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22/10/2008 | FRANCE | N°312311

France | France, Conseil d'État, 4ème sous-section jugeant seule, 22 octobre 2008, 312311


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 janvier et 17 mars 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE CLINIQUE MOZART dont le siège est situé 17, avenue Aubert à Nice (06000), représentée par son gérant en exercice ; la SOCIETE CLINIQUE MOZART demande au Conseil d'Etat :

1°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 150 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la durée excessive d'une procédure engagée devant la juridiction administrative ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somm

e de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justi...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 janvier et 17 mars 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE CLINIQUE MOZART dont le siège est situé 17, avenue Aubert à Nice (06000), représentée par son gérant en exercice ; la SOCIETE CLINIQUE MOZART demande au Conseil d'Etat :

1°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 150 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la durée excessive d'une procédure engagée devant la juridiction administrative ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Bethânia Gaschet, Auditeur,

- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la SOCIETE CLINIQUE MOZART,

- les conclusions de M. Yves Struillou, Commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte des principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives que les justiciables ont droit à ce que leurs requêtes soient jugées dans un délai raisonnable ; que, si la méconnaissance de cette obligation est sans incidence sur la validité de la décision juridictionnelle prise à l'issue de la procédure, les justiciables doivent pouvoir en faire assurer le respect ; qu'ainsi, lorsque la méconnaissance du droit à un délai raisonnable de jugement leur a causé un préjudice direct et certain, ils peuvent obtenir la réparation du dommage ainsi causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE CLINIQUE MOZART a saisi, le 28 octobre 1996, le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur d'une demande préalable tendant à l'indemnisation du préjudice qui aurait résulté de la décision prise le 30 octobre 1996, réduisant de huit lits le service d'obstétrique de cette clinique ; qu'elle a ensuite présenté devant le tribunal administratif de Nice le 21 juillet 1997 une demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande d'indemnisation ; que, par jugement du 25 avril 2003, notifié le 20 juin 2003, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ; que la société requérante a interjeté appel de ce jugement devant la cour administrative d'appel de Marseille le 30 juillet 2003 ; que, par un arrêt du 3 février 2005, cette cour a infirmé le jugement et a fait droit à la demande de la SOCIETE CLINIQUE MOZART ; que, cette dernière s'étant pourvue en cassation le 11 avril 2005 contre l'article 2 de l'arrêt du 3 février 2005, le Conseil d'Etat, par une décision du 29 décembre 2006, notifiée le 9 janvier 2007, a annulé l'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel et fait partiellement droit aux conclusions de la SOCIETE CLINIQUE MOZART ; que la durée de plus de dix ans mise pour statuer sur cette affaire, qui ne présentait aucune difficulté particulière et dans laquelle la requérante n'a eu aucun comportement dilatoire, est excessive ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE CLINIQUE MOZART est fondée à soutenir que son droit à un délai raisonnable de jugement a été méconnu et à demander la réparation par l'Etat du préjudice qu'elle estime avoir subi pour ce motif ;

Sur le préjudice :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la période pendant laquelle la SOCIETE CLINIQUE MOZART a attendu l'issue de son litige lui a occasionné un préjudice moral consistant en des désagréments qui vont au-delà des préoccupations habituellement causées par un procès dont il sera fait une juste appréciation en lui allouant une indemnité de 7 000 euros ;

Considérant que si la SOCIETE CLINIQUE MOZART fait valoir, en deuxième lieu, l'importance des intérêts relatifs au prêt auquel elle a dû recourir, il ne ressort pas de l'instruction que celle-ci résulte de la durée excessive de la procédure juridictionnelle ; que, dans ces conditions, la SOCIETE CLINIQUE MOZART ne peut être regardée comme établissant la réalité d'un préjudice à ce titre ;

Considérant que si la société requérante invoque, en troisième lieu, un préjudice économique résultant de la reconnaissance tardive d'un droit, il ressort de l'instruction que la réparation de ce préjudice a été assurée par la décision du Conseil d'Etat du 29 décembre 2006 prise dans le cadre du litige principal qui a condamné l'Etat à verser à la SOCIETE CLINIQUE MOZART une indemnité de 50 000 euros en réparation du préjudice relatif à la réduction de huit lits le service d'obstétrique ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SOCIETE CLINIQUE MOZART au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'Etat est condamné à verser à la SOCIETE CLINIQUE MOZART une somme de 7 000 euros.

Article 2 : L'Etat versera à la SOCIETE CLINIQUE MOZART une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la SOCIETE CLINIQUE MOZART est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CLINIQUE MOZART et à la garde des sceaux, ministre de la justice.

Copie en sera adressée pour information au président du tribunal administratif de Nice, au président de la cour administrative d'appel de Marseille et au chef de la mission permanente d'inspection des juridictions administratives.


Synthèse
Formation : 4ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 312311
Date de la décision : 22/10/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 22 oct. 2008, n° 312311
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Silicani
Rapporteur ?: Mme Bethânia Gaschet
Rapporteur public ?: M. Struillou Yves
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:312311.20081022
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