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27/06/2008 | FRANCE | N°311638

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 27 juin 2008, 311638


Vu la requête, enregistrée le 18 décembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mlle Valérie A, demeurant ... et M. et Mme Maurice A, demeurant ... ; Mlle A et M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret du 24 juillet 2007 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux de construction de l'autoroute A 406, contournement sud de Mâcon, entre la RN 79 à Varennes-lès-Mâcon et l'autoroute A 40 à Replonges, et du barreau routier entre la RD 1079 (diffuseur de Replonges) et la RD 933 (demi-diffuseur A 406),

sur le territoire des communes de Crottet, Grièges, Replonges et Sai...

Vu la requête, enregistrée le 18 décembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mlle Valérie A, demeurant ... et M. et Mme Maurice A, demeurant ... ; Mlle A et M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret du 24 juillet 2007 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux de construction de l'autoroute A 406, contournement sud de Mâcon, entre la RN 79 à Varennes-lès-Mâcon et l'autoroute A 40 à Replonges, et du barreau routier entre la RD 1079 (diffuseur de Replonges) et la RD 933 (demi-diffuseur A 406), sur le territoire des communes de Crottet, Grièges, Replonges et Saint-André-de-Bâgé dans le département de l'Ain, et Mâcon et Varennes-lès-Mâcon dans le département de Saône-et-Loire, et portant mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme des communes de Crottet, Grièges, Replonges et Saint-André-de-Bâgé dans le département de l'Ain, et des communes de Mâcon et Varennes-lès-Mâcon dans le département de Saône-et-Loire, ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux contre ce décret ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yves Doutriaux, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;



Sur l'intervention de l'Association de protection du Val lamartinien et du site de Cluny :

Considérant que l'Association de protection du Val lamartinien et du site de Cluny a intérêt à l'annulation du décret attaqué ; qu'ainsi son intervention est recevable ;

Sur le moyen tiré de l'absence d'une enquête complémentaire :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-27 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : « Si le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête propose, en accord avec l'expropriant, un changement au tracé et si le changement rend nécessaire l'expropriation de nouvelles surfaces de terrains bâties ou non bâties, avertissement en est donné collectivement et individuellement (...). / Pendant un délai de huit jours à dater de cet avertissement, le procès-verbal et le dossier restent déposés à la mairie ; les intéressés peuvent fournir leurs observations (...). / A l'expiration de ce délai, le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête fait connaître à nouveau, dans un délai maximum de huit jours, ses conclusions et transmet le dossier au préfet ou au sous-préfet. » ;

Considérant que le moyen tiré de ce que le décret du 24 juillet 2007 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux de construction de l'autoroute A 406, contournement sud de Macon, entre la RD 79 et l'autoroute A 40, aurait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence d'enquête complémentaire en méconnaissance de l'article R. 11-27 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est inopérant dès lors que ces dispositions sont applicables non à l'acte déclaratif d'utilité publique mais à l'arrêté de cessibilité ;

Sur le moyen tiré de l'insuffisance de l'appréciation sommaire des dépenses :

Considérant que, selon l'article R. 11-3-I de ce même code, le dossier soumis à enquête lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages contient une appréciation sommaire des dépenses ; que l'obligation ainsi faite par ces dispositions à l'autorité qui poursuit la déclaration d'utilité publique de travaux ou d'ouvrages a pour but de permettre à tous les intéressés de s'assurer que ces travaux ou ouvrages, compte tenu de leur coût total réel, tel qu'il peut être raisonnablement apprécié à l'époque de l'enquête, ont un caractère d'utilité publique ; qu'il ressort des pièces du dossier que, lors de l'enquête publique réalisée du 19 décembre 2005 au 27 janvier 2006, le dossier soumis au public comprenait le montant de la dépense totale prévisible, estimée à 137,54 millions d'euros aux conditions économiques de janvier 2001, laquelle n'avait pas à inclure les dépenses relatives au « 1 % paysage et développement » qui concernent des espaces situés à l'extérieur de l'emprise routière ; que ce montant incluait le coût des acquisitions foncières estimé par les services des domaines à 1,52 million d'euros ; que, si les requérants font valoir que cette évaluation des dépenses est insuffisante et aurait dû être réévaluée, il n'est pas établi qu'une sous-évaluation manifeste entacherait la régularité de l'enquête publique ;

Sur le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact :

Considérant que, si le décret litigieux a apporté certaines modifications au projet soumis à enquête, notamment en prévoyant le déplacement d'une vingtaine de mètres vers le sud-est du barreau routier reliant le point d'échange entre l'A 406 et la RD 933, d'une part, et le carrefour entre la RN 79 et la RN 179, d'autre part, cette modification n'entraîne pas de changements substantiels dans l'économie générale du projet et répond au souhait de dégager au maximum les zones urbanisées des hameaux du Molard et de Romanèche, repris dans une réserve de la commission d'enquête ; que, dans ces conditions, il n'y avait pas lieu de procéder à une nouvelle étude d'impact ;

Considérant que le bénéficiaire de l'expropriation n'a pas l'obligation de mentionner au dossier d'enquête les projets qui, d'une part, auraient été élaborés en dehors de lui et qui, d'autre part, n'auraient pas fait l'objet d'une étude par ses soins ; qu'ainsi l'Etat n'était pas tenu de mentionner au dossier de l'enquête le projet de construction du pont urbain sud de Mâcon, qui n'a pas fait l'objet d'une étude par ses soins et dont le maître d'ouvrage est le département de l'Ain ;

Considérant que, si les requérants estiment que l'étude d'impact du projet sur la qualité de l'air, qui conclut que la réalisation de l'A 406 n'aura pas d'incidence significative sur la qualité de l'air en 2027, est manifestement insuffisante, ils n'apportent à l'appui de ce moyen aucun élément permettant d'en apprécier le bien fondé ;

Sur le moyen tiré du défaut d'utilité publique :

Considérant qu'un projet ne peut légalement être déclaré d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'il comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'il présente ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux permet d'améliorer les liaisons entre la façade atlantique et le centre de l'Europe, de moderniser les liaisons routières entre le bassin de la Loire et le bassin Rhône-Saône et d'assurer sur la RD 1079 des conditions de circulation satisfaisantes pour les usagers ;

Considérant que son coût, qui s'élève à 137,54 millions d'euros soit 12,856 millions d'euros par kilomètre en tenant compte des 9 km de la section de l'A 406 et 1,7 km du barreau routier, comprend le financement d'environ dix ouvrages pour le rétablissement des voies routières, un ouvrage d'art pour rétablir la voie ferroviaire, un viaduc permettant le franchissement de la Saône, des pont cadres qui permettront le franchissement d'autres rivières ou écoulements d'eau et cinq ouvrages de décharge des eaux ; qu'il n'est pas excessif par rapport à l'intérêt général que représente cette opération ;

Considérant que si les requérants font valoir les atteintes excessives à la propriété privée du fait notamment des nuisances phoniques apportées par le projet, il ressort des pièces du dossier que le concessionnaire de l'infrastructure surveillera les niveaux acoustiques en vue du bilan environnemental requis après la mise en service de l'ouvrage et que des protections phoniques spécifiques seront mises en place afin que ces niveaux acoustiques respectent le seuil réglementaire inférieur à 55 décibels de nuit entre 22 heures et 6 heures ; que, si les requérants font valoir les risques du projet pour la santé publique, ils n'apportent pas d'éléments de nature à démontrer leur affirmation ; que l'impact sur l'environnement, en particulier sur l'espèce protégée du râle des genêts, n'est pas de nature à retirer à l'opération son caractère d'utilité publique, compte-tenu des mesures prises pour limiter cet impact ; qu'ainsi le moyen tiré du défaut d'utilité publique du projet doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mlle A ainsi que M. et Mme A ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mlle A et M. et Mme A demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention de l'Association de protection du Val lamartinien et du site de Cluny est admise.
Article 2 : La requête de Mlle A et de M. et Mme A est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mlle Valérie A, à M. et Mme Maurice A, à l'Association de protection du Val lamartinien et du site de Cluny, au Premier ministre et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 311638
Date de la décision : 27/06/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2008, n° 311638
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: M. Yves Doutriaux
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave Emmanuelle

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:311638.20080627
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