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27/06/2008 | FRANCE | N°296683

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 27 juin 2008, 296683


Vu le pourvoi sommaire et le pourvoi complémentaire, enregistrés les 22 août et 19 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Robert A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 22 juin 2006 en tant que la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir annulé le jugement du 4 juillet 2002 du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion et fait droit à ses conclusions d'appel, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 octobre 2000 du ministre de l'éducat

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Vu le pourvoi sommaire et le pourvoi complémentaire, enregistrés les 22 août et 19 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Robert A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 22 juin 2006 en tant que la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir annulé le jugement du 4 juillet 2002 du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion et fait droit à ses conclusions d'appel, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 octobre 2000 du ministre de l'éducation nationale refusant de faire droit à sa demande de révision de l'indice retenu pour le calcul de sa pension de retraite, à la condamnation de l'Etat à lui verser les rappels de pension correspondants augmentés des intérêts de retard capitalisés pour produire intérêts, à titre subsidiaire, à la condamnation de l'Etat à lui rembourser les retenues pour pension qu'il aurait versées à tort, et à ce qu'il soit enjoint à l'administration de calculer sa pension de retraite sur la base de l'indice majoré 970 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu la loi n° 72-659 du 13 juillet 1972 ;

Vu la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991 ;

Vu le décret n° 85-986 du16 septembre 1985 ;

Vu le décret n° 88-343 du 11 avril 1988 ;

Vu le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Gilles de la Ménardière, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Blanc, avocat de M. TESSIER,

- les conclusions de M. Luc Derepas, Commissaire du gouvernement ;





Considérant que, pour rejeter la demande de M. A tendant à l'annulation du refus de l'administration de réviser la base de calcul de sa pension pour tenir compte de la bonification indiciaire de 150 points d'indice nouveau majoré qu'il percevait en qualité de membre du corps des personnels de direction d'établissement d'enseignement ou de formation relevant du ministre de l'éducation nationale, la cour administrative d'appel de Bordeaux s'est fondée sur les dispositions de l'article 27 de la loi du 18 janvier 1991 relatives à la nouvelle bonification indiciaire des fonctionnaires et des militaires instituée à compter du 1er août 1990, alors que la bonification indiciaire attribuée aux personnels de direction des établissements précités est régie par le décret du 18 avril 1988, alors en vigueur, et constitue un élément du statut de ces personnels ; qu'elle a, ce faisant, commis une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête, l'article 2 de l'arrêt attaqué rejetant la demande de M. A doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler sur ce point l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions principales relatives à la révision de l'indice de traitement pris en compte dans la base de calcul de la pension de M. A :

Considérant, d'une part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 15 du code des pensions civiles et militaires de retraite : « Les émoluments de base sont constitués par les derniers émoluments soumis à retenue afférents à l'indice correspondant à l'emploi, grade, classe et échelon effectivement détenus depuis six mois au moins par le fonctionnaire ou militaire au moment de la cessation des services valables pour la retraite ou, dans le cas contraire, sauf s'il y a eu rétrogradation par mesure disciplinaire, par les émoluments soumis à retenue afférents à l'emploi, grade, classe et échelon antérieurement occupés d'une manière effective. (...) » ;

Considérant, d'autre part, qu'en vertu des dispositions des articles 1er et 28 du décret du 11 avril 1988, alors en vigueur, les personnels de direction occupant les emplois de direction des établissements d'enseignement ou de formation relevant du ministre de l'éducation nationale bénéficient, lorsqu'ils sont pourvus d'un emploi de direction d'établissement relevant de l'une des catégories fixées à l'article 28, d'une bonification indiciaire soumise à retenue pour pension civile ;

Considérant que M. A, titulaire du grade de personnel de direction de 2ème catégorie, 1ère classe, a occupé, du 1er septembre 1990 au 31 août 1993, les fonctions de proviseur du lycée professionnel Saint-André à la Réunion, au titre desquelles il a bénéficié d'une bonification indiciaire de 150 points d'indice nouveau majoré compte tenu de l'importance de l'établissement dirigé ; qu'à compter du 1er septembre 1993, il a été détaché auprès du ministre de la coopération pour participer à une mission de coopération en qualité d'inspecteur régional de la vie scolaire au Cameroun jusqu'à la date de sa mise à la retraite, le 1er septembre 2000 ; qu'il résulte de l'instruction que le requérant a continué de percevoir du ministère de la coopération un traitement majoré de la bonification de 150 points afférente à son ancien emploi de directeur d'établissement ; que sa pension de retraite a été calculée sur la base des émoluments afférents au 11ème échelon du grade de personnel de direction de 2ème catégorie, 1ère classe, qu'il détenait dans son administration d'origine, correspondant à l'indice nouveau majoré 820, sans prendre en compte la bonification de 150 points qui lui avait été attribuée en sa qualité de proviseur de lycée professionnel ;

Considérant, en premier lieu, que, durant son détachement auprès du ministre de la coopération, M. A n'exerçait pas de fonction de direction dans un établissement d'enseignement ou de formation relevant de l'éducation nationale, ouvrant droit au bénéfice d'une bonification indiciaire dans les conditions prévues à l'article 28 du décret du 11 avril 1988 ; qu'il ne pouvait, dès lors, prétendre à ce titre, continuer à percevoir la bonification indiciaire qui lui avait été allouée dans son corps d'origine ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'article R. 76 du code des pensions civiles et militaires de retraite prévoit que lorsque le fonctionnaire détaché dans un emploi conduisant à pension a acquitté jusqu'à la date de sa radiation des cadres la retenue pour pension sur le traitement afférent à cet emploi, la liquidation de la pension est effectuée sur la base des émoluments ; qu'il est constant que M. A avait été détaché en tant qu'inspecteur régional de la vie scolaire au Cameroun non sur un emploi de l'Etat conduisant à pension du code des pensions civiles et militaires de retraite en application du 1° de l'article 14 du décret du 16 septembre 1985 mais pour participer, en application du 3° de l'article 14 du même décret, à une mission de coopération au titre de la loi du 13 juillet 1972 relative à la situation du personnel civil de coopération culturelle, scientifique et technique auprès d'Etats étrangers ; qu'il ne peut, par suite, se prévaloir de l'article R. 76 pour demander la prise en compte, au titre de son droit à pension, des émoluments correspondant à la bonification de 150 points d'indice que le ministre de la coopération avait continué de lui allouer durant son détachement ;

Considérant, toutefois, qu'en vertu des dispositions de l'article D. 15 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction, alors en vigueur : « Les fonctionnaires nommés soit à l'un des emplois énumérés à l'article L. 15 (4ème alinéa), soit à l'un des emplois permanents de l'Etat ne correspondant pas à un grade et figurant sur une liste établie par arrêté conjoint du ministre (...), et détachés en application de l'article 1er (3° [...]) du décret n° 59-309 du 14 février 1959 peuvent, sur demande formulée dans un délai d'un an à compter de la date de la décision du détachement, continuer à acquitter la retenue pour pension sur la base des émoluments afférents auxdits emplois » ; que, conformément à l'article L. 15 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en pareil cas, la pension est alors calculée sur la base des émoluments correspondants ; que les dispositions du 3° de l'article 1er du décret du 14 février 1959 sont relatives au détachement pour participer à une mission de coopération au titre de la loi du 13 juillet 1972, position dans laquelle avait été placé M. A ; qu'il résulte de l'instruction que M. A avait demandé, le 12 août 1993 que durant son détachement au Cameroun la retenue pour pension à précompter, fût opérée sur l'indice détenu dans son corps d'origine ; que l'administration, saisie de cette demande avant l'expiration du délai d'un an mentionné à l'article D. 15, était tenue d'y statuer et d'y faire droit, alors même que l'intéressé n'avait pas expressément mentionné se fonder sur cet article ; qu'il suit de là que le ministre de l'éducation nationale ne pouvait légalement refuser de réviser la pension de M. A et de calculer celle-ci sur la base des émoluments correspondant à l'emploi détenu dans son corps d'origine soit à l'indice 820, majoré de 150 points ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A est fondé à demander l'annulation de la décision du ministre de l'éducation nationale du 11 octobre 2000 et le versement des rappels de pension correspondants ;

Considérant que M. A a droit aux intérêts légaux à compter de la présentation de sa demande introductive d'instance, soit le 14 décembre 2000 ; que, pour l'application des dispositions de l'article 1154 du code civil, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond mais ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que M. A a demandé la capitalisation des intérêts dans sa demande introductive d'instance ; que cette demande prend effet à compter du 14 décembre 2001, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la présente décision implique nécessairement que le ministre de l'éducation nationale révise la pension de M. A en retenant l'indice nouveau majoré 970 ; que, dès lors, il y a lieu de prescrire au ministre de procéder à cette révision et au versement des rappels correspondants, assortis des intérêts capitalisés comme il vient d'être dit, dans un délai de deux mois ; qu'il n'y a cependant pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par le requérant ;

Sur les conclusions subsidiaires de M. A tendant à ce que l'Etat lui rembourse certaines retenues opérées sur son traitement :

Considérant que, dès lors que la présente décision fait droit aux conclusions principales de M. A, il n'y a pas lieu de statuer sur ses conclusions subsidiaires ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;



D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 22 juin 2006 est annulé.
Article 2 : La décision du ministre de l'éducation nationale du 11 octobre 2000 est annulée.
Article 3 : Le ministre procèdera dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision à la révision de la pension de M. A en retenant comme base de liquidation l'indice majoré 970.
Article 4 : Les rappels versés en exécution de l'article 3 produiront intérêt à compter du 14 décembre 2000. Les intérêts échus à la date du 14 décembre 2001, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 5 : L'Etat versera à M. A une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Robert A, au ministre de l'éducation nationale et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 27 jui. 2008, n° 296683
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Gilles de la Ménardière
Rapporteur public ?: M. Derepas Luc
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Date de la décision : 27/06/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 296683
Numéro NOR : CETATEXT000019081237 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2008-06-27;296683 ?
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