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31/12/2008 | FRANCE | N°307510

France | France, Conseil d'État, 4ème sous-section jugeant seule, 31 décembre 2008, 307510


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 16 juillet et 17 septembre 2007, présentés pour M. Charles A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 126 000 euros, en réparation des préjudices tant moral que matériel subis du fait de la durée excessive de la procédure engagée devant la juridiction administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 décembre 2008, présentée pour M. A ;

Vu la conven

tion européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 16 juillet et 17 septembre 2007, présentés pour M. Charles A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 126 000 euros, en réparation des préjudices tant moral que matériel subis du fait de la durée excessive de la procédure engagée devant la juridiction administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 décembre 2008, présentée pour M. A ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Francine Mariani-Ducray, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Rémi Keller, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. A recherche la responsabilité de l'Etat en invoquant la durée excessive d'une procédure qu'il a engagée devant la juridiction administrative ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte des principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives que les justiciables ont droit à ce que leurs requêtes soient jugées dans un délai raisonnable ; que, si la méconnaissance de cette obligation est sans incidence sur la validité de la décision juridictionnelle prise à l'issue de la procédure, les justiciables doivent néanmoins pouvoir en faire assurer le respect ; que, par suite, lorsque la longueur d'une procédure juridictionnelle les mettant en cause a excédé une durée raisonnable et leur a causé de ce fait un préjudice, ils peuvent obtenir la réparation du dommage ainsi provoqué par le fonctionnement défectueux du service de la justice ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par une réclamation du 12 mars 1987, M. A a sollicité la décharge totale de diverses impositions ; que cette réclamation a été rejetée par une décision du directeur régional des impôts de Rouen du 13 septembre 1990 ; que, le 13 novembre 1990, M. A a saisi le tribunal administratif de Rouen d'une demande tendant à la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à sa charge au titre de l'année 1980 ; que, par un jugement du 2 mars 1994, le tribunal administratif a réduit de 5 201 931 francs la base de l'impôt auquel avait été assujetti M. A ; que, saisie le 5 mai 1994 d'un appel formé par M. A, et, le 6 juillet 1994, d'un appel formé par le ministre du budget, la cour administrative d'appel de Nantes, par un arrêt du 10 juin 1997, a rétabli M. A au rôle de l'impôt sur le revenu de l'année 1980 à raison d'une base d'imposition de 5 877 801 francs ; que M. A s'est, le 11 août 1997, pourvu en cassation contre cet arrêt ; que, par une décision du 14 février 2001, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour en tant qu'il avait statué sur les cotisations supplémentaires résultant des gains réalisés sur le marché à terme de la bourse de commerce et sursis à statuer jusqu'à ce que le ministre de l'économie et des finances ait produit ses observations sur les productions présentées par M . A le 4 janvier 2001 ; que, par une décision du 30 décembre 2002 notifiée le 3 février 2003, le Conseil d'Etat a, d'une part, rétabli M. A au rôle de l'impôt sur le revenu à raison des droits supplémentaires procédant de l'imposition des gains réalisés sur le marché à terme, d'autre part, limité aux intérêt de retard la majoration appliquée aux droits procédant des plus-values de cession de valeurs mobilières ; qu'en dépit de la complexité de l'affaire et de l'espacement dans le temps des nombreuses productions du requérant, la durée de près de seize ans mise pour régler le litige est excessive ; que, dès lors, M. A est fondé à demander la réparation par l'Etat du préjudice qu'il estime avoir subi pour ce motif ;

Sur le préjudice moral :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la méconnaissance du délai raisonnable de jugement a occasionné à M. A un préjudice moral consistant en des désagréments allant au-delà des préoccupations habituellement causées par un procès ; qu'il sera fait une juste évaluation de ce préjudice en allouant à M. A une somme de 13 000 euros ;

Sur les préjudices matériels :

Considérant que les honoraires versés à des consultants, lesquels ont résulté de choix faits par M. A, ne peuvent être regardés comme liés à la durée excessive de jugement ; que, si M. A invoque l'indisponibilité des sommes constituées, pour l'obtention d'un sursis de paiement, en garantie des impositions contestées, cette indisponibilité a résulté de la seule décision de M. A de demander un sursis de paiement ; qu'enfin, le requérant ne saurait utilement se prévaloir, à l'appui de sa demande d'indemnité, de la perte d'une chance d'avoir obtenu la décharge totale des impositions contestées ;

Considérant que, si M. A invoque les coûts qui auraient résulté de ses problèmes de santé, il n'établit pas que ceux-ci ont été causés par la durée excessive de la procédure ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de M. A tendant à être indemnisé de divers préjudices matériels, doit être rejetée ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'Etat est condamné à verser à M. A une somme de 13 000 euros.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Charles A et à la garde des sceaux, ministre de la justice.

Copie en sera adressée pour information au chef de la mission permanente d'inspection des juridictions administratives, au président du tribunal administratif de Rouen et au président de la cour administrative d'appel de Nantes.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 31 déc. 2008, n° 307510
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Silicani
Rapporteur ?: Mme francine Mariani-Ducray
Rapporteur public ?: M. Keller Rémi
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Formation : 4ème sous-section jugeant seule
Date de la décision : 31/12/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 307510
Numéro NOR : CETATEXT000020061371 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2008-12-31;307510 ?
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