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28/08/2008 | FRANCE | N°317757

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 28 août 2008, 317757


Vu la requête, enregistrée le 27 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Fettouma A épouse B, demeurant ... ; Mme B demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du consul général de France à Agadir refusant la délivrance d'un visa long séjour en faveur de l'en

fant Ouijdane C ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'inté...

Vu la requête, enregistrée le 27 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Fettouma A épouse B, demeurant ... ; Mme B demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du consul général de France à Agadir refusant la délivrance d'un visa long séjour en faveur de l'enfant Ouijdane C ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer sa demande de visa dans un délai de quinze jours ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que la condition d'urgence est remplie dans la mesure où l'enfant, âgée seulement de quelques mois, est tenue éloignée d'elle ; que la décision contestée méconnaît les stipulations de la convention internationale relative aux droits de l'enfant; que cette décision porte, en outre, atteinte au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale, tel que garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le refus de visa litigieux fait obstacle, en violation des dispositions de la convention franco-marocaine d'aide mutuelle judiciaire, d'exequatur des jugements et d'extradition du 5 octobre 1957, à l'exécution de la décision dite de kafala en date du 9 janvier 2008 la désignant en qualité de tutrice de l'enfant ;

Vu la copie du recours présenté le 3 juin 2008 à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu la copie de la requête en annulation présentée par Mme B ;

Vu, enregistré le 14 août 2008, le mémoire présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que Mme B s'est livrée, en l'espèce, à un détournement de la procédure d'adoption internationale ; que cette circonstance est constitutive d'un motif d'ordre public de nature à justifier le refus des autorités consulaires de délivrer le visa sollicité pour le compte de l'enfant Ouidjane ; que le jugement de kafala n'a pas été précédé d'une enquête permettant d'établir les capacités de la requérante à assurer l'accueil et l'entretien de l'enfant et qu'il n'est pas établi que celle-ci entretient avec l'enfant des relations régulières ; que dans ces circonstances, Mme B n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée serait contraire à l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; que, de la même manière, aucune violation des articles 7-1, 9-1, 10-1 de cette convention ne peut être alléguée dans la mesure où, d'une part, Mme B et l'enfant Ouijdane ne sont pas empêchées par la décision contestée de maintenir des relations affectives et où, d'autre part, la délégation de l'autorité parentale ne crée aucun lien de filiation entre elles ; qu'en outre, la décision litigieuse, qui n'a pas pour effet de priver l'enfant de sa liberté ni de le soumettre à des traitements inhumains ou dégradants, n'a pas méconnu l'article 37-a de ladite convention ; que la décision dont il est demandé la suspension ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale de la requérante, qui ne démontre pas entretenir avec l'enfant, actuellement confiée à une nourrice, des relations régulières ; qu'au surplus, au stade de la présente instance, aucune exequatur du jugement de kafala n'a été prononcée par un tribunal ; qu'enfin, la condition d'urgence n'est pas satisfaite dans la mesure où Mme B ne justifie pas entretenir avec l'enfant des relations affectives et participer à son éducation et n'établit pas le danger que représenterait pour l'enfant son maintien au Maroc ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme A épouse B et d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 20 août 2008 à 14 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Bouzidi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme B ;

- Mme B ;

- la représentante de Mme B ;

- la représentante du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a décidé de prolonger l'instruction jusqu'au 27 août 2008 à 12 heures ;

Vu, enregistré le 22 août 2008, le mémoire complémentaire présenté pour Mme B, qui reprend les conclusions et les moyens de sa requête et produit différents documents destinés à attester des liens qu'elle entretient avec l'enfant et avec sa nourrice, des sommes qu'elle consacre à l'entretien de la jeune Ouijdane et de sa capacité à l'accueillir dans de bonnes conditions matérielles et familiales ;

Vu, enregistré le 25 août 2008, le nouveau mémoire présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire qui conclut au rejet de la requête par les motifs précédemment développés par le ministre ; le ministre ajoute que les documents complémentaires produits sont trop imprécis pour établir la réalité des allégations de la requérante ;

Vu, enregistré le 26 août 2008, le nouveau mémoire présenté par Mme B, qui produit des documents complémentaires à l'appui de ses allégations ;

Vu, enregistré le 27 août 2008, le nouveau mémoire présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui maintient les conclusions de ses précédents mémoires, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu la convention franco-marocaine d'aide mutuelle judiciaire, d'exequatur des jugements et d'extradition du 5 octobre 1957 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant qu'en vertu de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis au juge des référés que Mme Fettouma A, épouse B, de nationalité française comme son mari, a obtenu d'un jugement du juge des tutelles du tribunal de première instance d'Agadir (Maroc) une mesure de kafala à l'égard de la jeune Ouijdane C, née le 9 septembre 2007, de père inconnu et abandonnée par sa mère ; qu'elle demande la suspension de l'exécution de la décision par laquelle le consul général de France à Agadir a refusé de délivrer à la jeune Ouijdane un visa d'entrée en France ;

Considérant que la délégation de l'autorité parentale décidée par les autorités judiciaires marocaines, qui n'a pas été rendue exécutoire en France, n'implique pas par elle-même la délivrance du visa sollicité ; qu'à l'appui de son projet, Mme B fait valoir son souci de prendre en charge une enfant abandonnée et d'élever une petite fille, alors que les quatre enfants, âgés de dix à seize ans, nés de son mariage sont des garçons ;

Considérant que l'instruction écrite, les débats au cours de l'audience publique et les productions complémentaires qui l'ont suivie font ressortir que le projet de venue en France de la jeune Ouijdane repose, de la part de Mme B et des membres de sa famille, sur des motivations sérieuses et dignes de considération ; que, toutefois, la procédure de référé n'a pas permis de lever toutes les interrogations, d'ordre à la fois matériel et familial, que suscitent les conditions d'accueil d'un jeune enfant supplémentaire par une famille qui comprend déjà quatre enfants et dont les parents sont nés respectivement en 1954 pour Mme B et en 1920 pour son époux ; que la jeune Ouijdane est prise en charge dans des conditions correctes au Maroc ; qu'ainsi l'ensemble des circonstances de l'espèce ne fait pas apparaître, en l'état de la procédure, et au regard tant de l'intérêt supérieur de l'enfant que du droit de M. et Mme B au respect de leur vie privée et familiale, une situation d'urgence ; qu'il appartient à Mme B d'apporter le cas échéant à l'administration des précisions complémentaires sur sa contribution à l'entretien de l'enfant, ses liens avec celle-ci et sa nourrice, les conditions exactes d'accueil et d'hébergement qu'elle prévoit ; qu'une procédure est par ailleurs en cours devant l'autorité judiciaire afin que la décision du tribunal de première instance d'Agadir soit rendue exécutoire en France ; que, si le cours ultérieur du dossier peut en conséquence connaître des évolutions, la requête, y compris ses conclusions à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peut, faute d'urgence, qu'être rejetée ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de Mme Fettouma A épouse B est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme Fettouma A épouse B et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 317757
Date de la décision : 28/08/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 aoû. 2008, n° 317757
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Bernard Stirn
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:317757.20080828
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