Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 août et 6 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Colette C, demeurant ..., M. Thierry C, demeurant ..., Mme Sylvie C, demeurant ..., Mme Carole C, demeurant ..., Mme Catherine B, demeurant ..., Mme Blandine A, demeurant ..., Mme Valérie C, demeurant ... ; Mme C et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 8 juin 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté leur requête tendant à l'annulation du jugement du 1er avril 2003 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne rejetant leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. Bernard D, leur époux et père, a été assujetti au titre de l'année 1996 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 27 novembre 2008, présentée pour Mme C et autres ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Gilles Pellissier, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Ricard, avocat de Mme Colette C et autres,
- les conclusions de M. Julien Boucher, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. Bernard C, exploitant agricole individuel, a cédé à son fils Thierry ses droits de preneur sur 52 ha, pris à bail auprès de Jean C, avec effet au 1er février 1996 ; que ce même 1er février 1996, il a fait apport à la SCEA C, en cours de constitution, des immobilisations affectées à son exploitation tandis que son fils mettait les terres, prises par le bail cédé, à la disposition de la nouvelle société, en application de l'article L. 411-37 du code rural ; que celle-ci a été immatriculée le 12 février suivant au registre du commerce et des sociétés ; que M. Bernard C a bénéficié du report d'imposition des plus-values dégagées par ses apports prévu par l'article 151 octies du code général des impôts ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration a remis en cause l'application du régime de report au motif que l'intéressé n'avait pas lui-même mis à la disposition de la SCEA, dès sa création, le bail relatif aux 52 ha de terres ;
Considérant qu'aux termes de l'article 151 octies du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : I. les plus-values soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies et réalisées par une personne physique à l'occasion de l'apport à une société soumise à un régime réel d'imposition de l'ensemble des éléments de l'actif immobilisé affectés à l'exercice d'une activité professionnelle ou de l'apport d'une branche complète d'activité peuvent bénéficier des dispositions suivantes : / a. L'imposition des plus-values afférentes aux immobilisations non amortissables fait l'objet d'un report jusqu'à la date de la cession à titre onéreux ou du rachat des droits sociaux reçus en rémunération de l'apport de l'entreprise ou jusqu'à la cession de ces immobilisations par la société si elle est antérieure (...) / b. L'imposition des plus-values afférentes aux autres immobilisations est effectuée au nom de la société bénéficiaire de l'apport selon les modalités prévues au d du 3 de l'article 210 A pour les fusions de sociétés (...) / Les dispositions du présent article sont applicables à l'apport à une société, par un exploitant agricole individuel, de l'ensemble des éléments de l'actif immobilisé à l'exception des immeubles, si ceux-ci sont immédiatement mis à disposition de la société bénéficiaire de l'apport dans le cadre d'un contrat écrit et enregistré visé aux articles L. 411-1, L. 411-2 et L. 416-1 du code rural (...) ;
Considérant d'une part que, lorsqu'est apportée une exploitation agricole dont les terres sont prises à bail rural par l'exploitant, les conditions posées par les dispositions précitées de l'article 151 octies du code général des impôts sont remplies, en ce qui concerne ces terres, si elles sont mises à disposition de la société par le preneur ; que, d'autre part, la circonstance que cette mise à disposition n'est pas effectuée par l'exploitant lui-même, mais par un nouveau preneur, est sans incidence dès lors que cette opération permet à la société bénéficiaire de disposer de l'ensemble des éléments qui caractérisaient l'ancienne exploitation ; que, dès lors, en jugeant que la mise à disposition doit être faite par l'exploitant lui-même à l'exclusion des tiers, la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit ; que les requérants sont par suite fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;
Considérant que c'est à tort, comme il a été dit ci-dessus, que le tribunal administratif a jugé que la mise à disposition des immeubles devait être faite par l'exploitant lui-même ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'ensemble des éléments d'actif de l'exploitation individuelle de M. Bernard C, dont la consistance doit être appréciée au 1er février 1996, date du début d'activité de la nouvelle société, ont, comme ils le devaient au regard de l'article 151 octies du code général des impôts, été apportés à la SCEA ou, s'agissant du bail cédé à son fils, mis à disposition de celle-ci par ce dernier au 1er février 1996 ;
Considérant, toutefois, qu'il est constant que l'enregistrement, prévu par les dispositions précitées de l'article 151 octies du code général des impôts, de la convention par laquelle M. Thierry C a mis à disposition de la SCEA les terres faisant l'objet du bail que lui avait cédé son père n'a pas été effectué ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'instruction administrative 5 E-3-96 du 17 mai 1996 ne dispense pas de cette formalité d'enregistrement ; que M. Bernard C ne pouvait dès lors bénéficier du report d'imposition prévu par l'article 151 octies du code général des impôts ; qu'ainsi, les requérants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande en décharge des impositions litigieuses ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 8 juin 2006 de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé.
Article 2 : La requête présentée par Mme C et autres devant la cour administrative d'appel de Nancy et leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Colette C, à M. Thierry C, à Mme Sylvie C, à Mme Carole C, à Mme Catherine B, à Mme Blandine A, à Mme Valérie C et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.