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07/08/2008 | FRANCE | N°312022

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 07 août 2008, 312022


Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 janvier 2008 et 18 janvier 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSOCIATION DES TERRES MINEES, dont le siège est Mairie de Cossé d'Anjou à Cossé d'Anjou (49120) ; l'ASSOCIATION DES TERRES MINEES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 17 décembre 2007 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 13 novembre 2007 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a mis e

n demeure la SAS Lahaye TP d'adresser dans un délai de six mois à compter ...

Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 janvier 2008 et 18 janvier 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSOCIATION DES TERRES MINEES, dont le siège est Mairie de Cossé d'Anjou à Cossé d'Anjou (49120) ; l'ASSOCIATION DES TERRES MINEES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 17 décembre 2007 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 13 novembre 2007 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a mis en demeure la SAS Lahaye TP d'adresser dans un délai de six mois à compter de la notification de cet arrêté, un dossier de régularisation des installations et activités exercées sur le site de l'Angibourgere, situées sur la commune de La Tourlandry, et a autorisé cette société à exploiter provisoirement la carrière en litige jusqu'à ce qu'il soit statué sur la demande de régularisation de la situation administrative des installations suvisées ;

2°) de faire droit à la demande de suspension ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Delphine Hedary, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de l'ASSOCIATION DES TERRES MINEES, et de la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de la société Lahaye TP,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces produites devant le Conseil d'Etat qu'après l'annulation par le tribunal administratif de Nantes de l'arrêté du 15 juin 2005 autorisant la société Lahaye TP à exploiter une carrière et une unité de concassage sur la commune de La Tourlandry, le préfet de Maine et Loire a sollicité l'avis de ce tribunal, en application de l'article R. 212-1 du code de justice administrative, sur la possibilité d'adresser à l'exploitant une mise en demeure assortie de prescriptions provisoires ; que l'un des trois magistrats qui a concouru à l'avis rendu le 19 octobre 2007 par le tribunal administratif a ensuite statué comme juge des référés sur la demande formée par l'ASSOCIATION DES TERRES MINEES contre l'arrêté pris par le préfet le 13 novembre 2007, mettant en demeure l'entreprise LAHAYE TP de déposer un dossier de régularisation sous six mois, et autorisant provisoirement son fonctionnement en assortissant cette autorisation de prescriptions ; qu'ainsi, l'ordonnance attaquée, rendue par ce magistrat, a été prise en méconnaissance du principe d'impartialité des juridictions ; qu'il y a lieu de relever d'office ce moyen et d'annuler pour ce motif cette ordonnance ;

Considérant qu'il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

Considérant, en premier lieu, que pour demander la suspension de l'exécution de l'arrêté du préfet de Maine et Loire du 13 novembre 2007, l'ASSOCIATION DES TERRES MINEES invoque les dispositions de l'article L. 554-11 du code de justice administrative aux termes desquelles : « La décision de suspension d'une autorisation (...) obéit aux règles définies par le dernier alinéa de l'article L. 122-2 du code de l'environnement ci-après reproduit : / Si une requête déposée devant la juridiction administrative contre une autorisation ou une décision d'approbation d'un projet visé au second alinéa de l'article L. 122-1 est fondée sur l'absence d'étude d'impact, le juge des référés, saisi d'une demande de suspension de la décision attaquée, y fait droit dès que cette absence est constatée » ; que toutefois, lorsque le préfet fait usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 514-2 du code de l'environnement pour mettre en demeure un exploitant de régulariser sa situation, notamment à la suite de l'annulation contentieuse de l'autorisation dont il bénéficiait, et l'autorise à titre provisoire à poursuivre son activité pour des motifs d'intérêt général en assortissant cette autorisation de prescriptions, une telle autorisation provisoire, destinée à répondre à l'urgence de la situation dans un souci de continuité de l'exploitation, ne saurait être regardée comme devant être soumise à l'obligation de production d'une étude d'impact ; que par suite, le moyen tiré de l'article L. 122-2 du code de l'environnement est inopérant ;

Considérant en second lieu qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) » ;

Considérant que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés, saisi de conclusions tendant à la suspension d'un acte administratif, d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence nécessitant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ;

Considérant qu'en se bornant à arguer de ce que l'arrêté attaqué aura produit des effets avant qu'intervienne le jugement au fond, qu'il est entaché d'illégalité, et que la région ne manquerait pas de façon immédiate des matériaux exploités par la société Lahaye TP, l'ASSOCIATION DES TERRES MINEES ne justifie pas de l'urgence qu'il y aurait à suspendre l'exécution de cet arrêté ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme demandée par l'ASSOCIATION DES TERRES MINEES ; qu'il y a lieu, au titre de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de l'ASSOCIATION DES TERRES MINEES le versement d'une somme de 1 500 euros à la société Lahaye TP ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes du 17 décembre 2007 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par l'ASSOCIATION DES TERRES MINEES devant le tribunal administratif de Nantes, ainsi que ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : L'ASSOCIATION DES TERRES MINEES versera à la société Lahaye TP la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION DES TERRES MINEES, à la société Lahaye TP, au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire et à la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 312022
Date de la décision : 07/08/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

NATURE ET ENVIRONNEMENT - INSTALLATIONS CLASSÉES POUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT - RÉGIME JURIDIQUE - POUVOIRS DU PRÉFET - ARTICLE L - 514-2 DU CODE DE L'ENVIRONNEMENT - AUTORISATION PROVISOIRE - OBLIGATION DE PRODUCTION D'UNE ÉTUDE D'IMPACT - ABSENCE.

44-02-02-01 L'autorisation provisoire délivrée par le préfet, pour des motifs d'intérêt général et en l'assortissant de prescription, sur le fondement de l'article L. 514-2 du code de l'environnement, n'est pas soumise à l'obligation de production d'une étude d'impact, dès lors qu'elle est destinée à répondre à l'urgence de la situation dans un souci de continuité de l'exploitation.

PROCÉDURE - JUGEMENTS - RÈGLES GÉNÉRALES DE PROCÉDURE - JUGE DES RÉFÉRÉS DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF AYANT CONCOURU À L'AVIS RENDU PAR LE MÊME TRIBUNAL PRÉALABLEMENT À LA DÉCISION CONTESTÉE EN RÉFÉRÉ - PRINCIPE D'IMPARTIALITÉ - MÉCONNAISSANCE [RJ1].

54-06-01 Magistrat ayant concouru à l'avis rendu par un tribunal administratif, saisi par la voie de l'article R. 212-1 du code de justice administrative de la question de savoir si, à la suite de l'annulation d'un arrêté autorisant une société à exploiter une installation classée, une mise en demeure assortie de prescriptions provisoires pouvait être adressée à cette société. L'ordonnance par laquelle ce même magistrat, statuant en tant que juge des référés sur une demande formée par une association contre cet arrêté, a mis en demeure la société de régulariser sa situation et l'autorisant provisoirement à fonctionner, a été prise en méconnaissance du principe d'impartialité des juridictions. Annulation pour ce motif, par un moyen soulevé d'office.

PROCÉDURE - JUGEMENTS - COMPOSITION DE LA JURIDICTION - JUGE DES RÉFÉRÉS DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF AYANT CONCOURU À L'AVIS RENDU PAR LE MÊME TRIBUNAL PRÉALABLEMENT À LA DÉCISION CONTESTÉE EN RÉFÉRÉ - PRINCIPE D'IMPARTIALITÉ - MÉCONNAISSANCE [RJ1].

54-06-03 Magistrat ayant concouru à l'avis rendu par un tribunal administratif, saisi par la voie de l'article R. 212-1 du code de justice administrative de la question de savoir si, à la suite de l'annulation d'un arrêté autorisant une société à exploiter une installation classée, une mise en demeure assortie de prescriptions provisoires pouvait être adressée à cette société. L'ordonnance par laquelle ce même magistrat, statuant en tant que juge des référés sur une demande formée par une association contre cet arrêté, a mis en demeure la société de régulariser sa situation et l'autorisant provisoirement à fonctionner, a été prise en méconnaissance du principe d'impartialité des juridictions. Annulation pour ce motif, par un moyen soulevé d'office.


Références :

[RJ1]

Rappr., s'agissant de l'exercice des fonctions consultatives, Section, 5 avril 1996, Syndicat des avocats de France, n° 116594, p. 118 ;

s'agissant du principe d'impartialité des juridictions, Assemblée, 6 avril 2001, SA Entreprise Razel frères et autres, n°s 206764-206767, p. 176 ;

22 mai 2002, SARL Berre Station, n° 231105, T. p. 882 ;

30 janvier 2008, Association orientation et rééducation des enfants et adolescences de la Gironde, n° 274556, à mentionner aux tables. Comp. Section, 12 mai 2004, Commune de Rogerville, n° 265184, p. 223.


Publications
Proposition de citation : CE, 07 aoû. 2008, n° 312022
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: M. Rémi Decout-Paolini
Rapporteur public ?: M. Guyomar Mattias
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN ; SCP BARADUC, DUHAMEL

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:312022.20080807
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