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25/07/2008 | FRANCE | N°317085

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 25 juillet 2008, 317085


Vu la requête, enregistrée le 12 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Miah A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 20 février 2007 des autorités consulaires françaises à Dacca (Bangladesh) refusant la délivrance d'un visa pour son épouse et s

es deux enfants ;

2°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnell...

Vu la requête, enregistrée le 12 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Miah A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 20 février 2007 des autorités consulaires françaises à Dacca (Bangladesh) refusant la délivrance d'un visa pour son épouse et ses deux enfants ;

2°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer la demande de visa sollicité dans un délai de 15 jours à compter de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros qui sera versée à la SCP Alain-François Roger et Anne Sevaux sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, cette société renonçant dans cette hypothèse à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;

il soutient que l'urgence résulte de l'éloignement imposé à son épouse et à ses deux enfants depuis plus de cinq ans ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; qu'elle est entachée d'insuffisance de motivation ; qu'elle est entachée d'une erreur d'appréciation dans la mesure où le requérant a fourni des documents officiels exposant sa situation familiale ; que l' office français de protection des réfugiés et apatrides lui a délivré un acte de mariage qui a valeur d'acte authentique en vertu de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision attaquée porte une atteinte grave au droit à une vie privée et familiale normale tel que garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la copie du recours présenté le 3 avril 2007 à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu la copie de la requête en annulation présentée pour M. A ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2008, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors que le requérant ne prouve pas avoir entretenu des relations avec son épouse et ses enfants depuis son arrivée en France ; qu'il n'y a pas de doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; qu'en effet le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision consulaire est inopérant à l'égard de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ; que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation n'est pas fondé dans la mesure où les documents produits à l'appui de la demande de visa se sont révélés être des faux ; que lors de sa première déclaration à l'office français de protection des réfugiés et apatrides, M. A n'a pas déclaré avoir d'enfants ; qu'au stade du présent recours, le requérant produit de nouveaux actes dont les références divergent de ceux produits initialement ; qu'en outre, la décision n'a pas porté d'atteinte excessive au respect de la vie privée et familiale du requérant dans la mesure où les liens familiaux ne sont pas établis et où il n'est pas prouvé que M. A entretienne des relations régulières avec les personnes présentées comme son épouse et ses deux enfants ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A et d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du mardi 22 juillet 2008 à 12 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Roger, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation avocat du requérant ;

- M. A ;

- les représentants de M. A ;

- la représentante du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A, ressortissant du Bangladesh, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par décision de la commission des recours des réfugiés en date du 15 avril 2005 ; qu'il a demandé le bénéfice du rapprochement familial au profit de son épouse et de ses deux enfants ; que, par décision du 20 février 2007, les autorités consulaires françaises à Dacca (Bangladesh) ont refusé de délivrer des visas aux motifs, d'une part, que l'acte de mariage produit serait apocryphe, et d'autre part, que les actes de naissance des enfants auraient été délivrés par une autorité inexistante ; que M. A demande la suspension de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre cette décision ;

Considérant, d'une part, que le moyen tiré de ce que l'acte d'état civil concernant M. A, établi par l'office français de protection des réfugiés et apatrides, et qui mentionne son mariage, a un caractère authentique en vertu de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, nonobstant la contestation par les autorités consulaires, sur le fondement de l'article L. 111-6 du même code, de l'authenticité des actes d'état civil étrangers ayant le même objet, paraît, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité du refus de visa opposé à l'épouse de M. A ;

Considérant, d'autre part, qu'eu égard aux justificatifs présentés devant le juge des référés, le moyen tiré de ce que la naissance des deux enfants de M. A a été enregistrée auprès des services de l'état civil au Bangladesh paraît, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité du refus de visa opposé à ces enfants ;

Considérant, enfin, qu'eu égard au délai écoulé depuis l'entrée en France de M. A, lequel envoie mensuellement à son épouse des mandats à titre de soutien financier, la condition d'urgence doit être regardée comme satisfaite ; que, par suite, M. A est fondé à demander la suspension de la décision contestée ;

Considérant qu'il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer les demandes de visas présentées pour l'épouse et les enfants de M. A, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance ;

Considérant que M. A a demandé le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; qu'il y a lieu de l'y admettre provisoirement par application de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Alain-François Roger et Anne Sevaux, avocat de M. A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l 'Etat, de mettre à la charge de l'Etat au profit de la SCP Alain-François Roger et Anne Sevaux une somme de 1 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

O R D O N N E :

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Article 1er : M. A est admis provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : L'exécution de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, rejetant le recours de M. A, est suspendue.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer les demandes de visas présentées pour l'épouse et les deux enfants de M. A dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance.

Article 4 : L'Etat versera à la SCP Alain-François Roger et Anne Sevaux, avocat de M. A, une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Miah A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 317085
Date de la décision : 25/07/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 jui. 2008, n° 317085
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Philippe Martin
Avocat(s) : SCP ROGER, SEVAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:317085.20080725
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