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06/10/2008 | FRANCE | N°320477

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 06 octobre 2008, 320477


Vu la requête, enregistrée le 9 septembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Ahmed A, demeurant chez Mme Aïcha B, ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision du consul général de France à Fès (Maroc), en date du 24 septembre 2007, lui refusant un visa de long séjour en qualité de conjoint de ressortissante française ;

2°) d'enjoindre au consul général de France à Fès, sous astreinte de 100

euros par jour de retard, à titre principal, de délivrer le visa sollicité, à titre...

Vu la requête, enregistrée le 9 septembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Ahmed A, demeurant chez Mme Aïcha B, ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision du consul général de France à Fès (Maroc), en date du 24 septembre 2007, lui refusant un visa de long séjour en qualité de conjoint de ressortissante française ;

2°) d'enjoindre au consul général de France à Fès, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre principal, de délivrer le visa sollicité, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de la demande de visa dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que sa requête est recevable ; que la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, alors que la réalité et la sincérité de l'union ne sont pas contestées, il vit séparé de son épouse de nationalité française ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; que la décision du consul général de France à Fès est entachée d'un défaut de motivation alors qu'il est conjoint de ressortissante française ; qu'elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation en se fondant sur la menace à l'ordre public alors qu'un arrêt de la cour d'appel de Lyon du 27 octobre 2006 l'a relevé de la mesure d'interdiction du territoire français qui avait été prononcée à son encontre le 8 janvier 1998 et qu'il n'a plus commis d'infraction depuis sa sortie de prison en 2000 ; qu'alors que son nouveau mariage avec Mme C, le 21 juin 2005, a été transcrit sur les registres de l'état civil le 17 avril 2007 sans opposition du ministère public, ce qui atteste que l'intention matrimoniale des époux n'était pas contestée, et que la circonstance que les époux vivent séparés ne leur est pas imputable, la décision attaquée méconnaît les dispositions du 2° de l'article L. 211-2 et celles de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, en portant une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la décision du 31 juillet 2008 de la commission de recours contre les refus de visas d'entrée en France ;

Vu la copie de la requête en annulation présentée par M. A ;

Vu, enregistré le 29 septembre 2008, le mémoire en défense présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire qui conclut au rejet de la requête ; le ministre soutient que le moyen tiré du défaut de motivation de la décision du consul général de France à Fès du 24 septembre 2007 est inopérant dès lors que la décision du 31 juillet 2008 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est substituée à la première décision ; que les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation à avoir fondé la décision sur la menace à l'ordre public ne peuvent qu'être écartés dès lors que, d'une part, l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, qui ne pouvait que faire application des dispositions plus favorables du code pénal intervenues en 2003 et relève d'ailleurs, dans son arrêt, le risque de renouvellement de faits similaires à ceux ayant conduit aux condamnations, n'emporte par lui-même aucun droit à l'accès au territoire français, d'autre part, le nombre et la gravité des condamnations pénales infligées à M. A de 1989 à 1998, dont la dernière à cinq ans d'emprisonnement pour infraction à la législation sur les stupéfiants en récidive et la circonstance qu'il n'ait pas exercé d'activité professionnelle au Maroc depuis huit ans ne sont pas de nature à convaincre que son comportement pourrait changer ; que, n'établissant ni que son épouse et son enfant ou des membres de sa famille sont dans l'impossibilité de lui rendre visite au Maroc, ni qu'il participe à l'entretien de son épouse ou à l'éducation de son enfant en France, et compte tenu de la gravité des faits qui lui ont été reprochés, le refus de visa n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et, par suite, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, en raison du motif d'ordre public et de l'absence de recours formé contre les deux précédentes décisions de refus de visa qui lui ont été opposées par le consul général de France en décembre 2006 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part M. Ahmed A et d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du vendredi 3 octobre 2008 à 11 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Boucard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;

- l'épouse du requérant ;

- le représentant du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

Considérant qu'en raison des pouvoirs conférés à la commission de recours contre les refus de visas d'entrée en France, les décisions par lesquelles elle rejette, implicitement ou expressément, les recours introduits devant elle se substituent à celles des autorités diplomatiques ou consulaires ; que, par suite, les conclusions aux fins de suspension et d'injonction dirigées, non contre la décision de la commission, mais contre la décision initiale de refus prise par les autorités consulaires, sont irrecevables ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que le requérant a saisi du refus attaqué du consul général de France à Fès, comme il en avait l'obligation, la commission de recours, qui a rejeté le recours par une décision du 31 juillet 2008 qui s'est substituée à celle des autorités consulaires ; que les conclusions aux fins de suspension et d'injonction présentées par le requérant doivent, par suite, être regardées comme dirigées contre cette dernière décision et sont, dès lors, recevables ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumises au juge des référés que M. A, de nationalité marocaine, a fait l'objet de plusieurs condamnations pénales entre 1989 et 1998 dont l'une, le 8 janvier 1998, à cinq années de détention et interdiction définitive du territoire français, pour infraction à la législation sur les stupéfiants en situation de récidive ; qu'il a été expulsé vers le Maroc le 12 septembre 2000 ; qu'il a épousé le 22 juin 2005 Mme C, de nationalité française, avec laquelle il s'était déjà marié en 1989, avant qu'un divorce ne soit prononcé en janvier 1992 ; que, par un arrêt du 27 octobre 2006, la cour d'appel de Lyon, faisant application des dispositions de l'article 131-30-2 du code pénal, l'a relevé de la mesure d'interdiction du territoire français ; que M. A a déposé au consulat général de France à Fès, en décembre 2006, deux demandes de visa de long séjour, au titre de conjoint de Française, qui ont été rejetées ; qu'il a formé un recours devant la commission de recours contre les refus de visas d'entrée en France contre le nouveau refus opposé à sa demande de visa de long séjour au même titre, par une décision du 24 septembre 2007 du même consul général ; qu'ainsi qu'il a été dit, sa requête doit être regardée comme tendant à la suspension de la décision du 31 juillet 2008 de la commission de recours contre les refus de visas d'entrée en France rejetant son recours contre la décision du consul général de France à Fès ;

Considérant que, en l'état de l'instruction, compte tenu de l'objet, de la gravité et du nombre des condamnations pénales infligées à M. A et alors que les éléments produits devant le juge des référés sont insuffisants, en l'absence, en particulier, de tout élément permettant d'établir que celui-ci aurait exercé des activités professionnelles depuis son retour au Maroc, pour justifier d'un amendement du comportement de l'intéressé, la commission de recours contre les refus de visas d'entrée en France ne paraît pas avoir inexactement qualifié les faits en estimant qu'ils étaient constitutifs d'une menace à l'ordre public ; que le moyen tiré de ce que la décision contestée porterait une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale ne peut, dès lors, être regardé comme susceptible de faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision dont M. A demande la suspension ; qu'aucun des autres moyens invoqués n'est de nature à créer un tel doute ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur le point de savoir si la condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative est remplie, que la requête à fin de suspension de M. A ne peut être accueillie ; que ses conclusions à fin d'injonction et à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. Ahmed A est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Ahmed A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 320477
Date de la décision : 06/10/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 06 oct. 2008, n° 320477
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Christnacht
Rapporteur ?: M. Alain Christnacht
Avocat(s) : SCP THOUIN-PALAT, BOUCARD

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:320477.20081006
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