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19/12/2008 | FRANCE | N°301189

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 19 décembre 2008, 301189


Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, enregistré le 2 février 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 29 novembre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à l'appel de la société Barclays Bank PLC, a, d'une part, annulé le jugement du 8 juin 2004 du tribunal administratif de Paris ayant rejeté la demande de cette société tendant à la décharge des compléments de retenue à la source auxquelles elle

a été assujettie au titre des années 1991 et 1992 et, d'autre ...

Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, enregistré le 2 février 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 29 novembre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à l'appel de la société Barclays Bank PLC, a, d'une part, annulé le jugement du 8 juin 2004 du tribunal administratif de Paris ayant rejeté la demande de cette société tendant à la décharge des compléments de retenue à la source auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1991 et 1992 et, d'autre part, prononcé la décharge des impositions litigieuses ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 81-1160 du 30 décembre 1981 ;

Vu la loi n° 83-1 du 3 janvier 1983 ;

Vu le décret n° 83-359 du 2 mai 1983 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Fabienne Lambolez, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Ricard, avocat de la société Barclays Bank PLC,

- les conclusions de M. Julien Boucher, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'occasion d'une vérification de comptabilité de la société anonyme Barclays Bank portant sur les exercices clos en 1991 et 1992, l'administration a constaté que dans le cas où, à la suite de cessions de valeurs mobilières négociées de gré à gré avant le détachement du coupon , le paiement des dividendes attachés aux titres cédés intervenait alors que les titres étaient encore inscrits au compte du cédant, l'établissement teneur des comptes créditait le compte du cédant du montant des dividendes, réduit de la retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis du code général des impôts si le cédant avait son domicile ou son siège social à l'étranger, puis procédait à des opérations de régularisation en débitant le compte du cédant des mêmes sommes et en créditant celui du cessionnaire du montant des dividendes diminué de la retenue à la source lorsque le cessionnaire n'était pas résident de France ; que l'administration a estimé ne devoir prendre en compte, pour l'application de la retenue à la source sur les dividendes en cause, que les personnes au compte desquelles les titres étaient inscrits au jour du détachement du coupon et a assujetti la société anonyme Barclays Bank à des suppléments de retenue à la source au titre des années 1991 et 1992 ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 29 novembre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a accordé à la société, aux droits de laquelle a succédé la société Barclays Bank PLC, la décharge des impositions litigieuses ;

Considérant qu'aux termes du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : (...) les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source (...) lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) ; que, selon les dispositions du II de l'article 94 de la loi de finances pour 1982 alors en vigueur, aujourd'hui reprises à l'article L. 211-4 du code monétaire et financier : Les valeurs mobilières émises en territoire français et soumises à la législation française (...) doivent être inscrites en comptes tenus par la personne morale émettrice ou par un intermédiaire habilité (...) ; qu'aux termes de l'article 2 du décret du 2 mai 1983, relatif au régime des valeurs mobilières, aujourd'hui codifié à l'article R. 211-2 du même code : Les titres inscrits en compte se transmettent par virement de compte à compte ;

Considérant qu'à la date des opérations en cause, antérieure à la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 ayant modifié l'article 47 bis de la loi du 3 janvier 1983 sur le développement des investissements et la protection de l'épargne, la cession de gré à gré de titres doit être regardée comme réalisée à la date à laquelle s'opère entre les parties le transfert de propriété des titres ; qu'en l'absence, à cette date, de toute disposition législative spéciale définissant les actes ou opérations qui doivent être réputés opérer le transfert de propriété des valeurs mobilières au porteur, il y a lieu de se référer aux dispositions de l'article 1583 du code civil, selon lequel la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ; que, dès lors, le transfert de propriété des titres a eu lieu à la date où est intervenu l'échange des consentements entre le cédant et le cessionnaire ; qu'ainsi ce dernier, propriétaire des titres à la date du détachement du coupon , doit être regardé comme le bénéficiaire des dividendes attachés à ces titres, quand bien même l'établissement dépositaire des titres n'aurait pas inscrit ces titres à son compte à la date du paiement des dividendes ; que, contrairement à ce que soutient le ministre, les dispositions précitées de l'article 2 du décret du 2 mai 1983 n'ont ni pour objet ni pour effet de subordonner l'application de la retenue à la source prévue par les dispositions précitées du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts à l'inscription des titres acquis par l'acheteur au compte de celui-ci ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le caractère prétendument nouveau en cassation de l'unique moyen du pourvoi, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Barclays Bank PLC d'une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la société Barclays Bank PLC une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et à la société Barclays Bank PLC.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 301189
Date de la décision : 19/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-06-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. RÈGLES GÉNÉRALES. IMPÔT SUR LE REVENU. COTISATIONS D'IRPP MISES À LA CHARGE DE PERSONNES MORALES OU DE TIERS. RETENUES À LA SOURCE. - RETENUE À LA SOURCE SUR LES DIVIDENDES VERSÉS À UNE SOCIÉTÉ MÈRE N'AYANT PAS SON SIÈGE EN FRANCE (2 DE L'ART. 119 BIS DU CGI) - DATE À LAQUELLE UNE CESSION DE GRÉ À GRÉ DOIT ÊTRE REGARDÉE COMME RÉALISÉE (ANTÉRIEUREMENT À LA LOI N° 98-546 DU 2 JUILLET 1998).

19-04-01-02-06-01 Antérieurement à la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 ayant modifié l'article 47 bis de la loi n° 83-1 du 3 janvier 1983 sur le développement des investissements et la protection de l'épargne, la cession de gré à gré de titres doit être regardée comme réalisée à la date à laquelle s'opère entre les parties le transfert de propriété des titres. En l'absence, à cette date, de toute disposition législative spéciale définissant les actes ou opérations qui doivent être réputés opérer le transfert de propriété des valeurs mobilières au porteur, il y a lieu de se référer aux dispositions de l'article 1583 du code civil, selon lequel la vente « est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ». Dès lors, le transfert de propriété des titres a eu lieu à la date où est intervenu l'échange des consentements entre le cédant et le cessionnaire. Ce dernier, propriétaire des titres à la date du « détachement du coupon », doit donc être regardé comme le bénéficiaire des dividendes attachés à ces titres, quand bien même l'établissement dépositaire des titres n'aurait pas inscrit ces titres à son compte à la date du paiement des dividendes.


Publications
Proposition de citation : CE, 19 déc. 2008, n° 301189
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Fabienne Lambolez
Rapporteur public ?: M. Boucher Julien
Avocat(s) : RICARD

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:301189.20081219
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