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03/10/2008 | FRANCE | N°319938

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 03 octobre 2008, 319938


Vu la requête, enregistrée le 20 août 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Fatima A épouse B, demeurant ... ; Mme B demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, en date du 17 février 2008, a confirmé la décision du consul de France à Fès (Maroc) rejetant sa demande de visa de long séjour en qualité de con

jointe de ressortissant français ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'immig...

Vu la requête, enregistrée le 20 août 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Fatima A épouse B, demeurant ... ; Mme B demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, en date du 17 février 2008, a confirmé la décision du consul de France à Fès (Maroc) rejetant sa demande de visa de long séjour en qualité de conjointe de ressortissant français ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer sa demande de visa dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que sa requête est recevable ; que la condition d'urgence est satisfaite dans la mesure où la décision dont la suspension est demandée porte une atteinte grave et immédiate à ses intérêts ; qu'en effet elle vit séparée de son époux depuis leur mariage en juin 2004 et que sa demande de visa a été déposée il y a presque un an et demi, que par conséquent une atteinte grave est portée au droit au respect de la vie privée et familiale ; qu'il existe un doute sérieux sur la légalité de la décision litigieuse ; que, d'une part, cette décision est insuffisamment motivée, méconnaissant ainsi l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, puisqu'elle n'apporte aucun élément qui serait de nature à faire douter de l'intention matrimoniale des époux ; que, d'autre part, la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit puisque le tribunal de grande instance de Montpellier, saisi par le Procureur de la République, a refusé de prononcer l'annulation du mariage et que postérieurement à ce jugement, les autorités consulaires à Fès (Maroc), en rejetant la demande de visa au motif que l'intention de mener une vie commune n'est pas étayée, ont outrepassé leur compétence et méconnu l'autorité de la chose jugée ; qu'enfin la décision litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où de nombreux documents attestant de la réalité des liens qui unissent les époux ont été produits ;

Vu la copie de la requête en annulation présentée pour Mme B ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2008, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la seule séparation des époux, en l'absence de circonstances particulières, ne constitue pas une situation d'urgence ; qu'en effet il semble qu'ils ne se soient pas revus depuis leur mariage il y a quatre ans alors que M. C ne justifie pas ne pas pouvoir rendre visite à son épouse ; que c'est seulement sept mois après le jugement du tribunal de grande instance de Montpellier que Mme B a sollicité un visa en qualité de conjointe de ressortissant français ; que l'insuffisance de motivation alléguée par la requérante est un moyen inopérant puisque la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est substituée à la décision des autorités consulaires ; que les autorités consulaires, sans contester le jugement du tribunal de grande instance, pouvaient opposer à la requérante un refus de visa dans la mesure où le mariage semble avoir été contracté dans le seul objectif de permettre à la requérante de s'installer sur le territoire français et qu'ainsi les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés comme inopérants ; que par conséquent l'atteinte portée au droit au respect de la vie privée et familiale, alléguée par la requérante, ne saurait être retenue ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 24 septembre 2008, présenté pour Mme B qui persiste dans les conclusions de sa requête et soutient qu'en s'opposant à nouveau à l'attribution d'un visa après le jugement du TGI de Montpellier du 14 septembre 2006 l'administration met un obstacle manifestement illicite à l'exercice effectif du droit au mariage et viole directement l'article 8 de la CEDH ; qu'elle commet un détournement de pouvoir ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme B et, d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 25 septembre 2008 à 12 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Roger, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme B ;

- la représentante du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision... » ;

Considérant que par un jugement du 14 septembre 2006 le tribunal de grande instance de Montpellier a débouté le procureur de la République de sa demande en déclaration de nullité du mariage de M. C avec Mme A après avoir constaté que la communauté de vie entre les époux s'était poursuivie après le mariage célébré le 29 juin 2004 ; qu'est propre à créer un doute sérieux, en l' état de l'instruction, le moyen de Mme B selon lequel ce jugement faisait obstacle à ce que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France confirme la décision du consul de France à Fès (Maroc) du 15 octobre 2007 rejetant sa demande de visa de long séjour en qualité de conjointe de ressortissant français pour un motif tiré de l'absence d'intention des époux de mener une vie commune ; qu'eu égard à la durée de la séparation la condition d'urgence est remplie ; que, par suite, il y a lieu de suspendre la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer la demande de visa de Mme B dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ;

Considérant que dans les circonstances de l'affaire il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé la décision du consul de France à Fès (Maroc) rejetant la demande de visa de long séjour en qualité de conjointe de ressortissant français de Mme Fatima B est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer la demande de visa de Mme Fatima B dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance.

Article 3 : L'Etat versera à Mme Fatima B une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme Fatima B et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 319938
Date de la décision : 03/10/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 03 oct. 2008, n° 319938
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: M. Serge Daël
Avocat(s) : SCP ROGER, SEVAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:319938.20081003
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