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18/12/2008 | FRANCE | N°296122

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 18 décembre 2008, 296122


Vu le pourvoi, enregistré le 2 août 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'OUTRE-MER ; le MINISTRE DE L'OUTRE-MER demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 2 mai 2006 du tribunal administratif de la Polynésie française, en tant qu'il a annulé pour la période antérieure au 1er janvier 2005, à la demande de Mme A, la décision implicite du haut-commissaire de la République de Polynésie française refusant à l'intéressée le versement de l'indemnité d'exercice de missions des préfectures et a condamné l'Etat à lui verser le r

appel de l'indemnité qui lui est due à compter du 1er janvier 2000, augmen...

Vu le pourvoi, enregistré le 2 août 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'OUTRE-MER ; le MINISTRE DE L'OUTRE-MER demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 2 mai 2006 du tribunal administratif de la Polynésie française, en tant qu'il a annulé pour la période antérieure au 1er janvier 2005, à la demande de Mme A, la décision implicite du haut-commissaire de la République de Polynésie française refusant à l'intéressée le versement de l'indemnité d'exercice de missions des préfectures et a condamné l'Etat à lui verser le rappel de l'indemnité qui lui est due à compter du 1er janvier 2000, augmentée du coefficient de majoration, avec intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2005 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de Mme A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 ;

Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

Vu la loi organique n° 2004-193 du 27 février 2004 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 96-313 du 12 avril 1996 ;

Vu le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;

Vu le décret n° 97-1223 du 26 décembre 1997 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Brice Bohuon, Auditeur,

- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de Mme A,

- les conclusions de Mme Julie Burguburu, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis au juge du fond que Mme A, attachée du cadre national des préfectures, a été mise à disposition du secrétariat d'Etat à l'outre-mer et affectée au haut-commissariat de la République en Polynésie française du 7 mars 1999 au 8 mai 2003 ; qu'à compter du 8 mai 2003, elle a été détachée auprès du ministère de l'outre-mer et affectée à ce même haut-commissariat ; que Mme A a demandé au haut-commissaire de la République en Polynésie française le versement de l'indemnité d'exercice de missions des préfectures pour les périodes de sa mise à disposition et de son détachement ; que, par un jugement du 2 mai 2006, le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé, à la demande de Mme A, la décision implicite de refus du haut-commissaire de la République en Polynésie française de lui verser le rappel de ladite indemnité corrigée du coefficient de majoration applicable à la Polynésie française ; que le MINISTRE DE L'OUTRE-MER se pourvoit en cassation contre ce jugement du 2 mai 2006 en tant qu'il porte sur la période antérieure au 1er janvier 2005 ;

Considérant qu'en vertu de l'article 1er du décret du 26 décembre 1997 portant création d'une indemnité d'exercice de missions des préfectures : Une indemnité d'exercice est attribuée aux fonctionnaires de la filière administrative et de service du cadre national des préfectures (...) qui participent aux missions des préfectures dans lesquelles ils sont affectés ;

Considérant que les services du haut-commissariat de la Polynésie française, qui exercent leurs attributions dans le cadre défini par les lois organiques portant statut de cette collectivité, ne peuvent être assimilés à ceux d'une préfecture ; que, par suite, en jugeant que le haut-commissariat de la Polynésie française devait être regardé comme une préfecture pour l'application du décret du 26 décembre 1997 portant création d'une indemnité d'exercice de missions des préfectures, le magistrat délégué du tribunal administratif de la Polynésie française a commis une erreur de droit ; qu'il en résulte que le ministre est fondé à demander l'annulation du jugement du 2 mai 2006 du tribunal administratif de la Polynésie française en tant qu'il porte sur la période antérieure au 1er janvier 2005 ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond dans cette mesure ;

Considérant qu'en vertu des dispositions combinées de l'article 41 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat et de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droit et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au litige, un fonctionnaire placé en situation de mise à disposition est réputé occuper son emploi et continue à percevoir la rémunération correspondante, comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire ; que l'article 45 de cette même loi du 11 janvier 1984 dispose que : Le détachement est la position du fonctionnaire placé hors de son corps d'origine mais continuant à bénéficier, dans ce corps, de ses droits à l'avancement et à la retraite. (...) Le fonctionnaire détaché est soumis aux règles régissant la fonction qu'il exerce par l'effet de son détachement ;

En ce qui concerne la période de mise à disposition de Mme A :

Considérant qu'il résulte des termes mêmes du décret du 26 décembre 1997 que le bénéfice de l'indemnité d'exercice de missions des préfectures est réservé aux seuls agents du cadre national des préfectures qui participent aux missions des préfectures dans lesquelles ils sont affectés, à l'exclusion de ceux des agents du cadre national des préfectures en poste dans une collectivité d'outre-mer ; que toutefois, conformément aux dispositions combinées de l'article 41 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat et de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, les agents du cadre national des préfectures mis à la disposition d'un service qui n'est pas une préfecture, dès lors qu'ils sont réputés occuper leur emploi et continuer à percevoir la rémunération correspondante, peuvent prétendre au versement de l'indemnité litigieuse, dans le cas où ils occupaient, au moment de leur mise à disposition, un emploi dans une préfecture ouvrant droit à cette indemnité ; qu'il est constant que Mme A², alors en poste à la préfecture de la Guyane, bénéficiait du versement de l'indemnité d'exercice de missions des préfectures pendant la période antérieure à sa mise à disposition ; que, dès lors, elle est fondée à demander l'annulation de la décision implicite du haut-commissaire de la République en Polynésie française lui refusant le versement de l'indemnité d'exercice de missions des préfectures en tant qu'elle porte sur la période de sa mise à disposition du 7 mars 1999 au 8 mai 2003 ;

En ce qui concerne le détachement de Mme ²A :

Considérant qu'il résulte, en revanche, des dispositions précitées de l'article 45 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat que si les agents du cadre national des préfectures placés en situation de détachement conservent dans cette situation leurs droits à avancement et à pension tels qu'ils sont fixés par le statut de leur cadre d'origine, leurs droits à rémunération sont définis par les règles applicables à l'emploi occupé par l'effet du détachement ; que, dès lors, si l'article 1er du décret du 26 décembre 1997 institue une indemnité d'exercice au bénéfice des agents du cadre national des préfectures qui participent aux missions des préfectures dans lesquelles ils sont affectés, ces dispositions ne sont pas applicables aux agents du cadre national des préfectures en situation de détachement ; que, contrairement à ce que soutient Mme A, le principe d'égalité de traitement des agents d'un même corps ne fait pas obstacle à ce que l'indemnité d'exercice de missions des préfectures soit réservée aux seuls agents du cadre national des préfectures en activité ou mis à disposition, à l'exclusion de ceux en situation de détachement ; que la circonstance que des jugements du tribunal administratif de la Polynésie française auraient accordé le bénéfice de l'indemnité litigieuse à des agents du cadre national des préfectures en poste au haut-commissariat de la République française en Polynésie française est sans incidence sur la légalité de la décision du haut-commissaire ; que, par suite, la demande présentée par Mme A devant le tribunal administratif de la Polynésie française doit être rejetée en tant qu'elle concerne la période du 8 mai 2003 au 31 décembre 2004 ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant que l'article 4 du décret du 23 juillet 1967 relatif au régime de rémunération des magistrats et des fonctionnaires de l'Etat en service dans les territoires d'outre-mer dispose que : Les indemnités payables aux magistrats et fonctionnaires de l'Etat en service dans les territoires d'outre-mer ne sont affectées du coefficient de majoration que lorsque leur montant est fixé directement en francs métropolitains ;

Considérant qu'en conséquence de ce qui vient d'être jugé, il y lieu de condamner l'Etat à verser à Mme A le rappel de l'indemnité d'exercice de missions des préfectures, à laquelle doit être appliqué, dès lors qu'elle résidait effectivement sur le territoire, le coefficient de majoration en vigueur en Polynésie française, qui lui est dû pour la période de sa mise à disposition du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, du 7 mars 1999 au 8 mai 2003 ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

Considérant, d'une part, que Mme A a droit aux intérêts afférents à l'indemnité qui lui est due pour la période de sa mise à disposition du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, du 7 mars 1999 au 8 mai 2003, à compter du 21 juillet 2005, date d'enregistrement de sa demande ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que pour l'application de ces dispositions, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure, sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que Mme A a demandé la capitalisation des intérêts dans un mémoire produit le 21 juillet 2005 ; que cette demande doit être accueillie à compter du 21 juillet 2006, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure, assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; que, selon l'article L. 911-3 du même code : Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite (...) d'une astreinte (...) ;

Considérant que Mme A demande qu'il soit enjoint au MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES de lui verser le rappel de l'indemnité d'exercice de missions des préfectures ; que la présente décision implique nécessairement, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, que le ministre verse ladite indemnité ; que, par suite, il y a lieu pour le Conseil d'Etat d'enjoindre au ministre de procéder au versement du rappel de l'indemnité d'exercice de missions des préfectures qui lui est due dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A d'une somme de 1 500 euros au titre de ces dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Polynésie française en date du 2 mai 2006 est annulé en tant qu'il porte sur les conclusions relatives à la période antérieure au 1er janvier 2005.

Article 2 : La décision implicite du haut-commissaire de la République de Polynésie française refusant à Mme A le versement de l'indemnité d'exercice de missions des préfectures est annulée en tant qu'elle porte sur la période du 7 mars 1999 au 8 mai 2003.

Article 3 : Il est enjoint à la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales de procéder au versement du rappel de l'indemnité d'exercice de missions des préfectures due à Mme A, à laquelle sera appliqué le coefficient de majoration, pour la période du 7 mars 1999 au 8 mai 2003, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision. Ladite somme portera intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2005. Les intérêts échus le 21 juillet 2006 seront capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts à compter de cette date, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 4 : L'Etat versera à Mme A la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme A devant le Conseil d'Etat ainsi que le surplus des conclusions de sa demande devant le tribunal administratif de la Polynésie française sont rejetés.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES et à Mme A.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

46-01-09-06-01 OUTRE-MER. DROIT APPLICABLE DANS LES COLLECTIVITÉS D'OUTRE-MER ET EN NOUVELLE-CALÉDONIE. DROIT APPLICABLE AUX FONCTIONNAIRES SERVANT OUTRE-MER. RÉMUNÉRATION. CORRECTIONS ET MAJORATIONS DE RÉMUNÉRATIONS. - POLYNÉSIE FRANÇAISE - INDEMNITÉ D'EXERCICE DE MISSIONS DES PRÉFECTURES - COEFFICIENT DE MAJORATION - APPLICATION - CARACTÈRE AUTOMATIQUE DÈS LORS QUE L'INTÉRESSÉ RÉSIDE EFFECTIVEMENT SUR LE TERRITOIRE.

46-01-09-06-01 Fonctionnaire résidant effectivement en Polynésie française dans le cadre d'une mise à disposition. Application de droit du coefficient de majoration en vigueur dans cette collectivité.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 18 déc. 2008, n° 296122
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Brice Bohuon
Rapporteur public ?: Mme Burguburu Julie
Avocat(s) : SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY

Origine de la décision
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Date de la décision : 18/12/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 296122
Numéro NOR : CETATEXT000019989602 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2008-12-18;296122 ?
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