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26/08/2008 | FRANCE | N°319941

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 26 août 2008, 319941


Vu la requête, enregistrée le 20 août 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Ali A demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance en date du 14 août 2008 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa requête ;

2°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du préfet du Rhône en date du 14 février 2008 en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français à desti

nation du Pakistan jusqu'à ce que le préfet ait statué sur sa demande de visa long s...

Vu la requête, enregistrée le 20 août 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Ali A demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance en date du 14 août 2008 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa requête ;

2°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du préfet du Rhône en date du 14 février 2008 en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français à destination du Pakistan jusqu'à ce que le préfet ait statué sur sa demande de visa long séjour, en qualité de conjoint de ressortissant français, et sur sa demande de carte de séjour temporaire ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 300 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que la condition d'urgence est remplie dans la mesure où son départ pour le Pakistan lui a été annoncé pour le 21 août 2008 en début de matinée et où l'exécution de cette mesure d'éloignement préjudicie de manière grave et immédiate à sa situation ; que cette décision porte une atteinte grave et illégale à son droit au respect de sa vie privée et familiale et à sa liberté d'aller et venir, qui constituent des libertés fondamentales ; qu'en outre, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a commis une erreur de droit en considérant qu'en application du dernier alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il devait justifier d'une vie commune en France avec son épouse depuis plus de six mois après son mariage pour pouvoir solliciter la délivrance d'un visa de long séjour ; qu'au contraire, la circulaire d'application du 19 mars 2007 précise qu'il suffit que le demandeur établisse six mois de vie commune en France avec son conjoint, quelle que soit la date du mariage ; qu'il remplit l'ensemble des conditions pour obtenir le visa et la carte de séjour temporaire sollicités ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu, enregistré le 21 août 2008, le mémoire en défense présenté pour le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire qui conclut au rejet de la requête de M. A ; le ministre soutient que la condition d'urgence particulière prévue par l'article L. 521-2 du code de justice administrative n'est pas satisfaite dans la mesure où M. A n'est en aucun cas privé de la possibilité de revenir en France muni d'un visa long séjour obtenu dans son pays d'origine ; que le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'exécution de l'arrêté préfectoral du 14 février 2008 porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; que M. A ne remplit pas la condition énoncée au dernier alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relative à l'existence d'une communauté de vie de plus de six mois avec son épouse depuis la date de leur mariage ; qu'en outre, le préfet du Rhône n'était pas tenu d'examiner la demande de M. A en date du 10 juillet 2008 sollicitant la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint d'un ressortissant français et d'un visa long séjour puisqu'elle n'a pas été présentée selon les formes requises ; qu'enfin, une mesure d'éloignement peut être prise et exécutée lorsque la situation d'un étranger entre dans le champ d'application de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A et, d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du vendredi 22 août 2008 à 14 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Hazan, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat représentant M. A ;

- M. et Mme A ;

- Me Odent, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat représentant le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a décidé de prolonger l'instruction jusqu'au mardi 26 août 2008 à douze heures ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 août 2008, présenté pour le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui indique que le préfet du Rhône a abrogé la décision de refus de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français opposée à M. A et délivré un titre de séjour à l'intéressé ; le ministre demande en conséquence au juge des référés de constater que la requête de M. A est devenue sans objet ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 août 2008, présenté pour M. A ; M. A s'en remet à la sagesse du juge des référés du Conseil d'Etat sur la question de savoir si son appel conserve un objet ; il maintient en revanche ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public (...) aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale » ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. Ali A, de nationalité pakistanaise, né en 1982, est entré régulièrement en France, le 4 juillet 2001, sous le couvert d'un visa de court séjour ; qu'il s'est toutefois maintenu irrégulièrement sur le territoire après l'expiration de ce visa ; qu'il s'est marié, le 23 octobre 2004, avec une ressortissante française et qu'à la suite de ce mariage, un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale » lui a été délivré le 18 juillet 2005 par le préfet du Rhône ; que le couple s'est séparé en 2006 et que le divorce de M. A et de son épouse a été prononcé par le tribunal de grande instance de Lyon le 18 février 2008 ; qu'en raison de la rupture de la vie commune, le préfet du Rhône avait refusé, le 14 février 2008, de renouveler le titre de séjour de M. A et assorti ce refus de l'obligation de quitter le territoire français ; que, postérieurement à cette décision, M. A a contracté, le 5 juillet 2008, un second mariage avec une ressortissante française, avec laquelle il menait une vie commune depuis mars 2007 ; qu'il a alors sollicité, le 10 juillet 2008, un visa de long séjour et une carte de séjour portant la mention « vie privée et familiale » ;

Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 212-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans la rédaction que lui a donnée la loi du 24 juillet 2006 : « Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour » ;

Considérant que ces dispositions législatives ouvrent la possibilité à un étranger qui est entré régulièrement en France et qui a épousé en France un ressortissant français de présenter au préfet une demande de visa de long séjour, sans avoir à retourner à cette fin dans son pays d'origine, à condition d'avoir séjourné en France plus de six mois avec son conjoint ; qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions, éclairées au surplus par les travaux préparatoires, que la durée de six mois de vie commune avec le conjoint français qu'elles exigent s'apprécie quelle que soit la date du mariage ; que telle est d'ailleurs l'interprétation retenue par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et le ministre des affaires étrangères dans une circulaire qu'ils ont adressée aux préfets le 19 mars 2007 ; qu'en jugeant que M. A ne pouvait bénéficier de l'application de l'article L. 212-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif qu'il ne justifiait pas de six mois de vie commune avec son conjoint français postérieurement à son mariage, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a, en conséquence, entaché son ordonnance d'une erreur de droit ;

Mais considérant que, postérieurement à l'introduction du pourvoi, le préfet du Rhône a abrogé la décision de refus de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français opposée à M. A et délivré à l'intéressé un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale » ; que les conclusions de la requête d'appel de M. A tendant à l'application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative sont en conséquence devenues sans objet ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : Il n'y pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête d'appel de M. Ali A tendant à l'application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative.

Article 2 : L'Etat versera à M. Ali A la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Ali A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 319941
Date de la décision : 26/08/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-02 ÉTRANGERS. SÉJOUR DES ÉTRANGERS. AUTORISATION DE SÉJOUR. OCTROI DU TITRE DE SÉJOUR. - POSSIBILITÉ DE DEMANDER UN VISA DE LONG SÉJOUR EN CAS DE MARIAGE AVEC UN RESSORTISSANT FRANÇAIS (ART. L. 212-2-1 DU CODE DE L'ENTRÉE ET DU SÉJOUR DES ÉTRANGERS ET DU DROIT D'ASILE) - CONDITION D'UN SÉJOUR EN FRANCE DE PLUS DE SIX MOIS AVEC LE CONJOINT - APPRÉCIATION INDIFFÉRENTE DE LA DATE DU MARIAGE - CONSÉQUENCE - ERREUR DE DROIT À AVOIR CALCULÉ LE DÉLAI POSTÉRIEUREMENT À LA DATE DU MARIAGE.

335-01-02-02 Les dispositions de l'article L. 212-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ouvrent la possibilité à un étranger qui est entré régulièrement en France et qui y a épousé un ressortissant français de présenter au préfet une demande de visa de long séjour, sans avoir à retourner à cette fin dans son pays d'origine, à la condition d'avoir séjourné en France plus de six mois avec son conjoint. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions, éclairées au surplus par les travaux préparatoires, que la durée exigée de six mois de vie commune avec le conjoint français s'apprécie quelle que soit la date du mariage. Erreur de droit par conséquent à avoir jugé que l'intéressé ne pouvait bénéficier des dispositions de l'article L. 212-2-1 au motif qu'il ne justifiait pas de six mois de vie commune avec son conjoint français postérieurement à son mariage.


Publications
Proposition de citation : CE, 26 aoû. 2008, n° 319941
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Bernard Stirn
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; ODENT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:319941.20080826
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