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24/10/2008 | FRANCE | N°296388

France | France, Conseil d'État, 9ème sous-section jugeant seule, 24 octobre 2008, 296388


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 août et 11 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Thierry A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 13 juin 2006 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 6 janvier 2006 du directeur de la Caisse des dépôts et consignations rejetant sa demande tendant au bénéfice de la jouissance immédiate de sa pension de retraite à compter du 1er juillet 2

006 et, d'autre part, à la condamnation de ladite caisse à lui verser l...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 août et 11 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Thierry A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 13 juin 2006 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 6 janvier 2006 du directeur de la Caisse des dépôts et consignations rejetant sa demande tendant au bénéfice de la jouissance immédiate de sa pension de retraite à compter du 1er juillet 2006 et, d'autre part, à la condamnation de ladite caisse à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler la décision du 6 janvier 2006 du directeur de la Caisse des dépôts et consignations ;

3°) d'enjoindre à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales de l'admettre à la retraite dans les mêmes conditions que les femmes fonctionnaires mères de trois enfants au moins, avec jouissance immédiate de sa pension à compter du 1er juillet 2006, et ce, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le premier protocole additionnel à cette convention ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ;

Vu le décret n° 2005-449 du 10 mai 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Benoit Bohnert, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 23 novembre 2005, M. A, père de trois enfants, a présenté un recours gracieux dirigé contre la décision de la Caisse des dépôts et consignations en date du 16 novembre 2005 rejetant sa demande d'admission à la retraite avec jouissance immédiate de sa pension à compter du 1er juillet 2006 en vertu des dispositions de l'article L. 24-I-3° du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que la décision de la Caisse, en date du 6 janvier 2006 rejetant la demande de M. A a été déférée par lui à la censure du tribunal administratif de Nantes qui, par un jugement du 13 juin 2006 contre lequel M. A se pourvoit en cassation, a rejeté sa demande ;

Considérant, en premier lieu, que si M. A soutient que le fait générateur du droit à la jouissance immédiate d'une pension de retraite, ouvert aux fonctionnaires pères de trois enfants nés avant le 31 décembre 2004 est constitué par la naissance des enfants ou, à défaut, par la demande tendant au bénéfice de ladite pension de retraite, que l'article 136 de la loi du 30 décembre 2004, en imposant rétroactivement aux hommes fonctionnaires de justifier d'interruptions d'activité à l'occasion de la naissance de leurs enfants, alors qu'elles n'étaient ni prévisibles, ni organisées, ne place pas les hommes et les femmes sur un pied d'égalité et que le décret du 10 mai 2005 en soumettant le droit des fonctionnaires pères de trois enfants à la jouissance immédiate d'une pension de retraite à une interruption d'activité d'au moins deux mois à la naissance de chacun des enfants, instaure une différence de traitement entre les hommes et les femmes, ces moyens, qui n'ont pas été soumis au juge du fond et qui ne sont pas d'ordre public, sont nouveaux en cassation et, par suite, irrecevables ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de l'article 136 de la loi de fiances rectificative pour 2004 : I - La liquidation de la pension intervient : ... 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat / Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ; que l'article R. 37-I inséré dans le code précité par le décret du 10 mai 2005 publié au Journal officiel du 11 mai dispose : L'interruption d'activité prévue au premier alinéa du 3° du I de l'article L. 24 doit avoir eu une durée continue au moins égale à deux mois et être intervenue alors que le fonctionnaire était affilié à un régime de retraite obligatoire. ... Cette interruption d'activité doit avoir eu lieu pendant la période comprise entre le premier jour de la quatrième semaine précédant la naissance ou l'adoption et le dernier jour de la seizième semaine suivant la naissance ou l'adoption ; que les dispositions du I de l'article 136 de la loi du 30 décembre 2004 sont entrées en vigueur le 12 mai 2005 ; qu'en conséquence, elles s'appliquent à la demande présentée le 23 novembre 2005 par le requérant ; qu'en relevant ces faits et en en déduisant que l'intéressé entrait dans les prévisions des dispositions législatives et réglementaires précitées, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi et qui décidera ... des contestations sur des droits et obligations de caractère civil ; que pour être compatible avec ces stipulations, l'intervention rétroactive du législateur en vue de modifier au profit de l'Etat les règles applicables à des procès en cours doit reposer sur d'impérieux motifs d'intérêt général ; qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans els conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens ;

Considérant qu'en jugeant, après avoir constaté que M. A a présenté sa demande postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 30 décembre 2004, que l'intéressé n'est pas fondé à se prévaloir, d'une part, de l'incompatibilité des dispositions précitées de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite avec les stipulations précitées de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, d'autre part, de la méconnaissance des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'une précédente demande d'admission à la retraite avec jouissance immédiate présentée par M. A le 27 juin 2003 a été rejetée par la Caisse des dépôts et consignations par une décision du 4 septembre 2003 ; qu'à défaut d'avoir été contestée devant le juge administratif dans le délai de deux mois, cette décision est devenue définitive ; que, par suite, en jugeant que la présentation par M. A de sa première demande, à une date à laquelle les dispositions de l'article 136 de la loi du 30 décembre 2004 n'étaient pas encore applicables, est sans incidence sur la légalité de la décision du 6 janvier 2006 rejetant sa demande du 23 novembre 2005, le tribunal n'a pas méconnu les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du 13 juin 2006 du tribunal administratif de Nantes ; que ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. A est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Thierry A, au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique et à la Caisse des dépôts et consignations - caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.


Synthèse
Formation : 9ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 296388
Date de la décision : 24/10/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 24 oct. 2008, n° 296388
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Jouguelet
Rapporteur ?: M. Benoit Bohnert
Rapporteur public ?: M. Collin Pierre
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:296388.20081024
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