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23/12/2008 | FRANCE | N°323055

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 23 décembre 2008, 323055


Vu la requête, enregistrée le 8 décembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Cyrille A, demeurant à ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision en date du 14 novembre 2008 portant ordre de mutation et d'affectation au centre national d'entraînement commando de Mont-Louis (66210) ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du c

ode de justice administrative ;

il soutient qu'il y a urgence dès lors que...

Vu la requête, enregistrée le 8 décembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Cyrille A, demeurant à ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision en date du 14 novembre 2008 portant ordre de mutation et d'affectation au centre national d'entraînement commando de Mont-Louis (66210) ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient qu'il y a urgence dès lors que la décision attaquée, qui emporte mutation d'office, porterait une atteinte grave et difficilement réparable à ses conditions d'existence, à sa vie familiale ainsi qu'au déroulement de sa carrière ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de cette décision, dès lors qu'il s'agit d'une sanction disciplinaire déguisée entraînant un déclassement ; qu'en outre cette sanction non motivée est dépourvue de fondement légal et que la procédure disciplinaire n'a pas été suivie ; qu'il n'a pas eu connaissance de toutes les pièces qui auraient du figurer à son dossier ; qu'elle est enfin entachée d'un détournement de procédure, dès lors qu'elle n'a pas été prise dans l'intérêt du service mais en considération d'inimitiés personnelles ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2008, présenté par le ministre de la défense, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la requête de M. A n'est pas recevable dès lors que celui-ci aurait dû former un recours administratif préalable contre la décision du 14 novembre 2008 ; que la mutation d'office attaquée est la conséquence d'une situation dans laquelle le requérant s'est lui-même placé ; que la suspension porterait une atteinte grave à l'exécution du service ; que la mutation ne suffit pas à créer l'urgence en dehors de circonstances particulières dont M. A n'apporte pas la preuve ; que cette décision, qui a été prise dans l'intérêt du service pour remédier à une situation conflictuelle préjudiciable, ne constitue pas une sanction disciplinaire déguisée ; qu'elle n'a pas à être motivée ; qu'en outre M. A n'est pas déclassé par la décision attaquée, dès lors que son retour en métropole, à une affectation qu'il a choisie, s'effectue sur un poste correspondant au déroulement normal de sa carrière ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 22 décembre 2008, présenté par M. A, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; il soutient en outre que sa requête est recevable dès lors que, s'agissant d'une mesure consécutive à une relève de commandement et par suite disciplinaire, il n'avait pas à en saisir la commission de recours des militaires ; que le choix par le capitaine Lambert de sa nouvelle affectation n'affecte en rien l'urgence à suspendre ;

Vu la décision dont la suspension est demandée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la défense ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A et, d'autre part, le ministre de la défense ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 22 décembre 2008 à 15 heures au cours de laquelle ont été entendus Me Ortscheidt, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A et les représentants du ministre de la défense ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision... » ; et qu'aux termes de l'article R. 4125-1 du code de la défense : « Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est, à l'exception de ceux concernant son recrutement ou l'exercice du pouvoir disciplinaire, précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. /Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires... »

Considérant, d'une part, que M. A, capitaine de l'armée de terre, a été affecté pour deux années à compter du 25 juillet 2007 au groupement de service militaire adapté en Polynésie, détachement de Tubuai ; qu'il a été l'objet de plusieurs sanctions disciplinaires ; que, notamment, il lui a été infligé en dernier lieu quinze jours d'arrêts le 13 octobre 2008 et trente jours d'arrêts le 29 octobre 2008 ; qu'en outre, pour mettre fin à la situation de tension croissante entre cet officier et son chef de corps, M. A a fait l'objet d'un déplacement d'office au centre national d'entraînement commando de Mont-Louis prononcé dans l'intérêt du service par ordre de mutation du 14 novembre 2008, dont il demande la suspension ; que ce déplacement étant envisagé en considération de la personne, l'intéressé a été au préalable, le 13 octobre 2008, avisé de l'éventualité de cette mesure et invité avec un délai de huit jours à présenter ses observations ; qu'il a pris connaissance de son dossier avant l'intervention de la mesure, ainsi qu'il résulte du procès-verbal du 22 octobre 2008 ; que, si M. A soutient que cette mutation bien que prononcée dans l'intérêt du service constitue en fait une sanction disciplinaire déguisée, elle ne saurait être regardée comme concernant l'exercice du pouvoir disciplinaire au sens de l'article R. 4125-1 du code de la défense ; que, dès lors, les conclusions de M. A portent sur une mesure relevant du champ d'application du recours préalable obligatoire devant la commission des recours des militaires ; que faute d'avoir été précédée d'un tel recours la requête de M. A tendant à l'annulation de cette décision, distincte de la relève de commandement antérieurement prononcée, est irrecevable ; que par suite sa requête en référé suspension ne peut, en tout état de cause, qu'être rejetée ;

Considérant, d'autre part, que la circonstance qu'un militaire ait fait l'objet comme en l'espèce de sanctions disciplinaires ne prive pas l'autorité compétente de la possibilité de prendre en outre à son égard une mesure dans l'intérêt du service ; que le fait qu'une telle mesure soit prise en considération de la personne ne suffit pas à lui conférer un caractère disciplinaire ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'emploi sur lequel M. A a été muté est au nombre de ceux auxquels il pouvait normalement prétendre à l'issue de son temps de commandement à Tubuai dans le cadre d'un déroulement normal de sa carrière ; qu'il n'a donc pas subi de déclassement et qu'ainsi la mutation, décidée en vue de mettre un terme à une situation conflictuelle irréversible au sein de l'encadrement, préjudiciable au service, ne constituait pas une sanction disciplinaire déguisée ; que, prise en considération de la personne, elle a été précédée de la communication à l'intéressé de son dossier comportant toutes les pièces utiles à sa défense ; que M. A a disposé d'un délai suffisant pour présenter celle-ci ; que ne sont enfin pas de nature à créer un doute sérieux les moyens tirés du défaut de base légale de la « sanction », du non respect de la procédure disciplinaire, du défaut de motivation et du détournement de procédure ; que, par suite, sur ce fondement aussi la requête en référé suspension n'aurait pu qu'être rejetée ;

Considérant que, par voie de conséquence, M. A n'est pas fondé à demander une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. Cyrille A est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Cyrille A et au ministre de la défense.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 323055
Date de la décision : 23/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 déc. 2008, n° 323055
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: M. Serge Daël
Avocat(s) : SCP VUITTON, ORTSCHEIDT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:323055.20081223
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