque, à l'issue de ce contrôle, la superficie déclarée est supérieure à la superficie ainsi déterminée, l'administration est fondée à appliquer les mesures prévues à l'article 9 du règlement précité même dans le cas où cette différence proviendrait d'une erreur de l'exploitant dans la désignation des parcelles qu'il exploite et serait sans incidence sur la superficie effectivement mise en culture ou gelée ; qu'il résulte toutefois des dispositions précitées qu'il est loisible à l'intéressé, pour faire obstacle à l'application de ces mesures, de faire valoir que l'erreur commise dans la désignation des parcelles en cause ne lui est pas imputable mais provient d'informations reconnues par l'administration ou par un organisme professionnel désigné à cet effet ;

Considérant que l'existence d'un projet d'échange de parcelles entre deux exploitants n'est pas au nombre des motifs susceptibles d'exonérer l'EARL Freyermuth des sanctions prévues à l'article 9 du règlement précité au cas de défaut de déclaration ; qu'en l'absence de tout autre motif invoqué par l'entreprise, le préfet de la Marne était fondé à appliquer les sanctions prévues à l'article 9 du règlement précité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'EARL Freyermuth n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ;

Sur les conclusions de l'EARL Freyermuth tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'EARL Freyermuth demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;




D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 28 février 2005 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par l'EARL Freyermuth devant la cour administrative d'appel de Nancy et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE et à l'EARL Freyermuth.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 280271
Date de la décision : 18/06/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 jui. 2008, n° 280271
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Delarue
Rapporteur ?: M. Xavier Domino
Rapporteur public ?: M. Séners François
Avocat(s) : SCP BORE ET SALVE DE BRUNETON

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:280271.20080618
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