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06/08/2008 | FRANCE | N°301408

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 06 août 2008, 301408


Vu le pourvoi, enregistré le 9 février 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par lequel le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 29 novembre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur l'appel formé par la société Barclays Bank P.L.C. tendant à l'annulation du jugement du 8 juin 2004 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations de contribution des institutions financières auxquelles la banque a été assujettie au titre de l

'année 1993, d'une part, annulé ce jugement et, d'autre part, décha...

Vu le pourvoi, enregistré le 9 février 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par lequel le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 29 novembre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur l'appel formé par la société Barclays Bank P.L.C. tendant à l'annulation du jugement du 8 juin 2004 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations de contribution des institutions financières auxquelles la banque a été assujettie au titre de l'année 1993, d'une part, annulé ce jugement et, d'autre part, déchargé la société Barclays Bank P.L.C., en droits et intérêts de retard, de la contribution des institutions financières à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1993 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de remettre à la charge de la société la contribution des institutions financières à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1993 à concurrence des droits et pénalités dont les juges du fond ont prononcé la décharge ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Benoit Bohnert, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Ricard, avocat de la société Barclays Bank P.L.C.,

- les conclusions de M. Laurent Vallée, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'un contrôle de la société S.A Barclays Bank et de la société Barclays Bank P.L.C., venant aux droits et obligations de son ancienne filiale qu'elle a absorbée à la date du 30 juin 1993, avec effet rétroactif au 1er janvier 1993, l'administration a constaté que ces sociétés n'avaient pas satisfait aux obligations de déclaration et de versement de la contribution des institutions financières due au titre de l'année 1993 sur le fondement des dispositions de l'article 235 ter Y du code général des impôts alors en vigueur ; qu'après avoir mentionné que la S.A. Barclays Bank avait comptabilisé au 31 décembre 1992 en tant que charge à payer la somme de 11 499 400 F au titre de cette imposition, l'administration a notifié le 18 décembre 1996 à la société Barclays Bank P.L.C. un rappel de contribution des institutions financières pour un montant s'élevant en droits à 11 016 667 F (1 679 480,06 euros) et au titre des intérêts de retard à 2 561 375 F (390 479,12 euros) ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 29 novembre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur l'appel formé par la société Barclays Bank P.L.C. tendant à l'annulation du jugement du 8 juin 2004 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la décharge de cette contribution mise en recouvrement le 26 avril 1999, d'une part, déchargé la société Barclays Bank P.L.C. des sommes en litige et, d'autre part, annulé ce jugement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) / Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit également être motivée. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la notification de redressement adressée à la société Barclays Bank P.L.C. le 18 décembre 1996 indiquait que la contribution des institutions financières dont le paiement incombait à cette société au titre des activités financières et bancaires réalisées en 1992 par son ancienne filiale s'élevait à un montant de 11 016 667 F ; que la somme ainsi réclamée différait du montant de 11 499 400 F, également mentionné par l'administration dans cette notification et qui correspondait à la somme que la société Barclays Bank SA avait comptabilisée en tant que charge à payer au titre de cette contribution au cours de l'exercice 1993 ; que par suite, en jugeant que, du seul fait que le montant du rappel notifié à la société Barclays Bank P.L.C. était inférieur à celui des sommes comptabilisées par la société Barclays Bank SA, la notification de redressements devait être regardée comme ayant méconnu les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, sans rechercher si, d'une part, l'une des catégories d'informations que ces dispositions imposent de porter à la connaissance du contribuable faisait défaut et, d'autre part, si, eu égard au mode de calcul de cette contribution et à la circonstance que la SA Barclays Bank avait régulièrement inscrit dans ses écritures comptables à la clôture de l'exercice 1992 le montant exact des sommes dont elle reconnaissait être redevable au titre de cette contribution, la société Barclays Bank P.L.C. a été privée, en raison de l'écart susmentionné, de la possibilité de contester utilement le bien-fondé du rappel qui lui a été assigné ou de faire connaître son acceptation, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est, par suite, fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

Considérant qu'en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'après avoir procédé du 18 juin 1993 au 21 décembre 1995 à la vérification de la comptabilité de la S.A Barclays Bank au titre de la période du 1er janvier 1990 au 31 décembre 1992, puis engagé le 1er juillet 1996 la vérification de comptabilité de la société Barclays Bank P.L.C., laquelle avait absorbé son ancienne filiale la S.A Barclays Bank à la date du 30 juin 1993, l'administration fiscale a constaté que, si la contribution des institutions financières de l'année 1993 avait été comptabilisée en tant que charge à payer dans les écritures comptables de la S.A Barclays Bank à la clôture de l'exercice 1992 pour un montant de 11 499 400 F, ni cette société, ni la société Barclays Bank P.L.C. n'avaient satisfait aux obligations de déclaration et de paiement de cette contribution ; qu'alors que le ministre fait valoir, d'une part, que la notification de redressement du 18 décembre 1996, par laquelle l'administration a porté à la connaissance de la société Barclays Bank P.L.C., venant aux droits et obligations de la S.A Barclays Bank, le rappel envisagé en matière de contribution des institutions financières pour l'année 1993, a été établie à la suite d'un contrôle sur pièces du dossier fiscal détenu par l'administration, et d'autre part, que l'administration a pris en compte le montant comptabilisé en charge par cette société à la clôture de l'exercice 1992, la société Barclays Bank P.L.C. ne fait état d'aucun élément de nature à établir que l'administration aurait procédé à une confrontation entre le montant dû au titre de cette contribution, tel qu'il ressortait des écritures comptables de sa filiale, et le montant des charges constituant l'assiette de cette imposition, et qu'elle se serait ainsi livrée à une vérification de comptabilité ; qu'il suit de là que la société Barclays Bank P.L.C. n'est fondée à soutenir ni qu'elle a été privée des garanties attachées à cette procédure, ni que, pour établir ces redressements, l'administration aurait procédé à une nouvelle vérification de comptabilité de la S.A Barclays Bank portant sur l'exercice 1992, en méconnaissance des prescriptions de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en second lieu, qu'en indiquant à la société Barclays Bank P.L.C., par la notification de redressement du 18 décembre 1996, qu'elle demeurait redevable, en l'absence de mesure d'exonération spécifique, de la contribution des institutions financières dont la S.A Barclays Bank aurait dû s'acquitter au titre de l'année 1993, l'administration a suffisamment motivé le redressement en litige, qui ne constituait qu'un rappel des sommes dues par elle, et dont son ancienne filiale avait fait une évaluation dans ses écritures comptables, de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire part de son acceptation ; qu'en l'espèce, l'absence d'indication dans la notification de redressement du mode de calcul de la contribution mise à la charge de la société Barclays Bank SA n'a pu induire la société Barclays Bank P.L.C. en erreur quant aux motifs et à la portée du redressement et ne l'a pas empêchée d'en contester utilement, comme elle l'a d'ailleurs fait, le bien-fondé, dans son principe et son montant ; que par suite, cette société n'est pas fondée à soutenir que cette notification de redressement ne satisfaisait pas aux exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé du rappel de contribution des institutions financières :

Considérant qu'aux termes de l'article 235 ter Y du code général des impôts, alors en vigueur : I. Les établissements de crédit (...) doivent acquitter une contribution annuelle sur certaines dépenses et charges comptabilisées au cours de l'année précédente. / II. Cette contribution est assise sur les dépenses et charges comptabilisées au cours de l'année précédente au titre des frais de personnel, des travaux, fournitures et services extérieurs, des frais de transport et de déplacement, des frais divers de gestion et des amortissements des immeubles, matériels et véhicules utilisés pour les besoins de l'exploitation. / III. Le taux de la contribution est fixé à 1 %. Sur son montant ainsi calculé, il est pratiqué un abattement de 20 000 F./ Elle est établie et recouvrée comme la retenue à la source sur le produit des obligations prévue à l'article 119 bis-1 et sous les mêmes garanties et sanctions./ Elle est payable au plus tard le 15 octobre de chaque année, à la recette des impôts dont relèvent les entreprises. Le versement est accompagné du dépôt d'une déclaration établie dans les conditions fixées par le ministre de l'économie, des finances et du budget (...) ;

Considérant que la société Barclays Bank P.L.C. soutient que le fait générateur de cette contribution doit être fixé à la date limite de paiement, soit le 15 octobre, et se prévaut à cet égard de la documentation administrative de base 4 L 34 à jour au 1er mai 1992 et que, par suite, la contribution a été mise illégalement à la charge de la société S.A Barclays Bank au titre de l'année 1993 dès lors que celle-ci n'existait plus au 15 octobre 1993 ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 235 ter Y du code général des impôts que cette contribution était due, au titre d'une année donnée, par tout établissement de crédit titulaire au 1er janvier de cette même année de l'agrément délivré par le comité des établissements de crédit, et assise sur les catégories de charges énumérées par celles-ci, pour leur montant comptabilisé au cours de l'année civile précédente ; que si ces dispositions prévoyaient une date limite de paiement fixée au 15 octobre, cette contribution n'en était pas moins exigible dès la date du fait générateur de l'imposition, qui intervenait au 1er janvier de chaque année ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction qu'au 1er janvier 1993, la S.A Barclays Bank figurait, de même d'ailleurs que la société Barclays Bank P.L.C., sur la liste des établissements agréés par le comité des établissements de crédit, et avait réalisé des opérations de nature à la rendre passible de la contribution des institutions financières ; que, lorsqu'une société mère procède, par voie de fusion, à l'absorption de l'une de ses filiales dont elle détenait 100 % du capital, il s'opère, conformément aux dispositions des articles L. 236-1 à L. 236-3 du code de commerce, sauf dérogation expresse prévue dans le traité de fusion ou circonstance telle qu'une fraude à l'égard de tiers, de nature à la rendre inopposable à ceux-ci, une transmission universelle de tous les droits, biens et obligations de la société absorbée à la société absorbante ; qu'il résulte, en particulier, dans ce cas, des dispositions de l'article L. 236-14 du code de commerce que la société absorbante devient débitrice des créanciers non obligataires de la société absorbée au lieu et place de celle-ci ; que dans le cas où cette opération prend effet, d'un commun accord entre les parties, de manière rétroactive à la date d'ouverture de l'exercice en cours, comme le permettent les dispositions de l'article L. 236-4 du même code, la société absorbante devient, à compter de cette même date, seule débitrice des dettes de la société absorbée, à laquelle elle est substituée à l'égard des créanciers ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que la S.A Barclays Bank a été assujettie au titre de l'année 1993 à cette contribution sur la base des dépenses et charges comptabilisées par elle au cours de l'année précédente, nonobstant la circonstance, qui demeure sans incidence sur le fait générateur de cette imposition, que, par un acte du 30 juin 1993, elle a fait l'objet d'une absorption par la société Barclays Bank P.L.C. avec effet rétroactif au 1er janvier 1993 ; que par les effets attachés à cet acte, cette société, en tant qu'elle est venue aux droits et obligations de la S.A Barclays Bank, s'est substituée à cette dernière en qualité de redevable de cette contribution à la date du fait générateur, soit le 1er janvier 1993 ;

Considérant, d'autre part, que la société Barclays Bank P.L.C. n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la documentation administrative de base 4 L 34, à jour au 1er mai 1992, laquelle précise seulement l'exercice au titre duquel la contribution est due et sa date limite de paiement et ne prend pas position sur son fait générateur ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Barclays Bank P.L.C. n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions en litige ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la société Barclays Bank P.L.C. au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 29 novembre 2006 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : La requête de la société Barclays Bank P.L.C. présentée devant la cour administrative d'appel de Paris est rejetée.

Article 3 : La contribution des institutions financières à laquelle la société Barclays Bank P.L.C. a été assujettie au titre de l'année 1993 pour un montant de 11 016 667 F (1 679 480,06 euros) est remise à sa charge.

Article 4 : Les conclusions de la société Barclays Bank P.L.C. présentées devant le Conseil d'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et à la société Barclays Bank P.L.C.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 301408
Date de la décision : 06/08/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 06 aoû. 2008, n° 301408
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Benoit Bohnert
Rapporteur public ?: M. Vallée Laurent
Avocat(s) : RICARD

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:301408.20080806
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