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02/10/2008 | FRANCE | N°319992

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 02 octobre 2008, 319992


Vu la requête, enregistrée le 22 août 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Bruno A demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté n° 2008-00439 en date du 30 juin 2008 relatif aux missions et à l'organisation de la direction de la police générale en tant qu'il supprime ses fonctions et les redistribue entre un directeur de cabinet, poste nouvellement créé, et le sous-directeur de l'administration des étrangers ;



il soutient que la condition d'urgence est remplie dans la mesu...

Vu la requête, enregistrée le 22 août 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Bruno A demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté n° 2008-00439 en date du 30 juin 2008 relatif aux missions et à l'organisation de la direction de la police générale en tant qu'il supprime ses fonctions et les redistribue entre un directeur de cabinet, poste nouvellement créé, et le sous-directeur de l'administration des étrangers ;

il soutient que la condition d'urgence est remplie dans la mesure où l'arrêté contesté a pour effet de le priver immédiatement et définitivement de ses fonctions ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'acte contesté ; que l'administration ne l'a pas mis en mesure de demander la communication de son dossier avant de prendre l'acte attaqué alors même que cette mesure a été prise en considération de sa personne ; que la mesure litigieuse constitue en réalité une sanction disciplinaire déguisée dans la mesure où cette décision n'a pas été prise dans l'intérêt du service mais seulement dans le but de le priver de ses fonctions ; qu'il en découle que l'autorité administrative aurait dû respecter les règles de la procédure disciplinaire ; qu'ainsi, en procédant à une telle réorganisation du service, l'autorité administrative a méconnu, d'une part, le principe de la présomption d'innocence et, d'autre part, son obligation de neutralité ; que l'acte attaqué, en le privant définitivement de ses fonctions sans qu'un intérêt public le justifie, porte également atteinte à la liberté du travail ; qu'enfin, l'administration a méconnu l'obligation qui lui incombe en vertu de l'article 11 alinéa 3 de la loi du 13 juillet 1983 de protéger ses agents contre les injures, diffamations ou outrages dont ils peuvent être victimes dans le cadre de leurs fonctions ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 22 août 2008, présenté par M. A qui persiste dans ses conclusions ; il soutient, en outre, que l'arrêté contesté, en le privant définitivement de ses fonctions, porte atteinte à ses prérogatives et constitue par conséquent une mesure susceptible de recours ; que l'autorité administrative a méconnu les dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 en refusant de le rétablir dans ses fonctions alors que le délai de quatre mois prévu par ce texte est désormais écoulé ; que, en outre, l'administration ne lui a pas proposé, à défaut de sa réintégration dans son emploi d'origine, un autre emploi de caractère équivalent et correspondant à son profil et son parcours professionnel ;

Vu les dispositions de l'arrêté du 30 juin 2008 dont la suspension est demandée ;

Vu la requête à fin d'annulation des dispositions de l'arrêté litigieux ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2008, présenté pour le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, qui conclut au rejet de la requête ; il observe que la requête en référé introduite par M. A paraît ne pas relever de la compétence du Conseil d'Etat ; que la condition d'urgence n'est pas satisfaite ; que, d'une part, l'arrêté litigieux est entièrement exécuté ce qui rend la demande dépourvue d'objet et que, d'autre part, un nouveau poste de responsabilité équivalente a été proposé au requérant, lequel a refusé de l'occuper ; que contrairement à ce que soutient M. A, l'arrêté contesté qui procède à la réorganisation d'un des services de la préfecture de police de Paris ne constitue pas une sanction déguisée ; qu'en effet, cette réorganisation a été mise en oeuvre dans l'intérêt du service considéré et non dans le but de porter atteinte aux droits du requérant ; que c'est également à tort que M. A fait valoir que l'arrêté litigieux porte atteinte à ses fonctions et à ses prérogatives ; que de même, et contrairement à ce qu'allègue le requérant, l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ne fait pas obligation à l'administration de protéger ses agents contre les procédures judiciaires qu'ils subissent en raison des fautes graves qu'ils ont commises ; qu'enfin, le requérant n'est pas non plus fondé à soutenir que l'acte attaqué porterait atteinte à la liberté du travail puisqu'une nouvelle mission lui a été confiée par un arrêté en date du 31 juillet 2008 ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 19 septembre 2008, présenté par M. A, qui conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens ; il soutient en outre qu'il existe un lien de connexité entre les différentes requêtes qu'il a introduites devant le Conseil d'Etat, ce qui tend à confirmer la recevabilité de la présente requête ; que le caractère urgent de la situation est renforcé par le fait que certaines de ses anciennes attributions ont été confiées à d'autres fonctionnaires ; que l'arrêté de nomination du 31 juillet 2008 dont fait état l'administration n'a été porté à sa connaissance que le 16 septembre 2008 et ne peut, par conséquent, lui être opposable qu'à partir de cette date ; que l'arrêté du 9 septembre 2002 par lequel il a antérieurement été nommé n'a pas été abrogé ; que l'arrêté attaqué est entaché d'illégalité externe puisque d'une part il n'a pas été pris sur proposition de la même personne que l'arrêté qui l'avait suspendu de ses fonctions et qu'ainsi le principe du parallélisme des formes n'a pas été respecté, et que d'autre part il n'a pas été mis en mesure de s'exprimer et d'avoir accès à son dossier ; que l'arrêté de nomination est entaché d'illégalité interne puisque l'emploi auquel l'administration entend le nommer est inexistant ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part M. A, et d'autre part, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales;

Vu le procès verbal de l'audience publique du lundi 22 septembre 2008 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Francis Boucard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du requérant ;

- M. A ;

- Me Jean-François BOUTET, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'administration ;

- les représentants du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 26 septembre 2008, présenté par M. A, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et demande en outre au juge des référés du Conseil d'Etat de prononcer la nullité de l'arrêté ministériel de nomination du 31 juillet 2008 ; il soutient que l'inspection générale des services a violé le secret de l'instruction et a exercé sur lui des violences psychologiques ; que l'absence de convocation au conseil de discipline et sa réintégration professionnelle constituent des aveux tacites ; qu'il n'a commis aucune faute professionnelle ; qu'il ressort des conditions dans lesquelles il a été accueilli le 23 septembre lorsqu'il s'est présenté au poste auquel l'administration l'a nommé qu'aucun emploi correspondant à ce poste n'existe en réalité ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2008, présenté pour le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales qui conclut au rejet de la requête, par les mêmes moyens ; il soutient en outre que le régime indemnitaire du requérant n'avait pas été rétabli en raison de son refus de signer la notification de sa nouvelle affectation, que cette situation sera néanmoins régularisée sur son traitement du mois d'octobre 2008 ; que le poste qui lui est proposé ne comprend certes pas d'activité d'encadrement mais inclut des missions dont l'importance ne doit pas être minimisée et que les avantages indemnitaires dont il bénéficiait auparavant sont maintenus, à l'exception toutefois de son véhicule de service ; que, contrairement à ce qu'il allègue, M. A a été informé dès le 18 août 2008 de son affectation au laboratoire central ; qu'enfin la mesure de réorganisation ne visait pas la personne du requérant mais concerne plusieurs directions et services de la police générale ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 1er octobre 2008, présenté par M. A, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et demande en outre au juge des référés du Conseil d'Etat de prononcer la nullité de la décision préfectorale de mise en demeure du 25 août 2008, d'enjoindre au ministère de l'intérieur d'abroger l'arrêté de suspension, d'enjoindre à la préfecture de police de lui confier provisoirement des attributions en rapport avec la délivrance de titres aux ressortissants français ; il soutient que la mise en demeure du 25 août 2008 de rejoindre le poste auquel il avait été affecté ne lui a été notifiée que le 22 septembre 2008 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Bruno A, administrateur civil hors classe, exerçait depuis le 16 septembre 2002 les fonctions de chargé de mission auprès du directeur de la police générale à la préfecture de police ; qu'à ce titre, il avait notamment à suivre des dossiers relatifs à la situation administrative des étrangers ; que, par ordonnance du 20 décembre 2007, le vice-président chargé de l'instruction au tribunal de grande instance de Paris l'a mis en examen pour avoir « établi des attestations ou certificats faisant état de faits matériellement inexacts, en l'espèce des attestations d'hébergement remises à des étrangers en vue de leur utilisation dans le cadre de procédures administratives relatives à leur séjour en France » ; que cette même ordonnance a placé M. A sous contrôle judiciaire et lui a interdit de se livrer à des activités professionnelles « en lien avec des étrangers demandeurs au séjour » ; qu'à la suite de cette ordonnance, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a, par une décision du 4 janvier 2008, suspendu M. A de ses fonctions ; que l'arrêté en date du 30 juin 2008, dont il est demandé la suspension, a procédé à la réorganisation des services de la direction de la police générale à la préfecture de police ; que si, par arrêté en date du 31 juillet 2008, M. A a été affecté en qualité de chargé de mission pour la modernisation et la performance au laboratoire central de la préfecture de police, il s'est refusé alors à occuper ces nouvelles fonctions en déniant la notification qui lui en avait été faite le 18 août 2008, antérieurement à la présente requête ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le poste attribué à M. A est de nature à correspondre à sa situation statutaire et assorti des éléments de rémunération dont il bénéficiait dans ses fonctions antérieures ; que M. A l'a occupé en définitive à compter du 23 septembre 2008, lendemain du jour où s'est tenue la première audience du juge des référés ; que dans ces conditions, en tout état de cause, eu égard à la date à laquelle cette fonction lui avait été attribuée, la condition d'urgence prévue par les dispositions précitées ne saurait être regardée comme remplie ; que ses conclusions en date du 22 août 2008 doivent être rejetées ; que par suite ses conclusions à fin d'injonction doivent être également rejetées ; qu'il en va de même, et pour les mêmes raisons, des conclusions présentées le 1er octobre 2008 à l'encontre de la mesure de suspension que M. A a déjà contestée devant le juge des référés ; qu'enfin ses conclusions à fin d'annulation présentées le même jour sont irrecevables dans le cadre d'une instance de référé-suspension ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. Bruno A est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Bruno A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 02 oct. 2008, n° 319992
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Schrameck
Rapporteur ?: M. Olivier Schrameck
Avocat(s) : SCP BOUTET ; SCP THOUIN-PALAT, BOUCARD

Origine de la décision
Formation : Juge des référés
Date de la décision : 02/10/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 319992
Numéro NOR : CETATEXT000019649373 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2008-10-02;319992 ?
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