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25/07/2008 | FRANCE | N°260428

France | France, Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 25 juillet 2008, 260428


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 septembre 2003 et 22 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE CAPE SOCAP, dont le siège est 1, rampe Saint-Prix à Saint-Quentin (02100) ; la SOCIETE CAPE SOCAP demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 22 juillet 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, à la demande du ministre de l'emploi et de la solidarité, a annulé le jugement du 31 mai 2001 du tribunal administratif d'Amiens qui avait condamné l'Etat à lui verser la somme d

e 289 550 F (44 141,61 euros) en indemnisation des préjudices résult...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 septembre 2003 et 22 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE CAPE SOCAP, dont le siège est 1, rampe Saint-Prix à Saint-Quentin (02100) ; la SOCIETE CAPE SOCAP demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 22 juillet 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, à la demande du ministre de l'emploi et de la solidarité, a annulé le jugement du 31 mai 2001 du tribunal administratif d'Amiens qui avait condamné l'Etat à lui verser la somme de 289 550 F (44 141,61 euros) en indemnisation des préjudices résultant de l'application d'un arrêté illégal du 14 mai 1997 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 410 899 F (215 090 euros) ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le décret n° 96-98 du 7 février 1996 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laure Bédier, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Le Prado, avocat de la SOCIETE CAPE SOCAP,

- les conclusions de Mlle Anne Courrèges, Commissaire du gouvernement ;

Sur les interventions de MM. A et B :

Considérant que MM. A et B ont intérêt en tant respectivement que commissaire à l'exécution du plan de redressement judiciaire et représentant des créanciers de la SOCIETE CAPE SOCAP à l'annulation de l'arrêt attaqué ; qu'ainsi, leur intervention est recevable ;

Sur le pourvoi :

Considérant que, par un arrêté en date du 14 mai 1997, les ministres du travail et de l'agriculture ont imposé aux entreprises effectuant des activités de confinement et de retrait d'amiante friable l'obtention préalable d'un certificat attribué, le cas échéant à titre probatoire, par un organisme accrédité à cet effet ; que cet arrêté a été annulé, pour incompétence, par une décision du 3 octobre 1997 du Conseil d'Etat statuant au contentieux ;

Considérant que toute illégalité fautive est, comme telle, et quelle qu'en soit la nature, susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat dès lors qu'elle est à l'origine des préjudices subis ; que les circonstances que les mesures réglementaires édictées par l'arrêté du 14 mai 1997 avaient pour objet d'assurer une meilleure sécurité des travailleurs intervenant sur des chantiers de désamiantage, qu'elles avaient dès lors un caractère d'urgence, que l'intention de les prendre avait été annoncée plusieurs mois auparavant et qu'elles ont au demeurant été légalement reprises par un décret et un arrêté en date du 26 décembre 1997 ne permettaient pas aux juges du fond d'écarter l'existence d'un lien de causalité entre les préjudices invoqués par la SOCIETE CAPE SOCAP et l'application pendant la période en cause de cette réglementation illégale, qui ne résultait pas directement des dispositions législatives et réglementaires en vigueur relatives à la protection des travailleurs intervenant sur des chantiers de désamiantage et que les autorités compétentes n'étaient pas tenues de prendre ; que, dès lors, en estimant que les préjudices subis par la SOCIETE CAPE SOCAP trouvaient leur cause dans l'application même des mesures réglementaires litigieuses et non dans le vice d'incompétence dont était entaché l'arrêté par lequel ces mesures ont été initialement instituées et en en déduisant que ces préjudices n'étaient pas imputables à une faute de l'Etat, la cour administrative d'appel de Douai a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que cet arrêt doit, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur le principe de la responsabilité :

Considérant que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la circonstance que la procédure de certification préalable par un organisme accrédité des entreprises intervenant sur des chantiers de désamiantage a été instituée en vue de renforcer rapidement la protection de la santé des salariés de ces entreprises est sans incidence sur l'existence d'un lien de causalité entre l'illégalité de l'arrêté du 14 mai 1997 par lequel cette réglementation a été initialement prévue et le préjudice résultant de son application ; que sont de même sans incidence à cet égard les circonstances qu'une certification pouvait être obtenue rapidement, le cas échéant, à titre probatoire, et que la société aurait pu anticiper l'entrée en vigueur de l'arrêté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a retenu le principe de la responsabilité de l'Etat à l'égard de la SOCIETE CAPE SOCAP ;

Sur le montant de la réparation :

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que l'offre de la SOCIETE CAPE SOCAP pour le chantier Commercial Union France Neuilly a été écartée, alors même qu'elle était la moins-disante, au seul motif qu'elle ne disposait pas du certificat de qualification ; que le lien de causalité entre le préjudice qui en résulte et l'illégalité de l'arrêté du 14 mai 1997 étant ainsi établi, le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a fait droit à la demande de la société sur ce point en lui allouant la somme, non contestée dans son montant, de 289 550 F (44 141,61 euros) ;

Considérant, d'autre part, que la SOCIETE CAPE SOCAP demande, par la voie de l'appel incident, la réparation de la totalité des préjudices résultant des autres pertes de commandes et rejets de ses candidatures et offres à des marchés publics au cours de la période d'application de l'arrêté illégal, de l'interruption de son activité pendant cette période, du coût de la rupture de contrats de travail, des frais d'étude et de conseil et de dégradation de sa notoriété ;

Considérant, en premier lieu, qu'en ce qui concerne les marchés de désamiantage de la chaufferie de l'Ecole Jacques Dulud à Neuilly-sur-Seine, des locaux de la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix et d'un hangar de la base aérienne d'Orléans, il résulte de l'instruction que les préjudices invoqués par la société requérante trouvent directement leur origine dans sa disqualification du fait de l'absence du certificat exigé par l'arrêté du 15 mai 1997 et sont donc imputables à l'illégalité de cet arrêté ; qu'en l'absence de toute contestation par le ministre des chiffres avancés par la société requérante, il y a lieu de fixer à 37 952 euros le montant du préjudice indemnisable à ces différents titres ;

Considérant, en deuxième lieu, que si la SOCIETE CAPE SOCAP fait état d'autres commandes non obtenues ou rejets de candidatures à des marchés publics, il ne résulte pas de l'instruction que la perte de ces affaires résulte directement de l'application de l'arrêté du 14 mai 1997 ; que, dès lors, faute de lien de causalité entre l'illégalité entachant cet arrêté et les préjudices qu'elle invoque, la société requérante n'est pas fondée à en demander réparation à ce titre ;

Considérant, en troisième lieu, que si la SOCIETE CAPE SOCAP soutient qu'elle a subi un préjudice du fait de l'interruption de son activité de désamiantage pendant la période d'application de l'arrêté illégal, ce préjudice n'est pas distinct de celui résultant de la perte de commandes ou du rejet de candidatures à des marchés publics ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le licenciement du directeur commercial avant la fin de sa période d'essai, et celui d'un chef de chantier, engagé avant l'adoption de la réglementation sur l'amiante de 1996, soient directement liés à la mise en place de l'exigence de certification par l'arrêté du 14 mai 1997 ; que la requérante n'apporte pas d'éléments permettant d'établir la réalité du préjudice de notoriété qu'elle impute à l'interruption de son activité de désamiantage pendant la période d'application de cet arrêté ; qu'enfin, les frais d'étude et de conseil qu'elle a dû exposer pour évaluer le préjudice subi ne sont pas distincts de ceux que les sommes demandées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ont vocation à compenser ; que, dès lors, la société requérante n'est pas fondée à demander réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à ces différents titres ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, dans les circonstances de l'espèce, le préjudice dont la SOCIETE CAPE SOCAP est en droit d'obtenir réparation doit être évalué à un montant total de 82 093,61 euros ; que, par suite, la SOCIETE CAPE SOCAP est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a limité à 44 141,61 euros le montant de l'indemnité mise à la charge de l'Etat ;

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SOCIETE CAPE SOCAP de la somme de 4 500 euros au titre des instances d'appel et de cassation ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les interventions de MM. A et B sont admises.

Article 2 : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai en date du 22 juin 2003 est annulé.

Article 3 : La somme de 44 141,61 euros (289 550 F) que l'Etat a été condamné à verser à la SOCIETE CAPE SOCAP par le jugement du tribunal administratif d'Amiens en date du 31 mai 2001 est portée à 82 093,61 euros.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 31 mai 2001 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 5 : Le recours du ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité devant la cour administrative d'appel de Douai et le surplus des conclusions de l'appel incident de la SOCIETE CAPE SOCAP sont rejetés.

Article 6 : L'Etat versera à la SOCIETE CAPE SOCAP la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CAPE SOCAP, à M. Richard A, à M. François B et au ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.


Synthèse
Formation : 1ère sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 260428
Date de la décision : 25/07/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 25 jui. 2008, n° 260428
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: Mme Laure Bédier
Rapporteur public ?: Mlle Courrèges Anne
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:260428.20080725
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