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31/12/2008 | FRANCE | N°287334

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 31 décembre 2008, 287334


Vu, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 21 novembre 2005, l'ordonnance en date du 9 novembre 2005 par laquelle le président du tribunal administratif de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application des articles R. 311-1 et R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par M. Laurent A, demeurant ... ;

Vu la requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Marseille le 13 juillet 2005, présentée par M. A ;

M. A demande au tribunal :

1°) d'annuler la décision implicite née du silen

ce gardé par le garde des sceaux, ministre de la justice sur sa demande en date...

Vu, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 21 novembre 2005, l'ordonnance en date du 9 novembre 2005 par laquelle le président du tribunal administratif de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application des articles R. 311-1 et R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par M. Laurent A, demeurant ... ;

Vu la requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Marseille le 13 juillet 2005, présentée par M. A ;

M. A demande au tribunal :

1°) d'annuler la décision implicite née du silence gardé par le garde des sceaux, ministre de la justice sur sa demande en date du 8 mars 2005 tendant à la revalorisation de sa pension civile de retraite à compter du 1er janvier 2002 ;

2°) que les rappels d'arrérage dont il a été privé à compter du 1er janvier 2002 soient assortis des intérêts moratoires, capitalisés au 1er janvier 2003 ;

3°) de condamner l'Etat au versement d'une indemnité de 10 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il a subi ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

Vu le décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 ;

Vu le décret n° 2001-1380 du 31 décembre 2001 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bertrand du Marais, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Tiffreau, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Claire Legras, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 15 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction alors en vigueur, applicable aux magistrats de l'ordre judiciaire en vertu du 2° de l'article L. 2 du même code : Les émoluments de base sont constitués par les derniers émoluments soumis à retenue afférents à l'indice correspondant à l'emploi, grade, classe et échelon effectivement détenus depuis six mois au moins par le fonctionnaire ou militaire au moment de la cessation des services valables pour la retraite (...) ; que selon l'article L. 16 du même code dans sa rédaction applicable en l'espèce : En cas de réforme statutaire, l'indice de traitement mentionné à l'article L. 15 sera fixé conformément à un tableau d'assimilation annexé au décret déterminant les modalités de cette réforme ; que ces dispositions ont eu pour objet et pour effet de permettre aux fonctionnaires retraités de bénéficier, pour le calcul de leur pension, des modifications indiciaires applicables par suite d'une réforme statutaire aux personnels en activité ; qu'il s'ensuit, lorsque les conditions d'ancienneté exigées par le décret d'assimilation pour que les retraités puissent bénéficier des nouveaux indices sont identiques à celles prévues pour les personnels en activité, que le ministre est tenu de réviser la pension en fonction de l'indice sur lequel elle aurait été calculée si le pensionné avait été admis à la retraite à la date à laquelle la réforme statutaire a pris effet ;

Considérant que le décret du 7 janvier 1993, pris pour l'application de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, ne comportait, pour les magistrats du premier grade antérieurement régi par le décret du 22 décembre 1958 pris pour l'application de la même ordonnance, aucune modification à l'échelonnement des intéressés, ni aucune disposition relative au reclassement des magistrats de ce grade ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le ministre de la justice, ce décret ne constituait pas, en ce qui concerne ces magistrats, une réforme statutaire au sens et pour l'application de l'article L. 16 précité du code des pensions civiles et militaires de retraite, même s'il procédait à une telle réforme pour les magistrats du second grade ; que l'article 51 de ce décret a été modifié par le décret du 31 décembre 2001, dont l'article 26 a procédé, dans le cadre de la réforme statutaire qu'il a prévue, à un reclassement des magistrats des premier et second groupes du premier grade et, pour l'application de l'article L. 16 précité du même code, à une assimilation entre la situation nouvelle et la situation ancienne de ces magistrats ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A, magistrat du premier groupe du premier grade de la hiérarchie judiciaire, a été radié des cadres et admis au bénéfice d'une pension civile de retraite le 19 juin 1981 ; que cette pension a été calculée et liquidée, compte tenu de l'ancienneté supérieure à une année acquise et conservée par l'intéressé conformément aux dispositions du décret du 22 décembre 1958 qui lui était applicable, sur la base des émoluments afférents au cinquième échelon du premier groupe du premier grade ; que le décret du 7 janvier 1993 qui, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, n'a pas constitué une réforme du statut des magistrats du premier grade, est demeuré sans effet sur l'ancienneté conservée par M. A, qu'il avait acquise sous le régime antérieur ; que le décret du 31 décembre 2001 a procédé à une réforme statutaire du corps de magistrats dont il s'agit et a notamment prévu, dans la rédaction nouvelle qu'il a donnée à l'article 51 du décret du 7 janvier 1993, que les pensions des magistrats du premier grade admis à faire valoir leurs droits à la retraite avant le 1er janvier 2002 et celles de leurs ayants cause seront révisées à compter de cette date ; que ces dispositions étaient applicables aux droits à pension du requérant, qui avait conservé son ancienneté dans le cinquième échelon du premier groupe du premier grade, à la date d'entrée en vigueur de cette réforme statutaire ; que, par suite, le requérant avait droit, compte tenu de cette ancienneté, à la révision de sa pension sur la base des émoluments correspondant au septième échelon du premier grade ; qu'il suit de là que c'est par une fausse application de ces dispositions à M. A que sa pension a continué à être liquidée sur la base des émoluments correspondant au groupe hors échelle A 3 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par la décision attaquée, le ministre de la justice a refusé de faire droit à sa demande de révision de pension ;

Considérant que le contentieux des pensions civiles et militaires de retraite est un contentieux de pleine juridiction ; qu'il appartient, dès lors, au juge saisi de se prononcer lui-même sur les droits des intéressés, sauf à renvoyer à l'administration compétente, et sous son autorité, le règlement de tel aspect du litige dans des conditions précises qu'il lui appartient de lui fixer ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique de réviser, dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision, la pension civile de retraite de M. A, à compter du 1er janvier 2002 sur la base des émoluments correspondant au 7ème échelon du premier groupe du premier grade de la hiérarchie judiciaire ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

Considérant, d'une part, que M. A a demandé le versement des intérêts sur les arrérages de la pension qui lui a été illégalement refusée ; qu'il y a lieu de faire droit à ces conclusions à compter du 8 mars 2005, date de réception de sa demande de révision, et au fur et à mesure des échéances successives de cette pension ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que pour l'application de ces dispositions, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que M. A a demandé la capitalisation des intérêts dans sa requête le 13 juillet 2005 ; qu'à cette date, une année ne s'était pas écoulée depuis sa demande d'intérêt ; que, par suite, il y a lieu de faire droit à cette demande au 8 mars 2006, date à laquelle ces intérêts étaient dus pour une année entière, et à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions tendant à l'allocation de dommages et intérêts :

Considérant que les conclusions de la requête tendant à l'allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral que M. A aurait subi sont irrecevables, faute d'avoir fait l'objet d'une réclamation préalable ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, par application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement de la somme de 3 000 euros que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : La décision implicite du garde des sceaux, ministre de la justice rejetant la demande de révision de pension présentée le 8 mars 2005 par M. A est annulée.

Article 2 : La pension civile de retraite concédée à M. A sera révisée, dans le délai d'un mois de la notification de la présente décision et à compter du 1er janvier 2002, sur la base des émoluments correspondant au septième échelon du premier groupe du premier grade de la hiérarchie judiciaire. Les rappels d'arrérages seront assortis des intérêts au taux légal, à compter du 8 mars 2005.

Article 3 : Les intérêts afférents aux rappels d'arrérages de la pension de M. A échus le 8 mars 2006 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 4 : L'Etat versera à M. A, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 3 000 euros.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Laurent A, à la garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 287334
Date de la décision : 31/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 31 déc. 2008, n° 287334
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Bertrand du Marais
Rapporteur public ?: Mme Legras Claire
Avocat(s) : SCP TIFFREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:287334.20081231
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