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27/11/2008 | FRANCE | N°322432

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 27 novembre 2008, 322432


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 14 et le 19 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ; le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES demande au juge des référés du Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance n° 0816447 du 30 octobre 2008 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris lui a enjoint, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, sous astr

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Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 14 et le 19 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ; le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES demande au juge des référés du Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance n° 0816447 du 30 octobre 2008 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris lui a enjoint, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de prendre toutes mesures nécessaires pour assurer l'exécution des jugements du tribunal de grande instance de Paris et des arrêts de la cour d'appel de Paris prononcés en 2004, 2006 et 2008 ordonnant l'expulsion des occupants de l'hôtel meublé sis 72 bis rue Jean-Pierre Timbaud à Paris 11ème dont est propriétaire Mme A ;

il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors que les délais fixés à l'administration pour procéder à l'expulsion des occupants de l'immeuble concerné laissent sous-entendre l'absence d'urgence de la mesure ; qu'en outre, la situation financière et les projets en cours de la propriétaire de l'immeuble, de même que les risques encourus par les occupants, ne suffisent pas à caractériser l'urgence au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; qu'il existe un doute sérieux sur la légalité de l'ordonnance dont l'annulation est demandée ; qu'en effet, aucun refus explicite ou implicite n'est intervenu avant la saisine du tribunal suite à l'itérative réquisition de la propriétaire, rendant irrecevable la requête en référé liberté de cette dernière ; que, d'autre part, aucun titre exécutoire ne permet l'expulsion de l'ensemble des occupants de l'immeuble ni de ceux âgés de moins de soixante ans ; que la procédure d'expulsion est entachée d'irrégularité dès lors que l'huissier instrumentaire n'a pas démontré l'envoi du commandement de quitter les lieux à chacun des occupants de l'immeuble ; que l'expulsion de la totalité des occupants, sinon de ceux de moins de soixante ans, constituerait un trouble à l'ordre public ; qu'enfin, les désordres et dysfonctionnements en matière de péril et de sécurité sont l'objet ou vont faire l'objet de travaux ; qu'en conséquence, le refus de concours de la force publique opposé à Mme A ne porte pas une atteinte grave et manifestement illégale à son droit de propriété ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 novembre 2008, présenté par Mme Marie-Thérèse A, demeurant 27 avenue Rapp à Paris (75007), qui conclut, à titre principal, au rejet du recours formé par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES, et demande au juge des référés du Conseil d'Etat d'enjoindre au préfet de police de prendre immédiatement toutes mesures nécessaires pour assurer l'exécution des arrêts du tribunal de grande instance de Paris et de la cour d'appel de Paris de 2004 et 2006 pour la totalité des occupants de l'hôtel, sinon pour quinze occupants âgés de moins de soixante ans, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard et par occupant ; qui conclut par ailleurs, à titre subsidiaire, à la confirmation de l'ordonnance de référé rendue le 30 octobre 2008 en toutes ses dispositions, et demande, en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir ; elle soutient que l'appel est irrecevable et mal fondé ; qu'en effet le refus de concours de la force publique pour exécuter les jugements susmentionnés porte atteinte à la liberté fondamentale de Mme A de disposer de son bien ; qu'elle dispose d'un titre exécutoire lui permettant de poursuivre l'expulsion des occupants de l'immeuble dès lors que les jugements successifs ordonnant l'expulsion de M. Saighi et de tout occupant de son chef étaient revêtus de l'effet exécutoire ; que la procédure d'expulsion est parfaitement régulière dès lors que les commandements de quitter les lieux ont bien été notifiés au préfet de police et qu'aucune disposition légale ou jurisprudentielle n'imposait à la propriétaire de délivrer un tel commandement à chacun des occupants de l'hôtel ; qu'aucune disposition d'ordre public ne s'oppose à l'expulsion des occupants de l'ancien hôtel ; qu'au contraire l'ordre public tiré de la sécurité des occupants rend urgent de libérer lesdits locaux à propos desquels le préfet a rendu un arrêté de péril et ordonné leur fermeture et leur évacuation ; que la condition d'urgence est bien remplie en l'espèce, d'une part, au regard de l'ancienneté de la décision dont l'exécution est poursuivie depuis plus de quatre ans, d'autre part, afin de mettre fin à l'atteinte portée au droit de propriété de Mme A et, enfin, par le risque encouru par les occupants ; que l'ordonnance attaquée ne souffre d'aucune contradiction, bien qu'il y ait lieu, de manière incidente, de l'infirmer en ce qu'elle n'a pas ordonné la libération immédiate de l'immeuble ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la construction et de l'habitation;

Vu le décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 modifié pour l'application de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES, et, d'autre part, Mme A ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du jeudi 20 novembre 2008 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- les représentants du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ;

- Me Waquet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme A ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante huit heures» ;

Considérant qu'il incombe à l'autorité administrative d'assurer, en accordant au besoin le concours de la force publique, l'exécution des décisions de justice ; que le droit de propriété a pour corollaire la liberté de disposer d'un bien ; que le refus de concours de la force publique pour assurer l'exécution d'une décision juridictionnelle ordonnant l'expulsion d'un immeuble porte atteinte à cette liberté fondamentale ; que les exigences de l'ordre public peuvent toutefois justifier légalement, tout en engageant la responsabilité de l'Etat sur le fondement de l'égalité devant les charges publiques, un refus de concours de la force publique ; qu'enfin l'usage par le juge des référés des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-2 du code de justice administrative est subordonné à la condition qu'une urgence particulière rende nécessaire l'intervention dans les quarante-huit heures d'une mesure destinée à la sauvegarde d'une liberté fondamentale ;

Considérant que, par arrêt du 5 juillet 2006, confirmant un jugement du 18 novembre 2004 du tribunal de grande instance de Paris, la cour d'appel de Paris a ordonné l'expulsion des occupants de l'hôtel meublé sis 72 bis rue Jean-Pierre Timbaud à Paris, appartenant à Mme A ; qu'à la suite de plusieurs refus du préfet de police d'accorder le concours de la force publique pour l'exécution de cet arrêt, une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris en date du 30 octobre 2008 a enjoint au préfet de police de « prendre toutes mesures nécessaires pour assurer l'exécution » de cet arrêt ;

Considérant qu'en l'absence de circonstances particulières, et alors que Mme A peut, si elle s'y croit fondée, saisir le juge administratif, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une demande de suspension des décisions de refus du préfet de police refusant le concours de la force publique alors qu'il a prononcé le 28 décembre 2007 la fermeture de l'hôtel et l'interdiction d'accès du public, la demande qu'elle a présentée le 15 octobre 2008 au juge des référés du tribunal administratif de Paris pour qu'il soit enjoint au préfet de police, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'accorder le concours de la force publique à l'exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 5 juillet 2006, ne saurait, compte tenu des étapes antérieures de la longue procédure qui oppose Mme A au préfet de police, être regardée comme répondant à la condition d'urgence particulière qui s'attacherait à ce que soient prises dans les délais particulièrement brefs prévus par l'article L. 521-2 du code de justice administrative, les mesures demandées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de Mme A dont il était saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; que les conclusions de Mme A présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES sur le fondement du même article ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris en date du 30 octobre 2008 est annulée.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Paris par Mme A ainsi que ses conclusions devant le juge des référés du Conseil d'Etat tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions du préfet de police tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES et à Mme A.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 322432
Date de la décision : 27/11/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 27 nov. 2008, n° 322432
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Christian Vigouroux
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:322432.20081127
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