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24/09/2008 | FRANCE | N°306907

France | France, Conseil d'État, 4ème sous-section jugeant seule, 24 septembre 2008, 306907


Vu 1°), sous le n° 306907, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 juin et 25 septembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SAS MAZAGRAN SERVICE, dont le siège est Zone industrielle à Avallon (89200) ; la SAS MAZAGRAN SERVICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 24 avril 2007 par laquelle la commission nationale d'équipement commercial a annulé la décision de la commission départementale d'équipement commercial de la Nièvre du 5 octobre 2006 et a accordé à la SCI Krakus l'autorisation préal

able requise pour exploiter un magasin à dominante alimentaire d'une surfac...

Vu 1°), sous le n° 306907, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 juin et 25 septembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SAS MAZAGRAN SERVICE, dont le siège est Zone industrielle à Avallon (89200) ; la SAS MAZAGRAN SERVICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 24 avril 2007 par laquelle la commission nationale d'équipement commercial a annulé la décision de la commission départementale d'équipement commercial de la Nièvre du 5 octobre 2006 et a accordé à la SCI Krakus l'autorisation préalable requise pour exploiter un magasin à dominante alimentaire d'une surface de vente de 780 m², à l'enseigne Ecomarché sur le territoire de la commune de Châtillon-en-Bazois (Nièvre) ;

2°) de mettre à la charge solidaire de la SCI Krakus et de l'Etat la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°), sous le n° 306908, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 juin et 25 septembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SAS MAZAGRAN SERVICE, représentée par son représentant en exercice, dont le siège est Zone industrielle à Avallon (89200) ; la SAS MAZAGRAN SERVICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 24 avril 2007 par laquelle la commission nationale d'équipement commercial a annulé la décision de la commission départementale d'équipement commercial de la Nièvre du 5 octobre 2006 et a accordé à la SCI Krakus l'autorisation préalable requise pour exploiter une station de distribution de carburants d'une surface de vente de 82 m² et comportant deux positions de ravitaillement, attenante au supermarché à l'enseigne Ecomarché sur le territoire de la commune de Châtillon-en-Bazois (Nièvre) ;

2°) de mettre à la charge solidaire de la SCI Krakus et de l'Etat la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de commerce ;

Vu la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 modifiée ;

Vu le décret n° 93-306 du 9 mars 1993 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Gérard-David Desrameaux, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SAS MAZAGRAN SERVICE,

- les conclusions de M. Yves Struillou, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la SAS MAZAGRAN SERVICE conteste les décisions du 24 avril 2007 par laquelle la commission nationale d'équipement commercial a accordé à la société Krakus l'autorisation préalable requise en vue de créer, d'une part, un magasin à dominante alimentaire d'une surface de vente de 780 m² à l'enseigne Ecomarché et, d'autre part, une station de distribution de carburants d'une surface de 82 m² et comportant deux postes de ravitaillement, sur le territoire de la commune de Châtillon-en-Bazois (Nièvre) ; qu'il y a lieu de joindre les requêtes tendant à l'annulation de ces deux décisions pour statuer par une même décision ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision d'autorisation du supermarché :

Sur le moyen tiré de l'absence de titre habilitant le pétitionnaire à construire :

Considérant qu'aux termes de l'article 18 du décret du 9 mars 1993 : La demande d'autorisation (...) est présentée soit par le propriétaire de l'immeuble, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain ou à exploiter commercialement l'immeuble ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de l'attestation de la société Sipac du 14 juin 2006, que cette dernière, propriétaire des parcelles AP 45 et AP 47 à Châtillon-en-Bazois, dont 20 000 m² constituent le terrain d'assiette du projet contesté, a autorisé la société Krakus à déposer un dossier devant la commission départementale d'équipement commercial en vue de l'exploitation d'un magasin de distribution alimentaire de 780 m² et d'une station de distribution de carburants attenante ; que le pétitionnaire a pu ainsi justifier, au cours de la procédure d'autorisation, par cette attestation qui ne comporte pas de limite de validité, d'un titre l'habilitant à exploiter commercialement ces immeubles ; qu'il a, par suite, satisfait à la condition posée par l'article 18 du décret du 9 mars 1993 ; que le moyen tiré de la méconnaissance de cette disposition doit, dès lors être écarté ;

Sur le moyen tiré des insuffisances du dossier de présentation :

Considérant que le projet autorisé, dont il ressort des pièces du dossier, notamment du plan annexé, que le supermarché comporte une surface de vente totale de 780 m², n'entrait pas dans la catégorie des équipements dont la demande d'autorisation doit être accompagnée d'une étude d'impact et d'une attestation du propriétaire de l'enseigne ; que le moyen tiré de l'absence de ces documents est, par suite, inopérant ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce, la commission nationale d'équipement commercial statue en prenant en considération : 1° l'offre et la demande globales pour chaque secteur d'activité dans la zone de chalandise concernée ; / - l'impact global du projet sur les flux de voitures particulières et de véhicules de livraison ; / - la qualité de la desserte en transport public ou avec des modes alternatifs ; / - les capacités d'accueil pour le chargement et le déchargement des marchandises ; / 2° La densité d'équipement en moyennes et grandes surfaces dans cette zone ; / 3° L'effet potentiel du projet sur l'appareil commercial et artisanal de cette zone et des agglomérations concernées, ainsi que sur l'équilibre souhaitable entre les différentes formes de commerce. (...) / 4° L'impact éventuel du projet en termes d'emplois salariés et non salariés ; / 5° Les conditions d'exercice de la concurrence au sein du commerce et de l'artisanat ;

Considérant que pour l'application de ces dispositions, la zone de chalandise de l'équipement commercial faisant l'objet d'une demande d'autorisation, qui correspond à la zone d'attraction que cet équipement est susceptible d'exercer sur la clientèle, est délimitée en tenant compte des conditions de desserte et des temps de déplacement nécessaires pour y accéder ; que, dans un second temps, l'inventaire des équipements commerciaux ou artisanaux de la zone de chalandise ainsi délimitée est effectué en retenant l'ensemble de ceux qui relèvent du même secteur d'activité que celui du projet, y compris ceux qui sont exploités sous la même enseigne que celle sous laquelle le projet, objet de l'autorisation, a été présenté ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de ses demandes d'autorisation d'équipement commercial, la société Krakus a délimité une zone de chalandise correspondant à un temps de trajet d'accès au site d'une quinzaine de minutes et comportant 5 982 habitants ; que, toutefois, les services instructeurs ont élargi la zone d'influence de cet équipement pour y inclure les communes de Moulins-Engilbert, qui compte également un supermarché, ainsi que de Dommartin et de Saint-Pereuse ; qu'il a pu légalement ne pas être tenu compte des communes de Billy-Chevannes, Cisely et Anlezy, qui sont situées à plus de quinze minutes du site du projet ; que l'exclusion des communes de Montigny-sur-Canne et de Dun-sur-Grandy, en admettant même qu'elles soient situées à quinze minutes du site, a été sans influence sur l'appréciation portée par la commission nationale d'équipement commercial, dès lors qu'elles ne comptent ensemble que 355 habitants et ne comportent aucun équipement commercial ;

Considérant que si la requérante soutient que certaines données ou affirmations contenues dans le dossier des pétitionnaires, notamment en ce qui concerne l'évaluation du marché théorique et de la population touristique permettant d'analyser les effets du projet sur l'équilibre entre les différentes formes de commerce, seraient inexactes ou lacunaires, ces insuffisances, à les supposer établies, n'entachent pas d'illégalité la décision attaquée, dès lors que la commission nationale d'équipement commercial disposait de tous les renseignements utiles, apportés par les services instructeurs et fondés sur les données publiées par l'association des chambres françaises de commerce et d'industrie et de l'institut national des statistiques et études économiques ; que l'analyse du pétitionnaire relative à l'impact du projet sur les flux de circulation sur les voies à l'intersection desquelles il sera implanté, a été complétée par les services de la direction départementale de l'équipement qui ont émis un avis favorable et exposée dans le rapport du commissaire du gouvernement devant la commission nationale d'équipement commercial ;

Sur le moyen tiré de l'inexacte appréciation portée par la commission nationale d'équipement commercial sur les effets du projet :

Considérant que, pour l'application combinée des dispositions de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et des articles L.750-1 et L. 752-6 du code de commerce, il appartient aux commissions d'équipement commercial, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier si un projet soumis à autorisation est de nature à compromettre, dans la zone de chalandise intéressée, l'équilibre recherché par le législateur entre les diverses formes de commerce et, dans l'affirmative, de rechercher si cet inconvénient est compensé par les effets positifs du projet appréciés, d'une part, en tenant compte de sa contribution à l'emploi, à l'aménagement du territoire, à la concurrence, à la modernisation des équipements commerciaux et, plus généralement, à la satisfaction des besoins des consommateurs et d'autre part, en évaluant, son impact sur les conditions de circulation et de stationnement aux abords du site envisagé ;

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que, selon les recensements provisoires réalisés par l'INSEE entre 2004 et 2006 pour quinze des vingt-quatre communes de la zone de chalandise, dont la commission nationale d'équipement commercial a pu tenir compte, la tendance à la baisse démographique, constatée dans ces communes entre les recensements généraux de 1990 et 1999, s'est infirmée de telle sorte que la population de la zone de chalandise était en 2006 presque identique à celle de 1999 ;

Considérant, d'autre part, qu'après réalisation du projet autorisé, la densité commerciale, dans la zone de chalandise, des établissements commerciaux de plus de 300 m2 à dominante alimentaire, y compris les hypermarchés, sera de 308 m2 et restera ainsi inférieure à la moyenne départementale de 437 m2 et à la moyenne nationale de 310 m2 pour mille habitants ; qu'ainsi, le projet ne se traduit pas par un déséquilibre entre les différentes formes de commerce ;

Considérant, enfin, que le moyen tiré de ce que le projet contesté méconnaîtrait les orientations du schéma départemental de développement commercial de la Nièvre, lesquelles sont dépourvues de valeur contraignante, est inopérant ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SAS MAZAGRAN SERVICE n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Sur l'autorisation relative à la création d'une station de distribution de carburants :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 752-1 du code de commerce : I- Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet (...) : 4° La création ou l'extension de toute installation de distribution au détail de combustibles et de carburants, quelle qu'en soit la surface de vente, annexée à un magasin de commerce de détail mentionné au 1º ci-dessus ou à un ensemble commercial mentionné au 3º ci-dessus (...) ;

Considérant, en premier lieu, que si, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de la commission nationale d'équipement commercial, les décisions qu'elle prend doivent être motivées, cette obligation n'implique pas que la commission soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect par le projet qui lui est soumis de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables ; qu'en motivant sa décision en se référant notamment aux caractéristiques du projet, à l'amélioration de l'offre commerciale, à la réduction de l'évasion commerciale et à l'attractivité des prix, la commission nationale a satisfait à cette obligation ; que le moyen tiré d'une motivation insuffisante doit donc être écarté ;

Considérant, en second lieu, que les autres moyens invoqués par la requérante à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'autorisation délivrée en vue de l'exploitation de la station de distribution de carburants sont les mêmes que ceux dirigés contre la décision du même jour d'autorisation du supermarché ; qu'il y a lieu, par les mêmes motifs, de les écarter ; que, dès lors, la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SCI Krakus et de l'Etat la somme que demande à ce titre la SAS MAZAGRAN SERVICE ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SAS MAZAGRAN SERVICE la somme de 5 000 euros à verser à la société Krakus au même titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les requêtes de la SAS MAZAGRAN SERVICE sont rejetées.

Article 2 : La SAS MAZAGRAN SERVICE versera à la société Krakus la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SAS MAZAGRAN SERVICE, à la société Krakus, à la commission nationale d'équipement commercial et au ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.


Synthèse
Formation : 4ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 306907
Date de la décision : 24/09/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 sep. 2008, n° 306907
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Silicani
Rapporteur ?: M. Gérard-David Desrameaux
Rapporteur public ?: M. Struillou Yves
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:306907.20080924
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