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29/08/2008 | FRANCE | N°294352

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 29 août 2008, 294352


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 juin et 16 octobre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Robert A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 11 avril 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 23 mars 2004 du tribunal administratif d'Amiens rejetant sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1994 et de

s intérêts de retard correspondants ;

2°) de mettre à la charge de l'Et...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 juin et 16 octobre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Robert A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 11 avril 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 23 mars 2004 du tribunal administratif d'Amiens rejetant sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1994 et des intérêts de retard correspondants ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Patrick Quinqueton, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Choucroy, Gadiou, Chevallier, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de son activité d'entraîneur de chevaux de course, l'administration fiscale a rehaussé les bénéfices industriels et commerciaux réalisés par M. A au cours de l'exercice clos en 1994, à hauteur de la réintégration d'une dette de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 1 350 579 F (205 898 euros) et d'une provision pour créance douteuse sur l'un de ses clients d'un montant de 1 241 842 F (189 320 euros) ; que M. A se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 11 avril 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a confirmé le jugement du 23 mars 2004 du tribunal administratif d'Amiens rejetant sa demande de décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1994 ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant que la cour n'a pas répondu aux moyens soulevés par M. A dans un mémoire présenté par lui le 24 mars 2006 et d'ailleurs visé par l'arrêt attaqué ; que si ce mémoire présenté par le requérant et non par un mandataire, en violation des dispositions de l'article R. 811-7 du code de justice administrative, devait être regardé comme irrégulièrement présenté dès lors qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour que l'obligation de recourir en appel à un avocat ou à un mandataire assimilé était explicitement mentionnée dans la notification du jugement attaqué, la cour ne pouvait sans irrégularité omettre de se prononcer sur ce point ; que, par suite, M. A est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur l'extinction d'une dette de taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que le contribuable aurait été privé d'une garantie de procédure prévue par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié au motif que le supérieur hiérarchique du vérificateur qui l'a reçu à sa demande avait préalablement visé la notification de redressements le concernant n'est pas fondé ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales : La prescription est interrompue (...) par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables (...) ; que, pour l'application de ces dispositions, les faits interruptifs de prescription ne peuvent résulter que d'un acte ou d'une démarche par lesquels le redevable se réfère clairement à une créance définie par sa nature, son montant et l'identité du créancier ; qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a réintégré dans le bénéfice imposable le montant correspondant à des droits prescrits de la dette de taxe sur la valeur ajoutée inscrite au bilan d'ouverture de l'exercice 1994, à hauteur de la différence entre la somme inscrite comme dette de taxe sur la valeur ajoutée soit 1 350 579,99 F, et le montant de la taxe dont l'exigibilité n'était pas encore intervenue soit 453 111,07 F ; que c'est à bon droit que, à défaut de précisions sur la date et la nature des opérations auxquelles se rattachent les droits de taxe sur la valeur ajoutée en cause, la dette envers le Trésor a été regardée, à hauteur de 897 468, 92 F, comme n'étant certaine ni dans son principe ni dans son montant ; qu'en outre, la documentation de base 13 L-1211 ne donne pas une interprétation différente de la loi fiscale ;

Sur la réintégration d'une provision pour créance douteuse :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés à l'appui des conclusions relatives à la réintégration de cette provision ;

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : (...) / 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) / Les provisions qui, en tout ou en partie, reçoivent un emploi non conforme à leur destination ou deviennent sans objet au cours d'un exercice ultérieur sont rapportées aux résultats dudit exercice. Lorsque le rapport n'a pas été effectué par l'entreprise elle-même, l'administration peut procéder aux redressements nécessaires dès qu'elle constate que les provisions sont devenues sans objet. Dans ce cas, les provisions sont, s'il y a lieu, rapportées aux résultats du plus ancien des exercices soumis à vérification (...) ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la provision pour créance douteuse sur l'entreprise Sphinx constituée par le contribuable au cours de l'exercice clos en 1993 l'a été en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendaient probables, et qu'elle a été effectivement passée dans les écritures de cet exercice ; que, toutefois, le caractère définitivement irrecouvrable de la créance qui avait justifié cette provision a été constaté au cours du même exercice 1993 ; qu'elle a ensuite été virée au compte courant d'exploitant de M. A ; qu'ainsi aucune provision n'a été déduite du bénéfice imposable au titre de l'exercice clos en 1994 ; qu'en application des dispositions précitées du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, le montant de la provision en cause, qui n'a pas reçu lors de l'exercice 1994 un emploi non conforme à sa destination et n'est pas devenue sans objet au cours d'un exercice ultérieur, ne doit pas être rapporté au résultat de l'exercice 1994 ; que M. A est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions tendant à la décharge du supplément d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre de l'année 1994, en tant qu'il résulte de la réintégration de cette provision ;

Sur les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de cet article et de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 500 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 11 avril 2006 de la cour administrative d'appel de Douai est annulé.

Article 2 : M. A est déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1994 à raison de la réintégration d'une provision pour créance douteuse.

Article 3 : Le jugement du 23 mars 2004 du tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A devant la cour administrative d'appel de Douai est rejeté.

Article 5 : L'Etat versera à M. A une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Robert A et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 294352
Date de la décision : 29/08/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 29 aoû. 2008, n° 294352
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Patrick Quinqueton
Rapporteur public ?: M. Olléon Laurent
Avocat(s) : SCP CHOUCROY, GADIOU, CHEVALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:294352.20080829
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