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11/07/2008 | FRANCE | N°306143

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 11 juillet 2008, 306143


Vu, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er juin et 3 septembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Arlette A, demeurant ... ; la requérante demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 27 mars 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 22 juillet 2005 du tribunal administratif de Saint-Denis rejetant sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 15 000 000 euros, avec intérêts au

taux légal à compter du 29 novembre 2003, en réparation des conséquen...

Vu, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er juin et 3 septembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Arlette A, demeurant ... ; la requérante demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 27 mars 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 22 juillet 2005 du tribunal administratif de Saint-Denis rejetant sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 15 000 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2003, en réparation des conséquences dommageables de son admission dans le service de l'aide sociale à l'enfance de La Réunion, puis de son placement, en 1966 en métropole et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser cette indemnité ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la famille et de l'aide sociale ;

Vu la loi du 10 août 1871 relative aux conseils généraux, notamment son article 46 ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu la loi n° 74-631 du 5 juillet 1974 ;

Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Christine Grenier, chargée des fonctions de Maître des requêtes,

- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de Mme A,

- les conclusions de Mlle Anne Courrèges, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requérante a fait l'objet d'une mesure de placement au sein du service de l'aide sociale à l'enfance de La Réunion en qualité d'enfant « recueilli temporairement» par une décision du préfet de ce département du 29 septembre 1966, avant d'être placée, la même année, en France métropolitaine ; qu'elle demande la réparation à l'Etat des préjudices subis en raison de son admission au service de l'aide sociale à l'enfance de La Réunion et de son placement en métropole ; que la cour administrative d'appel de Bordeaux, par un arrêt du 27 mars 2007, a confirmé le jugement du 22 juillet 2005 du tribunal administratif de Saint-Denis, rejetant sa demande ; que la requérante se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

Considérant, en premier lieu, que si la requérante soulève le moyen tiré de ce que la cour administrative d'appel aurait entaché son arrêt d'illégalité, faute d'avoir vérifié la compétence du signataire du mémoire en défense, le défaut allégué de qualité du secrétaire général de la préfecture de La Réunion pour opposer la prescription quadriennale à sa demande, qui n'était pas invoqué dans ses écritures, ne ressortait pas des pièces qui étaient soumises aux juges du fond ; que, dès lors, ce moyen que ces derniers ne pouvaient relever d'office et qui est présenté pour la première fois en cassation n'est pas recevable ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : « Sont prescrites au profit de l'Etat, des départements et des communes (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis » ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : « La prescription ne court (...) ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance (...) » ; que le point de départ de la prescription quadriennale est la date à laquelle la victime est en mesure de connaître l'origine du dommage ou du moins de disposer d'indications suffisantes selon lesquelles ce dommage pourrait être imputable au fait de l'administration ;

Considérant, d'une part, qu'après avoir relevé que le rapport de l'inspection générale des affaires sociales d'octobre 2002 sur la situation d'enfants réunionnais placés en métropole dans les années 1960 et 1970 ne comportait aucune référence à la situation personnelle de la requérante, la cour a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine en estimant que l'intéressée pouvait, dès la date de sa majorité à laquelle les mesures de placement ont pris fin, soit dès l'année 1971, percevoir la nature et la portée des dommages qu'elle invoque et s'informer sur les circonstances dans lesquelles elle avait été placée au sein du service de l'aide sociale à La Réunion ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier soumises aux juges du fond que la requérante ait entrepris de telles démarches avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juillet 1978 et se soit heurtée à des obstacles de la part de l'administration ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la cour aurait entaché son arrêt d'une dénaturation des pièces du dossier et des faits de l'espèce en jugeant qu'elle aurait pu, dès sa majorité, obtenir de telles informations, ne peut qu'être écarté ; qu'en jugeant, par suite, que la requérante ne pouvait être regardée comme ayant légitimement ignoré l'origine de la créance dont elle disposait à l'encontre de l'administration en raison des préjudices allégués avant que ne soit publié le rapport précité en octobre 2002, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant, d'autre part, que, contrairement à ce que soutient la requérante, la circonstance que les troubles dans les conditions d'existence et le préjudice moral dont elle fait état n'auraient pas pris fin au moment de l'introduction de sa demande devant le tribunal administratif est, par elle-même, sans incidence sur la date à partir de laquelle a couru le délai de la prescription quadriennale ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en déduisant de ces éléments que le délai de la prescription quadriennale avait commencé à courir au début de l'exercice suivant celui au cours duquel la requérante avait atteint sa majorité, la cour administrative d'appel, qui a suffisamment motivé son arrêt, n'a pas donné aux faits de l'espèce une qualification juridique erronée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de Mme A doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de Mme A est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Arlette A et au ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 306143
Date de la décision : 11/07/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 11 jui. 2008, n° 306143
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: Mme Christine Grenier
Rapporteur public ?: Mlle Courrèges Anne
Avocat(s) : SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:306143.20080711
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