La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/07/2008 | FRANCE | N°317737

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 31 juillet 2008, 317737


Vu la requête, enregistrée le 27 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la FEDERATION DES SYNDICATS DE LA DISTRIBUTION AUTOMOBILE, dont le siège est 10 rue Pergolèse à Paris, 75782 Paris Cedex 16, représentée par son président en exercice ; la FEDERATION DES SYNDICATS DE LA DISTRIBUTION AUTOMOBILE demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative la suspension de l'exécution de l'article 6 de l'arrêté du ministre de l'écologie, de l'énergie, du dÃ

©veloppement durable et de l'aménagement du territoire en date du 10 avril...

Vu la requête, enregistrée le 27 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la FEDERATION DES SYNDICATS DE LA DISTRIBUTION AUTOMOBILE, dont le siège est 10 rue Pergolèse à Paris, 75782 Paris Cedex 16, représentée par son président en exercice ; la FEDERATION DES SYNDICATS DE LA DISTRIBUTION AUTOMOBILE demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative la suspension de l'exécution de l'article 6 de l'arrêté du ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire en date du 10 avril 2008 relatif au montage a posteriori de rétroviseurs sur certains véhicules poids lourds, en tant que cet article réserve aux constructeurs automobiles et à leurs représentants autorisés, d'une part, la définition des « solutions techniques » retenues pour les véhicules en circulation nécessitant une mise en conformité aux normes qu'il édicte et, d'autre part, l'installation sur ces véhicules des équipements correspondant à la solution technique retenue ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que la condition d'urgence est remplie dès lors que l'arrêté litigieux est en vigueur depuis le 1er mai 2008 et qu'il produira ses effets jusqu'au 31 mars 2009 ; qu'il porte une atteinte grave et irréversible aux intérêts de ses mandants ; qu'en effet, en habilitant uniquement les constructeurs et leurs représentants autorisés à installer les rétroviseurs « grand angle » et « d'accostage » sur les véhicules poids lourds, l'arrêté litigieux exclut les membres de la fédération de ce marché, leur causant une perte de clientèle ainsi qu'un manque à gagner que l'on peut évaluer à 17,6 millions d'euros ; que l'arrêté contesté met en cause la compétence et le professionnalisme des réparateurs indépendants, portant ainsi atteinte à leur image et à leur réputation ; que son annulation ne peut intervenir avant l'épuisement de tous ses effets dès lors que le délai de mise en conformité des véhicules expire le 31 mars 2009 ; qu'il préjudicie gravement à un intérêt public en portant atteinte à l'exercice d'une concurrence libre et effective ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaqué ; qu'en effet, il méconnaît les principes de la liberté du commerce et de l'industrie, de la libre concurrence et d'égalité des opérateurs, entre lesquels il introduit une discrimination injustifiée ; qu'en conférant une exclusivité pour l'installation de ces rétroviseurs aux constructeurs ainsi qu'à leurs représentants autorisés, l'arrêté litigieux met un groupe d'entreprises en situation d'abuser automatiquement de sa position dominante, méconnaissant ainsi l'article L. 420-2 du code de commerce ;

Vu l'arrêté dont la suspension est demandée ;

Vu la requête à fin d'annulation de la même décision ;

Vu, enregistré le 22 juillet 2008, le mémoire en défense présenté par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire qui conclut au rejet de la requête ; le ministre soutient que la suspension de la décision litigieuse aurait des effets irréversibles et serait donc dépourvue de caractère provisoire, excédant ainsi l'office du juge des référés ; que la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors que la FEDERATION DES SYNDICATS DE LA DISTRIBUTION AUTOMOBILE s'est abstenue d'agir immédiatement après la publication de l'acte contesté dont les effets sont pourtant limités dans le temps ; que l'objectif supérieur de sécurité routière justifie le maintien des dispositions litigieuses ; que le préjudice allégué n'est pas établi dès lors que les rétroviseurs stockés par les adhérents de la FEDERATION DES SYNDICATS DE LA DISTRIBUTION AUTOMOBILE peuvent continuer à être écoulés sur le marché de la réparation et de l'installation ; que la mesure ne concerne que les véhicules poids lourds à moteur immatriculés entre 2000 et 2006 ; qu'il n'y a pas de doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaqué ; qu'en effet le moyen tiré de la violation des principes de la liberté du commerce et de l'industrie, de la libre concurrence et de l'égalité entre opérateurs doit être rejeté dès lors que la mise en conformité s'apparente à la conception d'un nouvel élément du véhicule ; que seul le constructeur peut définir une solution technique appropriée et unique pour tous les véhicules d'une même gamme ; que l'opération de mise en conformité n'a aucune incidence sur l'activité d'entretien et de réparation automobile des distributeurs et réparateurs indépendants ; que des restrictions à la libre circulation des marchandises peuvent être justifiées par des exigences impératives telles que la sécurité routière ; que le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 420-2 du code du commerce doit être écarté dès lors qu'il n'est pas démontré que l'arrêté contesté placerait les constructeurs dans une situation leur permettant d'abuser d'une position dominante ;

Vu, enregistré le 28 juillet 2008, le mémoire en réplique présenté pour la FEDERATION DES SYNDICATS DE LA DISTRIBUTION AUTOMOBILE, qui persiste dans les conclusions de sa requête et présente les mêmes moyens ; elle soutient en outre que les prescriptions encadrant la fabrication et l'installation des rétroviseurs font de l'opération de mise en conformité une opération standardisée réalisable par tout professionnel de l'entretien et de la réparation automobile ; que la réglementation communautaire impose l'utilisation de critères de performances objectifs, sans considération pour les technologies et marques utilisées ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la directive (CE) n° 2003/97 du 10 novembre 2003 ;

Vu la directive (CE) n° 2007/38 du 11 juillet 2007 ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code de la route ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part les représentants de la FEDERATION DES SYNDICATS DE LA DISTRIBUTION AUTOMOBILE, et d'autre part, le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 30 juillet 2008 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Molinié, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la FEDERATION DES SYNDICATS DE LA DISTRIBUTION AUTOMOBILE ;

- les représentants de la FEDERATION DES SYNDICATS DE LA DISTRIBUTION AUTOMOBILE ;

- les représentants du ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ; que pour l'application de ces dispositions, l'urgence justifie la suspension d'un acte administratif lorsque cette exécution porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; que l'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire ;

Considérant que l'arrêté contesté du 10 avril 2008 a pour objet d'imposer le montage sur certains véhicules poids lourds déjà en circulation de rétroviseurs dits « de grand angle » ou « d'accostage », destinés à améliorer la visibilité des conducteurs de ces véhicules et de réduire les risques d'accident, et ce afin d'assurer la transposition en droit français de la directive 2007/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007, laquelle a étendu, selon certaines modalités, aux véhicules déjà en circulation, les obligations imposées aux véhicules neufs par la directive 2003/97/CE du Parlement européen et du Conseil du 10 novembre 2003 ; que la FEDERATION DES SYNDICATS DE LA DISTRIBUTION AUTOMOBILE demande la suspension des seules dispositions de l'article 6 de cet arrêté qui réservent aux constructeurs des véhicules ou à leurs représentants accrédités la détermination des solutions techniques susceptibles d'être retenues pour assurer la mise en conformité aux nouvelles exigences résultant de l'arrêté de chaque gamme de véhicules ou de chaque véhicule individuel, ainsi que l'installation sur le véhicule des équipements correspondant à la solution technique retenue ;

Considérant que si la FEDERATION DES SYNDICATS DE LA DISTRIBUTION AUTOMOBILE, qui fédère les organisations professionnelles de distributeurs et d'installateurs d'équipements automobiles indépendants des constructeurs, fait valoir que les dispositions en litige vont porter une atteinte grave et immédiate aux intérêts des professionnels qu'elle représente, lesquels seront privés de la possibilité d'intervenir dans la définition et la mise en oeuvre de solutions techniques conformes aux exigences de l'arrêté et seront de ce fait à la fois soumis à une distorsion de concurrence injustifiée et exposés tant à un risque de baisse de leur activité qu'à une mise en cause de leur compétence professionnelle, il ressort en premier lieu des pièces du dossier soumis au juge des référés ainsi que des éclaircissements apportés lors de l'audience que ces éléments doivent être combinés avec la prise en compte de la difficulté particulière qu'est susceptible de poser sur les véhicules les plus anciens ou de grande dimension l'apposition des nouveaux rétroviseurs, laquelle difficulté peut justifier le recours à l'intervention du constructeur, et ce alors même que ce recours n'a pas été prévu par la directive elle-même, non plus que par la plupart des Etats ayant déjà assuré la transposition de la directive dans leur droit interne ; qu'un intérêt public s'attache à une mise en conformité aussi rapide que possible, et en tout état de cause avant le 31 mars 2009, date-limite fixée par la directive, du parc de véhicules existants, et ce à des fins de protection de la sécurité routière ; qu'un intérêt public s'attache également à ce que la transposition en droit français de la directive soit effectuée avant la limite du 6 août 2008 impartie aux Etats membres pour ce faire ; que dans ces conditions, et alors même que les dispositions dont la suspension est demandée eussent pu être regardées comme divisibles de l'ensemble de celles de l'arrêté, la condition d'urgence requise par les dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'est pas remplie en l'espèce ; que dès lors, la requête de la FEDERATION DES SYNDICATS DE LA DISTRIBUTION AUTOMOBILE ne peut qu'être rejetée, y compris les conclusions de cette requête présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : La requête de FEDERATION DES SYNDICATS DE LA DISTRIBUTION AUTOMOBILE est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la FEDERATION DES SYNDICATS DE LA DISTRIBUTION AUTOMOBILE et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 317737
Date de la décision : 31/07/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 31 jui. 2008, n° 317737
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Bélaval
Rapporteur ?: M. Philippe Bélaval
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:317737.20080731
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award