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06/08/2008 | FRANCE | N°280661

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 06 août 2008, 280661


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 mai et 19 septembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la S.A. SMOBY, dont le siège est Bourg Dessus à Lavans-les-Saint-Claude (39170), représentée par son président-directeur général en exercice ; la S.A. SMOBY demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 2, 4 et 5 de l'arrêt du 10 mars 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, sur l'appel formé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie contre le jugement du 25 mars 1999

du tribunal administratif de Besançon lui accordant la décharge des c...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 mai et 19 septembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la S.A. SMOBY, dont le siège est Bourg Dessus à Lavans-les-Saint-Claude (39170), représentée par son président-directeur général en exercice ; la S.A. SMOBY demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 2, 4 et 5 de l'arrêt du 10 mars 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, sur l'appel formé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie contre le jugement du 25 mars 1999 du tribunal administratif de Besançon lui accordant la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle avait été assujettie au titre des exercices clos les 31 mars 1987, 1988 et 1989, a remis partiellement à sa charge les impositions en litige ainsi que les intérêts de retard correspondants et a rejeté ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) réglant l'affaire au fond, de lui accorder la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 79-594 du 13 juillet 1979 modifiée par la loi n° 87-416 du 17 juin 1987 ;

Vu le décret n° 83-357 du 2 mai 1983 ;

Vu l'arrêté du 30 juin 1983 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Karin Ciavaldini, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de la S.A. SMOBY,

- les conclusions de M. Laurent Vallée, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite de vérifications de comptabilité portant notamment sur les exercices clos le 31 mars des années 1987, 1988 et 1989, l'administration fiscale a refusé l'imputation effectuée sur l'impôt sur les sociétés par la S.A. SMOBY de crédits d'impôt appréhendés à la suite d'opérations relatives en particulier aux parts qu'elle détenait dans les fonds communs de placement Obuncour B, Cab 02, Actimax 1, Actissima 1, Actiplus 6, BMA 9 et ADF 3 ; que les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 1987, 1988 et 1989 résultant du redressement afférent à ces opérations ont été mises en recouvrement le 31 juillet 1992 ; que la S.A. SMOBY se pourvoit en cassation contre les articles 2, 4 et 5 de l'arrêt du 10 mars 2005 par lequel, sur appel du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, la cour administrative d'appel de Nancy a, d'une part, réformé le jugement du 25 mars 1999 du tribunal administratif de Besançon qui avait prononcé la décharge de ces impositions supplémentaires et les a rétablies et, d'autre part, rejeté ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les moyens dirigés contre l'arrêt en tant qu'il a fait droit à la demande de substitution de base légale présentée par l'administration :

Considérant que l'administration a demandé, au cours de l'instance devant la cour administrative d'appel de Nancy, la substitution de l'article 199 ter A du code général des impôts à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales sur lequel les redressements étaient initialement fondés ; qu'après avoir rappelé que l'administration est en droit à tout moment de la procédure contentieuse de demander, pour justifier le bien-fondé d'une imposition, que soit substituée une autre base légale à celle qui avait été initialement invoquée, dès lors que cette substitution peut être faite sans priver le contribuable des garanties qui lui sont reconnues en matière de procédure d'imposition, la cour, qui n'a pas omis de rechercher si la substitution de base légale demandée par l'administration privait la société d'une telle garantie, a jugé qu'en l'espèce, tel n'était pas le cas dès lors que les redressements avaient été notifiés dans le cadre de la procédure contradictoire et que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'était pas compétente pour examiner le litige portant sur l'imputabilité de crédits d'impôt ; qu'en statuant ainsi, la cour n'a pas, au regard de l'argumentation présentée par la société devant elle, commis d'erreur de droit ;

Sur les moyens dirigés contre l'arrêt en ce qu'il refuse à la société le droit de se prévaloir de l'instruction 4 K-1-83 du 13 janvier 1983 :

Considérant qu'aux termes du paragraphe 100 de cette instruction : L'application aux fonds communs de placement et à leurs membres des dispositions dérogatoires au droit commun dont ils peuvent bénéficier sur le plan fiscal (...) est subordonnée à la condition que ces organismes fonctionnent conformément aux dispositions législatives, réglementaires ou statutaires qui les régissent et qu'ils respectent leurs obligations (...) ;

Considérant qu'après avoir relevé que le droit à imputation de crédits d'impôt ayant résulté pour la S.A. SMOBY des opérations effectuées avec les fonds communs de placement Obuncour B, Cab 02, Actimax 1, Actissima 1, Actiplus 6, BMA 9 et ADF 3 excédait celui auquel la société aurait pu prétendre si elle avait perçu directement sa quote-part des mêmes produits et jugé, par un motif non contesté, que les redressements résultant des crédits d'impôt excédant ce droit étaient ainsi fondés au regard des dispositions de l'article 199 ter A du code général des impôts, la cour a estimé que la société ne pouvait se prévaloir de cette instruction, dans la mesure où les fonds n'avaient pas fonctionné conformément aux dispositions législatives, réglementaires ou statutaires qui les régissent et n'avaient pas respecté leurs obligations ; que la société soutient que l'arrêt est entaché d'erreur de droit et, par des moyens qui, contrairement à ce que soutient le ministre, ne sont pas nouveaux en cassation, que la cour a dénaturé les pièces de son dossier ;

En ce qui concerne les fonds communs de placement Actimax 1, Actissima 1, BMA 9, ADF 3 et Obuncour B :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 7 alors en vigueur du décret du 2 mai 1983 fixant les conditions d'application de la loi du 13 juillet 1979 relative aux fonds communs de placement : Les acomptes éventuellement distribués en avance des produits des actifs de l'exercice ne peuvent excéder les revenus nets encaissés. ; que cette limite, d'ailleurs rappelée au paragraphe 29 de l'instruction du 13 janvier 1983, n'autorisait pas un fonds commun de placement à inclure dans les sommes distribuables à titre d'acompte le solde du compte de régularisation où sont enregistrées les sommes reçues ou versées par le fonds à l'occasion des souscriptions ou rachats de parts, à raison de l'acquisition ou de la perte du droit au coupon couru, dès lors que les mouvements de ce compte ne font intervenir que des comptes de bilan et n'affectent donc pas les résultats du fonds ; que, pour juger que les fonds communs de placement Actimax 1, Actissima 1, BMA 9 et ADF 3 n'avaient pas fonctionné dans les conditions de régularité auxquelles devait veiller leur dépositaire en vertu de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1979 et que, par suite, la société ne pouvait utilement invoquer l'instruction du 13 janvier 1983, la cour a déduit de son instruction que ces fonds n'avaient pas respecté cette règle pour les exercices au titre desquels la société a imputé des crédits d'impôt ; que la cour a porté sur les faits, que, contrairement à ce que soutient la S.A. SMOBY, elle n'a pas dénaturés, une appréciation souveraine qui ne peut être discutée devant le juge de cassation ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 19 alors en vigueur du décret du 2 mai 1983 : Le montant cumulé des liquidités constatées lors de l'établissement de chacune des valeurs liquidatives des douze derniers mois ne peut excéder le cinquième de la somme des actifs nets de la même période ; que la cour a déduit de son instruction que les sommes recueillies par le fonds Obuncour B étaient conservées pour leur quasi-totalité en liquidités ; qu'en retenant cet élément pour juger que ce fonds avait méconnu cette règle, la cour n'a pas dénaturé les pièces de son dossier ;

En ce qui concerne les fonds communs de placement Cab 02 et Actiplus 6 :

Considérant qu'en vertu de l'article 18 alors en vigueur de la loi du 13 juillet 1979, dans sa rédaction antérieure à celle résultant de la loi du 17 juin 1987, le montant maximum des commissions qui peuvent être perçues à l'occasion de la souscription et du rachat des parts, ainsi que le montant maximum de la rémunération des gérants et des dépositaires, étaient fixés par arrêté du ministre de l'économie, des finances et du budget ; que l'article 8 de l'arrêté du 30 juin 1983 avait fixé ce montant à 4 % de la valeur liquidative de la part ; que la cour s'est fondée sur ces dispositions pour juger que les fonds communs de placement Cab 02 et Actiplus 6 avaient méconnu cette règle dès lors que, pour le fonds Cab 02, la S.A. SMOBY avait versé une commission de 6,31 % et que le règlement du fonds Actiplus 6 prévoyait une commission de 5 % ;

Mais considérant que l'article 18 de la loi du 13 juillet 1979, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 1987, entrée en vigueur le 18 juin 1987, prévoit que le règlement de chaque fonds commun de placement fixe le mode de détermination des commissions pouvant être perçues à l'occasion de la souscription et du rachat des parts ainsi que le mode de détermination et le montant maximum de la rémunération du gérant et du dépositaire ; que la modification de l'article 18 de la loi du 13 juillet 1979 par la loi du 17 juin 1987 a ainsi implicitement mais nécessairement abrogé dès son entrée en vigueur l'article 8 de l'arrêté du 30 juin 1983 ; que, par suite, la S.A. SMOBY est fondée à soutenir que la cour a commis une erreur de droit en faisant application de cet arrêté qui n'était plus en vigueur à la date des opérations effectuées par la société en 1988 et 1989 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la S.A. SMOBY est seulement fondée à demander l'annulation de l'article 2 de l'arrêt attaqué, en tant qu'il a remis à sa charge les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et les intérêts de retard correspondants auxquels elle avait été assujettie à raison de la non-admission de l'imputation de crédits d'impôt attachés aux produits distribués par les fonds communs de placement Cab 02 et Actiplus 6, de l'article 4 en tant qu'il réforme, dans cette même mesure, le jugement du tribunal administratif et de l'article 5 rejetant ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond et de statuer sur l'appel du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Considérant, en premier lieu, que la circonstance que les fonds communs de placement Cab 02 et Actiplus 6 étaient gérés respectivement par une société domiciliée dans des locaux situés à la même adresse que la société dépositaire ou par une filiale de cette société ne suffit pas à elle seule à caractériser la confusion, proscrite par l'article 11 alors en vigueur de la loi du 13 juillet 1979, entre les fonctions de gérant et de dépositaire d'un fonds commun de placement ;

Considérant, en deuxième lieu, que si l'administration fait valoir que les fonds Cab 02 et Actiplus 6 n'ont pas été créés en vue de permettre des souscriptions de parts à tout moment ainsi que l'exigeait l'article 7 alors en vigueur de la loi du 13 juillet 1979, il ne résulte pas de l'instruction que le mode de fonctionnement de ces fonds n'aurait permis des souscriptions qu'au moment le plus opportun, en violation de ces dispositions ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que la pratique des fonds Cab 02 et Actiplus 6 en matière de publicité et de démarchage aurait été contraire à l'article 9 alors en vigueur de la loi du 13 juillet 1979, dans sa rédaction issue de la loi du 14 décembre 1985, qui interdisait les démarchages à domicile ou dans les lieux publics ;

Considérant, en quatrième lieu et d'une part, qu'aux termes de l'article 18 de la loi du 13 juillet 1979 modifié par la loi du 17 juin 1987, alors en vigueur, le règlement du fonds commun de placement fixe le mode de détermination des commissions qui pourront être perçues à l'occasion de la souscription et du rachat des parts ainsi que le mode de détermination et le montant maximum de la rémunération du gérant et du dépositaire ; que cet article n'a entendu régir que les commissions perçues par le fonds concerné, à l'exclusion de celles qui seraient versées par le client directement à des tiers, sans transiter par le fonds ; qu'il est constant que la commission versée par la société et concernant les opérations relatives au fonds Cab 02 n'a pas été versée au fonds lui-même, non plus qu'à son gérant ou à son dépositaire, mais à un cabinet de conseil financier ; que, par suite, le motif tiré de l'irrégularité du versement de cette commission ne permet pas d'établir le fonctionnement irrégulier de ce fonds ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que le règlement du fonds Actiplus 6 prévoyait la possibilité de verser des commissions de souscription et de rachats de parts de 5 % ; qu'il est constant que la S.A. SMOBY a versé au fonds une commission n'excédant pas ce plafond ; que, par suite, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie n'est pas fondé à soutenir que le versement de cette commission permettrait d'établir que le fonctionnement du fonds Actiplus 6 aurait été irrégulier ;

Considérant ainsi qu'il ne résulte pas de l'instruction que les fonds Cab 02 et Actiplus 6 auraient fonctionné de manière irrégulière au cours des exercices en cause dans le présent litige ; que, par suite, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que, pour ces deux fonds communs de placement, la S.A. SMOBY satisfaisait aux conditions prévues par l'instruction du 13 janvier 1983, dont elle pouvait ainsi se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales et a accordé pour ce motif la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la société a été assujettie à raison de la non-admission de l'imputation de crédits d'impôt attachés aux produits distribués par ces fonds ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel, verse à la S.A. SMOBY la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 2 de l'arrêt du 10 mars 2005 de la cour administrative d'appel de Nancy, en tant qu'il a remis à la charge de la S.A. SMOBY les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et les intérêts de retard correspondants auxquels elle a été assujettie au titre des années 1988 et 1989 à raison de la non-admission de l'imputation de crédits d'impôt attachés aux produits distribués respectivement par les fonds communs de placement Cab 02 et Actiplus 6, l'article 4 du même arrêt en tant qu'il réforme, dans cette même mesure, le jugement du tribunal administratif de Besançon du 25 mars 1999 et l'article 5 du même arrêt sont annulés.

Article 2 : Le recours du ministre de l'économie des finances et de l'industrie devant la cour administrative d'appel de Nancy, en tant qu'il est dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Besançon du 25 mars 1999 en ce qu'il prononce la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des intérêts de retard correspondants auxquels la S.A. SMOBY a été assujettie au titre des années 1988 et 1989 à raison de la non-admission de l'imputation de crédits d'impôt attachés aux produits distribués respectivement par les fonds communs de placement Cab 02 et Actiplus 6 et le surplus des conclusions présentées par la S.A. SMOBY devant le Conseil d'Etat et la cour administrative d'appel de Nancy sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Me Maurice Picard et à la SCP Laureau-Jeannerot, administrateurs judiciaires de la S.A. SMOBY et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 280661
Date de la décision : 06/08/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 06 aoû. 2008, n° 280661
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Karin Ciavaldini
Rapporteur public ?: M. Vallée Laurent
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:280661.20080806
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