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06/08/2008 | FRANCE | N°301829

France | France, Conseil d'État, 9ème sous-section jugeant seule, 06 août 2008, 301829


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 février et 21 mai 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Richard A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 21 décembre 2006 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 12 janvier 2004 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie lui attribuant une pension de retraite en tant qu'elle ne prévoit pas la bonification pour enfants de l'article L. 1

2 du code des pensions civiles et militaires de retraite, d'autre pa...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 février et 21 mai 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Richard A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 21 décembre 2006 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 12 janvier 2004 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie lui attribuant une pension de retraite en tant qu'elle ne prévoit pas la bonification pour enfants de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, d'autre part, à ce que le ministre soit enjoint de modifier dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement les conditions dans lesquelles sa pension a été concédée et de revaloriser cette pension rétroactivement au 30 décembre 2003 et, enfin, à ce que ces sommes portent intérêts à compter du 30 décembre 2003 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité de Rome instituant la Communauté économique européenne, devenue la Communauté européenne ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites ;

Vu le décret n° 2003-1305 du 26 décembre 2003 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bertrand du Marais, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Hemery, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, dans sa requête introductive d'instance, enregistrée le 5 mars 2004, M. A avait soulevé devant le tribunal administratif d'Amiens le moyen tiré de ce que les dispositions du décret du 26 décembre 2003 pris pour l'application de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites et modifiant le code des pensions civiles et militaires de retraite ne lui étaient pas applicables, dans la mesure où ce décret n'était pas intervenu à la date de son admission à la retraite ; que le jugement attaqué ne répond pas à ce moyen qui n'était pas inopérant ; que, par suite, M. A est fondé à soutenir que le tribunal administratif d'Amiens a entaché sa décision d'un défaut de réponse à un moyen ; que ce jugement doit, dès lors, être annulé ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Considérant que M. A demande l'annulation de la décision du 12 janvier 2004 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie lui attribuant une pension de retraite en tant qu'elle ne prévoit pas la bonification pour enfant de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite du chef de ses quatre enfants ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue du I de l'article 48 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites : Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, les bonifications ci-après : (...) b) Pour chacun de leurs enfants légitimes et de leurs enfants naturels nés antérieurement au 1er janvier 2004, pour chacun de leurs enfants dont l'adoption est antérieure au 1er janvier 2004 et, sous réserve qu'ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt-et-unième anniversaire, pour chacun des autres enfants énumérés au II de l'article L. 18 dont la prise en charge a débuté antérieurement au 1er janvier 2004, les fonctionnaires et militaires bénéficient d'une bonification fixée à un an, qui s'ajoute aux services effectifs, à condition qu'ils aient interrompu leur activité dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat (...) ; que l'article 6 du décret du 26 décembre 2003, pris pour l'application de ces dispositions, a remplacé l'article R. 13 du même code par les dispositions suivantes : Le bénéfice des dispositions du b) de l'article L. 12 est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental ou d'un congé de présence parentale, prévus par les articles 34 (5°), 54 et 54 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat et les articles 53 (2°), 65-1 et 65-3 de la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires, ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans prévue par l'article 47 du décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat et à certaines modalités de cessation définitive de fonctions ; que, par ailleurs, selon le II du même article 48 de la loi du 21 août 2003 : Les dispositions du b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite issues de la rédaction du 2° du I s'appliquent aux pensions liquidées à compter du 28 mai 2003 ;

Considérant que si le II de l'article 48 de la loi du 21 août 2003 prive de façon rétroactive les fonctionnaires dont la pension a été liquidée après le 28 mai 2003, du bénéfice de la créance, certaine dans son principe et son montant, constituée par la bonification prévue par les dispositions du b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans leur rédaction antérieure à l'intervention de cette loi, cette rétroactivité d'une durée inférieure à trois mois, qui prend pour point de départ la date à laquelle le projet de loi comportant les nouvelles dispositions du b) de l'article L. 12 a été rendu public à la suite de son adoption en conseil des ministres, porte à ce bien une atteinte justifiée, dans l'intention du législateur, par des considérations d'utilité publique tenant au souci d'éviter que l'annonce du dépôt du projet de loi ne se traduise par une multiplication des contentieux ; que cette atteinte, qui ne porte pas sur la substance du droit à pension mais seulement sur un des éléments de son calcul, est proportionnée à l'objectif ainsi poursuivi ; que, dès lors, le moyen tiré de l'invalidité du caractère rétroactif ne peut qu'être écarté ;

Considérant que les dispositions introduites au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite par le I de l'article 48 de la loi du 21 août 2003 ouvrent aux fonctionnaires une bonification d'un an par enfant afin de compenser les inconvénients causés à leur carrière par l'interruption de leur service, à l'occasion d'une naissance, d'une adoption ou de périodes consacrées à l'éducation des enfants ; que, dès lors que cet avantage est ouvert tant aux hommes qu'aux femmes, ces dispositions ne sont pas incompatibles avec le principe d'égalité des rémunérations entre hommes et femmes tel qu'il a été interprété par la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt C-366/99 du 29 novembre 2001 ;

Considérant que, eu égard à l'objet de cette bonification, ce principe n'interdisait pas que la loi subordonne le bénéfice de cette bonification à une interruption d'activité, alors même qu'en raison des dispositions statutaires auxquelles ont été soumis les pensionnés qui tombent sous le coup des dispositions de l'article 48 de la loi du 21 août 2003, le dispositif nouveau bénéficiera principalement aux fonctionnaires de sexe féminin ;

Considérant que si le décret du 26 décembre 2003, pris pour l'application des dispositions précitées de la loi du 21 août 2003, est entré en vigueur, conformément à son article 48, le 1er janvier 2004, le II de l'article 48 de la loi du 21 août 2003 a entendu faire produire à ce décret d'application des effets dès le 28 mai 2003, soit antérieurement à son intervention ; que par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir qu'en l'absence de décret d'application intervenu à la date du 5 décembre 2003 à laquelle il a été admis à la retraite, les dispositions du décret du 26 décembre 2003 ne pouvaient lui être appliquées ; qu'ainsi, ce moyen ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction, et qu'il n'est d'ailleurs pas allégué, que M. A aurait interrompu son activité dans les conditions précisées par l'article 6 du décret du 26 décembre 2003, pour se consacrer à l'éducation de ses quatre enfants ; qu'il suit de là que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en tant qu'elle n'inclut pas la bonification d'ancienneté pour enfants prévue au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de la loi du 21 août 2003 ; que la requête de M. A ne peut, dès lors, qu'être rejetée ;

Sur les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens en date du 21 décembre 2006 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de d'Amiens est rejetée, ensemble le surplus de ses conclusions devant le Conseil d'Etat.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Richard A, au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique et à La Poste.


Synthèse
Formation : 9ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 301829
Date de la décision : 06/08/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 06 aoû. 2008, n° 301829
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Bachelier
Rapporteur ?: M. Bertrand du Marais
Rapporteur public ?: M. Collin Pierre
Avocat(s) : HEMERY

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:301829.20080806
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